Conseillère conjugale et familiale, mère de quatre enfants, auteur avec sa sœur Christine Lewicki du livre J’arrête de râler sur mes enfants et mon conjoint et créatrice des ateliers du même nom, Florence Leroy accompagne les mamans vers plus de joie dans leur vie de famille mais aussi leur vie de femme. Entretien avec une maman qui nous invite à prendre notre vie en mains !
Comment vous êtes-vous retrouvée “au foyer” ?
J’ai un diplôme en gestion entreprise. J’ai été gestionnaire de chantier chez Bouygues. Une vraie working girl ! Dès l’arrivée de notre premier enfant, j’ai choisi de rester à la maison à plein temps. C’était comme une conviction intime, celle d’être pleinement disponible pour ma famille.
Comment avez-vous vécu cette période ?
Avec des hauts et des bas. Je me souviens d’une fois où en me voyant mettre le linge de mon conjoint dans la machine à laver, j’ai eu un choc et je me suis dit : “Je suis foutue, je suis devenue bobonne à la maison !” Malgré cela, c’était une évidence de m’occuper de ma famille. Et même si être “au foyer”, était un vrai choix, ce n’était pas toujours facile. Parce qu’être avec des enfants, c’est un défi ! Sans compter la solitude, due au manque de conversations avec des personnes de mon âge.
Comment en êtes-vous venue au soutien à la parentalité ?
Avant d’avoir des enfants, j’avais plein de principes à propos de leur éducation : je ne me ferai pas marcher sur les pieds, je suis forte, je saurai également être souple. Ma fille aînée était particulièrement cool : une vraie publicité mensongère… C’est l’arrivée de mon fils qui m’a fait retomber de mon piédestal.
Je me sentais coincée entre d’un côté mes valeurs et mes principes, et de l’autre le dawa qui régnait à la maison.
Puisque nous étions partis pour être ensemble pendant une bonne vingtaine d’années, je suis partie chercher de l’info : livres, conférences, maisons vertes, groupe de parole de parents… J’ai crée une association de soutien à la parentalité, je me suis formée à l’animation d’ateliers pour parents tout d’abord pour moi et petit à petit je me suis retrouvé sur le chemin d’accompagner à mon tour les parents.
Quelle est la difficulté que vous constatez le plus souvent dans les familles ?
Parvenir à s’accorder entre papa et maman ! (Surtout si l’un des deux n’a pas suivi la formation J’arrête de râler sur mes enfants et mon conjoint !) Nos enfants ont deux parents ! Les deux manières de faire sont légitimes. Si on refuse de lâcher prise, on se pourrit notre relation à deux. La relation entre notre conjoint et nos enfants leur appartient !
Combien de femmes râlent à propos de la logistique de la maison en disant : “Je me tape tout le boulot !” Alors qu’en fait, leur conjoint fait plein de choses, mais pas comme elles voudraient. Du coup, elles refont le travail à leur manière.
La règle d’or chez nous : c’est celui qui fait qui a raison !
Pourquoi vous a-t-il semblé opportun d’écrire avec votre soeur une version “enfants et conjoint” de “J’arrête de râler” ?
Christine s’était engagée à ne pas écrire une déclinaison de sa première expérience. Jusqu’à ce qu’elle publie un article intitulé “7 trucs pour arrêter de râler sur ses enfants”, qui a eu un écho important. Elle a réalisé que c’était une thématique particulière où se cachait une souffrance, celle du décalage entre la vie voulue et la vie réelle. Christine m’a donc contactée pour concrétiser ce projet sur la famille… en famille ! C’est ainsi qu’est né l’ouvrage J’arrête de râler sur mes enfants et mon conjoint !
Pourquoi est-ce qu’on râle le plus sur les personnes qu’on aime le plus au monde ?
