Mes enfants ont décidé de vivre à l’étranger, par périodes. Pour eux, ce sont de chouettes expériences ; pour moi, je gère le manque et l’éloignement, et ça se fait : aujourd’hui, avec les facilités de connexion que nous avons, je trouve cela tout à fait possible.
Comment s’organise la vie de ‘’Maman de grands’’ ?
- Pour ce qui est de la vie quotidienne, je peux me réjouir d’être déchargée des couches, des biberons et autres taches d’herbe sur les pantalons…
Quoique ! Parfois, ils reviennent… et parfois à 1+1 =2, avec leur conjointe ! Ils se réinstallent en transit entre deux destinations pour quelques mois (pas question cependant de les garder plus longtemps !) et il faut re-définir les règles, re-partager les lieux et les tâches : salle de bains, toilettes, cuisine, lave-linge/sèche-linge, poubelles, ménage… Réadaptation réciproque !
- Pour ce qui est de la vie émotionnelle (et amoureuse), je suis aussi déchargée des soucis de maîtresse/profs, des « t’es plus ma copine/mon amoureuse »…
Quoique ! Ce dernier point peut me concerner encore un peu parfois, je peux être amenée à partager la joie ou à accueillir la tristesse, soutenir, réconforter, mais c’est à petite dose, dans une moindre mesure.
- Pour ce qui est des tâches administratives, ils apprennent à faire tout seuls, comme des grands, petit à petit… et on fait moins pour eux.
Quoique ! C’est pour tout le monde pareil, en la matière… Quand est-ce que ça s’arrête de :
- Remplir la déclaration d’impôts ? Jamais !
- Envoyer ce document pour la 3e fois parce que ton statut vient de changer ? Jamais !
- Assurer le logement que tu loues ? Jamais !
- Compléter le formulaire de visa de manière adéquate ? Jamais !
- Trouver la correspondance Sécu Française/assurance maladie locale ? Jamais !
C’est comme acheter le PQ : ça ne s’arrête jamais !
Évidemment, plus on a d’enfants, plus ils habitent loin, plus on est aux prises avec les lois et administrations locales, plus ça se multiplie !
Déjà qu’en France, on y perd son latin et souvent sa patience… C’est un peu polluant et très chronophage, se parler et se coordonner demande une jonglerie clownesque avec les décalages horaires, mais ça se fait !
Ce qui est moins supportable, émotionnellement surtout, ce sont les imprévus… notamment de santé ! Et ce qui ne s’arrête vraiment jamais, c’est l’inquiétude. Et ce n’est pourtant pas ma nature première, loin de là !
C’est la situation qui l’amplifie fortement, de facto :
- ils sont loin,
- on croit/ils croient qu’ils ‘’gèrent’’ (c’est ce qu’ils nous disent en tout cas, et comme il faut bien qu’ils apprennent leur véritable indépendance et qu’ils fassent leurs expériences, on les laisse faire),
- et en fait : pas tant que ça ^^
Mon bon conseil de ‘’Maman de grands’’ ?
Ne te fie jamais au calme : un bon gros coup de stress peut survenir à n’importe quel moment de ta vie, pire, à n’importe quelle heure de ta nuit.
Ça ressemble à la navigation en mer en Méditerranée : tout est calme, et tout d’un coup, mistral ! Et là, tu ne peux même pas t’en vouloir de ne pas avoir regardé la météo avant de partir : ça ne prévient pas, il n’y avait bien sûr aucun avis coup de vent, aucun signe avant-coureur il y a une semaine, 3 jours ou la veille quand il t’a dit que tout allait bien…
Une dent cassée qui a pu être réparée chez le dentiste habituel le week-end quand il revient au bercail, ou même un mal de gorge persistant au fin fond de l’Équateur qui se termine finalement sans angine, ça passe !
Mais, alors que je l’ai relancé dix fois pour vérifier qu’il a bien fait les démarches pour sa ‘sécu’ locale et qu’il m’envoie un WhatsApp à minuit (heure locale pour moi), photo à l’appui d’un œil plein de sang, m’explique que la consultation de l’hôpital c’est 1.500 $, qu’il va passer la nuit comme ça et qu’il ira demain dans une clinique privée à 300$…
Là, ‘‘ça pique’’, comme ils disent.
Inutile de dire que ma nuit a eu l’arrière-goût de celles de ses otites à répétition nourrisson, les mêmes qui l’ont gardé hospitalisé à Necker quand il avait trois mois .
Je ne suis pas tranquille, je n’ai aucune idée de la gravité et/ou de l’urgence de la situation.
Une seule chose à faire : attendre le décalage horaire et la consultation au prix exorbitant du lendemain.
Parce que, que faire d’autre ?
- S’assurer qu’il n’a pas (trop) mal ? Fait
- Lui demander s’il peut consulter un ophtalmo ? Fait, c’est impossible !
- Lui dire de mettre de la glace autour de l’œil avant de s’endormir ? Fait
- Lui recommander de prendre des granules d’arnica (s’il en a encore en stock) ? Fait
- Prévoir de contacter un copain ophtalmo ici en France dès la première heure demain. Fait
- Le rassurer, même si je ne le suis pas du tout moi-même… Fait
- Puis, attendre le lendemain…
En ayant finalement, je crois, oublié la question à 10.000 $ : quid de sa perte de vision ?
C’est difficile de :
- calmer mon inquiétude et m’endormir quand même ;
- garder la bonne distance et ne pas le harceler pour avoir des infos ;
- ronger mon frein en attendant des news ;
- ne pas le charger et lui mettre de la pression : j’ai bien senti dans sa manière de m’annoncer la mauvaise nouvelle qu’il est inquiet pour sa santé et honteux de ne pas avoir fait les démarches administratives concernant sa couverture santé jusqu’au bout ;
- ne pas lui demander comment il s’y est pris pour prendre ce coup dans la tronche, même si c’est en faisant du sport (bonne valeur), ne pas lui demander « mais pourquoi le hockey sur glace est-il si violent ? », … questions inutiles à cette heure de la nuit ;
- ne pas lui transmettre mon stress, ça ne sert à rien ;
- ne pas l’engueuler, tout simplement : « Je vous ai fait entiers ! » leur ai-je répété toute leur vie d’enfant et surtout d’ado (principalement comme ‘argument-phare’ pour ne pas leur acheter de scooter, mais pas seulement).
- Finalement, à mon réveil, plus de peur que de mal :
L’accident en question est beaucoup plus impressionnant que grave, il n’y a pas de complications à redouter. Merci le diagnostic de mon ami médecin en France et merci WhatsApp !
Quelques jours plus tard, c’est mon autre grand qui se fait hospitaliser avec intervention chirurgicale immédiate d’urgence, assortie de plusieurs mois de convalescence…
Heu…. Ça s’arrête quand cette série, là ?
Et que dire de situations de détresse bien pires dans d’autres familles ?
Malgré mes ascenseurs émotionnels successifs décrits ici, je me sens très “privilégiée’” lorsque je pense à cette amie de mon fils (24 ans) qui a déclaré un cancer au cerveau à Montréal, dont la mère a tout quitté à Paris pour rester avec sa fille sur place pendant des mois de traitement… et qui n’a pas survécu.
Ils partent à des milliers de kilomètres, ils reviennent, ils vivent leur vie.
Ils sont loin, pas tant que ça.
Géographiquement oui, de mon cœur, jamais.
Quand est-ce que ça s’arrête d’être Maman ? Jamais !
Chères Fabuleuses, je vous le dis haut et fort :
fabuleuses, nous le sommes, au quotidien, avec nos petits et nos grands !