Il y a 10 ans, je devenais maman - Fabuleuses Au Foyer
Dans ma tête

Il y a 10 ans, je devenais maman

Anna Latron 21 septembre 2021
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Chère Anna,

La nuit dernière, tu es devenue maman. Bien sûr, à tes yeux, tu l’étais déjà, depuis que tu sentais ton enfant tressaillir en toi…ou plutôt dès l’instant où deux petites barres se sont affichées sur l’écran de ce test de grossesse.

Mais c’est ce dernier grand voyage, celui de ton enfant à travers ton bassin et ton périnée, qui a définitivement achevé ce miracle :

Oui, tu es maman.

À l’heure qu’il est, tu essayes tant bien que mal de récupérer. Mais voilà : tu guettes chaque seconde la respiration de ton enfant, tu l’admires à travers la paroi de verre de son berceau, tu n’arrives pas à y croire, et tu es fatiguée. Ton corps te fait souffrir. Ton esprit est en même temps fatigué et totalement galvanisé par tout ce qui s’est passé ces dernières heures : les premières contractions, le départ à la maternité, l’attente, la douleur, la joie mêlée de crainte, l’assoupissement entre deux salves de douleur, le regard de ton mari sur toi, sa main broyée par la tienne alors que tu donnes tout et que tu appliques consciencieusement tout ce pour quoi tu t’es préparée depuis 9 mois, et puis le miracle de la rencontre avec ce petit être tout poisseux que l’on a posé ton ventre et qui rampe vers ton sein.

Tu l’entends respirer calmement et tu te demandes si tu peux fermer les yeux et t’endormir.

Tu ne sais pas. Tu ne sais plus. Tout d’un coup, tu sembles ne plus rien savoir.

Toutes tes certitudes s’envolent. Et tu as peur de rencontrer ce doute qui t’envahit et que tu ne connaissais pas, qui étreint ton cœur pourtant si gonflé de joie.

Il y a quelques minutes, une sage-femme est venue t’aider pour mettre ton enfant au sein. Alors que tu avais tout lu, tout écouté, tout appris sur l’allaitement, et que tu pensais que cela te viendrait naturellement, te voilà désemparée devant la complexité de la chose. Tu sens que tu as besoin d’aide, mais tu ne sais plus vers qui te tourner. Malgré sa bonne volonté, la sage-femme t’a semblée un peu brusque et tu as fini la tétée les  larmes aux yeux. Heureusement, maintenant, ton bébé semble apaisé.

Avant qu’il ne se réveille, j’aimerais te dire quelques mots.

Chère Anna,

Même si je ne sais pas de quoi mon futur de maman sera fait, voilà ce que j’a appris depuis dix ans que je suis devenue maman et que j’aimerais te chuchoter. Voilà ce que j’aimerais te dire tout en posant ma main sur ton épaule :

Je sais à quel point ce nouveau rôle te rend heureuse, toi qui attends ce jour depuis longtemps.

Je sais aussi à quel point en toi c’est le foutoir :

Tu es en train de passer par toute la palette des émotions. Après la confiance, puis le découragement et l’émerveillement de la nuit dernière, te voilà assaillie par le doute : tu te demandes si tu seras à la hauteur, si tu seras une bonne maman.

La réponse est oui. Je sais que tu vas en douter.

Souvent. Tellement que pour chaque erreur que tu commettras, tu verras là l’occasion de te remettre en question jusqu’à te flageller. Sache que chacune de ces erreurs ne fera pas de toi une mauvaise mère, au contraire. Peu à peu, tu vas comprendre que la question n’est pas de se tromper ou de ne pas se tromper, mais de voir ce que tu peux en apprendre. Tu verras qu’accueillir ton imperfection et ta vulnérabilité, c’est le plus beau cadeau que tu pourras faire à ton enfant.

Cet accueil de l’imperfection se fera dans la douleur — une douleur qui n’a rien de comparable à celle de la mise en place de l’allaitement. Au début, et pendant longtemps, tu essaieras d’être parfaite, dans ton rôle de maman mais pas seulement : dans ton rôle d’épouse, dans ta façon de gérer le quotidien… Toute la journée, tu traîneras avec toi cette armure de perfectionnisme constituée de “il faut que”, de “je dois”. Le soir, épuisée d’avoir porté ce poids sur tes épaules toute la journée, tu iras souvent au lit avec cette impression de ne pas être “assez”.