Quand on râle, c’est parce que l’autre a fait ou n’a pas fait quelque chose qui vient nous toucher dans nos besoins ou nos valeurs. Or quand il s’agit de nos enfants, cela va nous toucher sur nos valeurs les plus importantes ! Avez-vous remarqué qu’au parc, lorsque les enfants des autres chahutent, cela ne nous dérange pas trop ? Quand il s’agit des nôtres, c’est notre capacité à transmettre des valeurs de paix, à se montrer bon parent à l’extérieur, à avoir bon projet de famille qui est touchée.
Quand on râle, c’est aussi parce que l’un de nos besoins n’est pas satisfait (par exemple s’il y a des traces de boue dans l’entrée juste après que j’ai passé la serpillière, je ne me sens pas respectée dans le travail que je viens d’accomplir). Le problème avec les gens qui vivent sous le même toit que moi, c’est qu’ils ont des besoins, eux aussi ! Et leurs besoins viennent percuter les miens. Cela multiplie les opportunités de râler !
Pourquoi est-ce que c’est si difficile d’arrêter de râler sur nos enfants et notre conjoint ?
Vivre avec des enfants, ce n’est pas facile ! Il ne faut pas se juger d’avoir envie de râler. Les enfants pompent notre énergie, entre les cris, les playmobils qui traînent, le lait renversé, sans compter le temps et l’argent qu’on investit.
Quand on est parent, on prend moins soin de soi. Lorsqu’on se sent vide et sec, la moindre chose qui va de travers nous fend le coeur et nous fait partir au quart de tour.
C’est la même chose dans le couple : si on ne prend pas de temps pour soi et pour la relation, quand on voit une chaussette par terre, on pense tenir la preuve que l’autre ne nous respecte plus et ne nous aime plus. Alors que si on a pris soin de soi-même et de son couple, on ramasse la chaussette et on passe à autre chose…
Lors de toutes mes interventions, je donne la conclusion suivante : arrêter de râler n’est pas l’objectif. C’est un prétexte pour nous reconnecter à ce qui est important, lâcher prise sur ce qui n’est pas essentiel, mettre le plaisir au coeur de nos vies.
Ce qui est important, c’est quoi ?
Les chaussures qui traînent dans l’entrée valent-elles un combat ? Comment m’y prendre pour obtenir qu’elles soient rangées tout en prenant soin de la relation avec tout le monde ? Rappelons-nous notre objectif de vie : non pas garder une entrée rangée, mais garder une relation de qualité avec nos enfants et notre conjoint !
A la maison, j’ai mis un post-it sur la porte des WC : “Fermer la porte SVP”. L’autre jour, la porte des WC était, une fois de plus, restée ouverte. Je me demandais : “Est-ce que j’en fais une affaire d’état ? Non, ce n’est pas la preuve qu’ils ne m’aiment pas… Je préfère investir mon énergie pour être disponible pour eux, parler avec eux de ce qu’ils ont à coeur. Avec du recul, cette porte ne remet pas en cause ma valeur éducative ! Je ne suis pas mauvaise mère parce que je ne suis pas capable d’obtenir que cette porte soit fermée.” Avec le temps, j’ai cultivé une manière de voir ces situations autrement et de relativiser. Cela ne veut pas dire que je vais lâcher sur tout ! Simplement que je préfère pendre soin de mon énorme besoin avant de m’occuper des plus petits.
D’après vous, pourquoi est-ce qu’il faut dire à toutes les mamans qu’elles sont fabuleuses ?
Ce que je vois, c’est que les mamans oeuvrent pour beaucoup de choses à ce qui se passe dans la famille. Les mamans ont envie de comprendre, d’être à l’écoute, que ça aille bien. Souvent, elles vont chercher une solution, comment faire autrement.
Elles sont la cheville ouvrière, le coeur du foyer. Quand ce coeur du foyer est bien dans son corps, sa tête et son esprit, ça rayonne.
D’ailleurs en ce qui me concerne, j’oeuvre pour la paix des familles donc la paix dans le monde ! Prendre soin de soi, c’est aussi transmettre à nos enfants des manières de faire, et ça c’est fabuleux. On n’y arrive pas tous les jours mais tout ce qui est fait est bien !
J’arrête de râler sur mes enfants et mon conjoint, Eyrolles, 2013