Il est 10h30, ressenti 18h. Dans la salle à manger, devant leurs cahiers, devant moi quatre enfants, ressenti 52.
Je me suis battue pour que chacun soit à l’heure devant sa table de travail, en essayant de rester douce et compréhensive. J’avais (déjà) chaud à 9h.
J’ai gardé mon calme face à ma dernière, deux ans, qui se manifeste toutes les 5 minutes malgré les activités proposées pour canaliser son attention. Retenue ma frustration de l’avoir dans les pattes, collées .
Je passe de l’un à l’autre sans réussir à faire travailler personne, chacun grommèle :
“C’est trop long, c’est trop dur, j’ai trop chaud”.
Pourtant, je tiens bon
C’est ma mission pour ces prochaines semaines : assurer le suivi des maîtresses, l’école à la maison. C’est important et en même temps il faut que cela reste ludique, limite montessoresque!
Je veux m’adapter à chacun, découvrir ce qu’ils savent, leur façon d’apprendre. Je vois sur les réseaux sociaux une déferlante de belles idées, de mamans très concernées, de fiches pédagogiques.
Je me suis fixée des règles personnelles : un peu de théorie, beaucoup de pratiques et d’activités manuelles. Aucune mauvaise humeur pour ne pas démobiliser les troupes.
Seulement voilà….
À 10h32, alors que je me prépare à envoyer tout mon petit monde en “récréation”, dans un élan d’affection incontrôlé , numéro 3 renverse mon sacro-saint café.
Devant cette mare à mes pieds, j’ai hésité. Que faire ?
- Crier ? Pour quoi faire, quel intérêt ?
- Pleurer ? Ca changerait quoi ? (si, quand même ça soulage!)
Et soudain, une chose me vient à l’esprit: “ET ALORS ?”
Quelles sont les priorités en ce moment, hein ?
Que les devoirs soient fait à l’heure ? Mais qui donc va venir me contrôler moi pour me dire si je fais du bon travail ?
Non, la priorité, c’est que malgré les circonstances, les enfants se dépensent, qu’ils soient fatigués le soir, d’une bonne et saine fatigue. Si les temps de travail sont plus courts, et alors ? Il faut qu’ils soient heureux, complices et soudés, libres d’inventer des mondes extraordinaires puisqu’ils ne peuvent plus sortir.
- Et si je prends, pour une fois, 10 minutes de plus pour moi aujourd’hui, en demandant à tout le monde de les respecter, et alors ?
- Et si il y a des frites, des pâtes ou de la purée mousseline, et alors ?
- Et si c’est le bazar atomique pendant une demi-journée, et alors ?
- Et si en fait, le lâcher prise me sauvait encore une fois la vie ?