Cette obsession de perfection, tu vas t’y accrocher à cause de cette pensée :

En étant parfaite, je donne le meilleur à mes enfants ET je suis irréprochable aux yeux des autres.

Mais en t’imposant cela, tu vas perdre le meilleur de toi-même, tu vas t’épuiser, tu vas fatiguer ton mari, tu vas te couper des autres et tu vas éloigner la joie de ton quotidien. Alors bien sûr, comme tu es une femme intelligente, tu finiras par réaliser que tu avais tort.

Ça va prendre du temps et ça se fera dans la douleur : il faudra que tu touches le fond. Mais c’est la meilleure chose qui va t’arriver.

Ma chère Anna,

Je ne vais pas te mentir.

Ce que tu vas vivre ces dix prochaines années ne sera pas facile. Ça ne sera pas toujours beau. Tu vas souffrir et tu auras le réflexe de t’isoler. Bien souvent, entre deux tâches et quand ton enfant sera endormi, tu t’offriras une petite pause en sortant ton smartphone et en allant sur les réseaux sociaux.

Et tu auras souvent l’impression d’être à des années-lumière de ce que tu y verras. Mais tu vas apprendre peu à peu que si ces photos pouvaient parler, elles raconteraient probablement bien des choses. Tu apprendras que chaque photo est un leurre, un instant capté dans une réalité qui est telle que la tienne : profondément et humainement imparfaite.

Je te préviens : il y a des jours où tu vas crier, pleurer, désespérer, et même te dire que tu n’aurais jamais dû suivre ce désir profond de devenir mère.

Mais n’aie pas peur :

Il y a tellement de jours où tu vas rire, sourire, être fière, t’émerveiller devant chaque nouvelle prouesse de ton enfant et devant chaque progrès à l’intérieur de toi. Les soirs où tu t’endors en pleurant se feront moins nombreux que ceux où tu te couches avec une joie douce et légère : celle du quotidien.

Aie confiance : des beaux moments, tu vas en vivre des tas. Et peu à peu, parce que tu vas apprendre à ne plus t’arrêter seulement sur ce qui cloche, tu vas goûter encore plus à cette joie douce et légère du quotidien. Parce que tu vas apprendre à ne plus te juger en permanence et que tu vas baisser les armes contre toi-même, tu vas pouvoir te concentrer sur cette vérité :

Tu n’es pas parfaite, mais tu es juste la mère dont cet enfant a besoin.

N’oublie pas que c’est lui qui t’a choisie.

Chère Anna d’aujourd’hui,

  • N’oublie pas de regarder derrière ton épaule de temps en temps et d’admirer le chemin parcouru.
  • N’oublie pas de prendre un peu de hauteur régulièrement et de ne pas rester “la tête dans le guidon”, bloquée sur les défis d’aujourd’hui ou déjà stressée par ceux que tu auras à relever demain. Tu le sais bien : la route sera encore longue, il y aura des montées, tu devras parfois faire un pas de côté, prendre des chemins que tu n’aurais pas pensé prendre un jour, tu vas certainement encore tomber et t’égratigner les genoux… mais n’oublie pas de regarder tout ce que tu as déjà accompli, tout ce qui est déjà plus doux dans ton quotidien et en toi.
  • N’oublie pas tout ce dont tu peux déjà être fière.
  • N’oublie pas : pour tout cela, tu peux avoir confiance en toi pour les dix prochaines années…et les dix suivantes aussi.

Et surtout, chère Anna :

N’oublie pas que tu es fabuleuse, et que vraiment, ça change tout !

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Cet article a été écrit par :
Anna Latron

Journaliste de formation, Anna Latron collabore à plusieurs magazines, sites et radios avant de devenir rédactrice en chef du site Fabuleuses au foyer et collaboratrice d’Hélène Bonhomme au sein du programme de formation continue Le Village. Mariée à son Fabuleux depuis 14 ans, elle est la maman de deux garçons dont l'aîné est atteint d’un trouble du spectre de l’autisme.

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