J’apprivoise la douleur - Fabuleuses Au Foyer
Dans ma tête

J’apprivoise la douleur

Sandra Aubert 3 mars 2025
Partager
l'article sur


Aïe. Je la sens poindre à la base de mon crâne, se faufiler dans mes trapèzes et mes épaules, puis se diffuser le long de ma colonne vertébrale, dans mes jambes et jusqu’à la pointe de mes orteils. 

Elle, la douleur. Ma pire ennemie.

Insidieusement, elle s’empare de mon corps tout entier, s’enroule autour de mes muscles et de mes nerfs. Son voyage n’a de limites que celles de mon corps. Les heures passent et je la sens qui s’approprie une à une mes cellules. Elle prend possession de moi, elle me tiendra bientôt prisonnière.

J’ai beau hurler intérieurement, je ne parviens pas à freiner sa progression.

Impossible de la localiser désormais. Elle se diffuse dans chaque recoin de mon être. J’ai mal partout, du sommet de ma tête jusqu’au bout de mes pieds.

Une douleur plus insoutenable que celle ressentie lorsque j’ai donné la vie, car rien de beau ne naîtra de cette épreuve. Je me répète en boucle « ce que je vis est stérile ». La seule chose qui prend vie en cet instant, ce sont mes larmes.

J’ai beau lutter, tenter de faire taire la douleur à force de médicaments ou d’essayer de fuir en me précipitant à corps perdu dans l’action : rien n’y fait. Plus je lutte, plus elle prend de force et d’ampleur. Je perds le combat. Je le sens, je m’essouffle, je m’épuise. 

La douleur est en train de gagner le duel que je livre contre elle.

Je pose un genou au sol, me voilà à terre. 

J’ai envie de crier, d’appeler à l’aide. Je me sens seule et perdue. Personne ne peut ressentir la violence de ce qui est en train de se jouer en moi. Je mesure en cet instant que la douleur est une expérience éminemment solitaire. 

Immobile dans mon lit, transpercée par la douleur au moindre mouvement, je laisse mes larmes couler. Je rends les armes.

J’ai peur. J’angoisse à l’idée que la douleur m’ensevelisse et m’asservisse.

« La peur de souffrir est pire que la souffrance elle-même. » Paulo Coelho avait raison.

J’ai peur d’avoir encore plus mal. Serait-ce possible ? 

Toutes sortes de pensées m’animent.

Je vais devoir annuler tout ce que j’avais prévu aujourd’hui et les jours à venir. Une fois de plus. J’ai peur de décevoir mon entourage. J’ai peur de ce qu’on dira de moi. J’ai peur de ne pas y arriver. J’ai peur de ne jamais pouvoir me relever. Je me sens si faible et vulnérable.

C’est un véritable combat que je mène intérieurement.

Les peurs tourbillonnent dans mon esprit tourmenté. Puisque combattre n’est pas la solution, alors comment faire pour vivre avec cette douleur ?

Dans le silence et l’immobilité, j’ose pour la première fois écouter mes angoisses. Je les regarde en face.

Et si la clé était là ? Dans l’écoute de la douleur qui bat au rythme de mon cœur ?

Fébrilement, timidement, je me rends disponible à ma douleur du mieux que je le peux.

Je prends conscience des sensations qu’elle provoque en moi. Dans mes bras, je sens des picotements, dans mes jambes des tiraillements. 

Je réalise qu’elle évolue et migre par instants. Pulsatile, tantôt elle s’intensifie, tantôt elle s’adoucit. J’essaie de lui donner une forme, une couleur, un nom. 

Peu à peu, je l’apprivoise. Progressivement, elle me fait moins peur. 

Mon souffle s’allonge et mon esprit s’apaise légèrement. La douleur est toujours là, mais elle devient moins oppressante.

Elle vit en moi. Telle une vague, elle grandit, mûrit.

À l’instar de toute vie, prendra-t-elle fin un jour ? J’ai envie d’y croire. Je m’accroche à cette idée comme à une bouée. Elle me permet d’entrevoir une lueur d’espoir dans la tempête. 

Avec les ressources qui sont les miennes, j’essaie d’être ma meilleure amie. Je me répète les mots de Nicole Bordeleau qui me bercent et m’apaisent : « tout passe, tout est éphémère. » Ce que je vis maintenant est temporaire. Cette expérience douloureuse finira par passer. 

Je comprends aussi que j’ai été touchée par deux flèches dans le combat que j’ai mené : la flèche de la douleur et celle de la souffrance. La première s’atténuera grâce à du repos et au soutien des médecins. La seconde, en revanche, dépend intégralement de moi. Elle se nourrit de mon discours intérieur et de mes pensées.

À moi d’œuvrer pour que cette seconde flèche me blesse le moins possible. 

Pour cela, j’écris. Je couche sur le papier mes peurs, mes doutes et mes espoirs.

Et je médite. La méditation « Apprivoiser la douleur » du thérapeute Thomas Busigny devient une aide précieuse sur ma route. Je me donne le temps de traverser pas à pas cette épreuve.

J’essaie de remplacer mes peurs par des paroles rassurantes et apaisantes.

Je me découvre résiliente, patiente, d’une douceur envers moi-même que je ne soupçonnais pas. À ma manière, je grandis, je m’assagis. Chaque mouvement que je parviens de nouveau à faire m’apparaît comme un miracle. Je cultive la gratitude pour ces petits progrès.

Contrairement à ce que j’imaginais, cette expérience, aussi désagréable et éprouvante soit-elle, est tout sauf stérile. Elle m’enseigne l’écoute, la patience, la bienveillance, autant d’outils que je glisse dans mon sac pour poursuivre ma route, petits pas après petits pas.



Partager
l'article sur




Cet article a été écrit par :
Sandra Aubert

Après dix années dans le domaine du développement économique et de l'aide à la création d'entreprise, Sandra a créé "Que rayonne ton talent", un parcours d'accompagnement personnalisé pour les femmes qui veulent entreprendre.

Formée à l'écoute, elle est également fée de la boîte mail et membre de l'équipe de l'Aire Mômes, un lieu d'accueil enfants-parents en Alsace. Amoureuse des mots, elle est contributrice sur le blog des Fabuleuses et écrit des audios pour le Village.

Sandra est mariée et maman de 3 enfants. Elle sait par expérience combien la maternité peut être bouleversante !

https://www.querayonnetontalent.com

> Plus d'articles du même auteur
Les articles
similaires
Accepter l’inacceptable
Jamais je n’aurais cru écrire cet article. Je suis prof de philo et je me revois, il y a quelques[...]
mains qui se tiennent soutien
Prendre soin de mes peurs
Il paraît que mettre un pied dans le monde de la maternité, c’est accepter que la peur devienne notre compagne[...]
femme chimio
La chimio, ça fait mal
Quand mon grand psoas (autant en profiter pour réviser l'anatomie) se prend de spasmes comme s'il dansait sur du hardcore[...]
Conception et réalisation : Progressif Media