La fausse couche est un sujet qui souvent « n’intéresse » que les personnes qui l’ont vécue.
Il est vrai que, vu de l’extérieur, cela peut sembler pour beaucoup n’être « juste qu’un incident ».
Mais pour les personnes qui la subissent, c’est souvent une douleur indicible, incomprise et vécue seule… une douleur étouffée.
J’ai mis des années…
…à admettre que ce moment de ma vie avait eu bien plus de répercutions que je ne le pensais sur ma santé émotionnelle et physiologique.
Il n’y avait jamais eu les mots posés sur mes maux et ce n’était pas sans conséquence.
« Maman »
Peu importe qu’on l’ait déjà été ou que ce soit la première fois, la découverte de la grossesse est un sentiment si intense que je ne saurais le décrire.
Être Maman.
Dès le moment où le signe positif sur le test de grossesse est venu confirmer ce que je savais déjà au fond de moi, je l’ai ressenti avec tout mon Être :
« Je suis maman »
Je dis bien « je suis » et non pas « je vais devenir ». C’est là toute la subtilité. Peu m’importe que ce soit un garçon, une fille, aux yeux bleus ou marrons….
« Je l’aime »
Mais nul besoin de m’étaler.
Vous qui avez porté la vie, vous savez, vous comprenez ce qu’aucun mot ne saura jamais décrire réellement. Chacune ayant, par ailleurs, sa sensibilité, sa perception émotionnelle personnelle.
Pardon, j’étais si contente.
Pourquoi pardon ?
Parce que pendant longtemps, je me suis sentie coupable de m’être réjouie trop tôt. Et comment ne pas culpabiliser?!
« Tu devrais peut-être attendre avant de l’annoncer… On ne sait jamais »
« Oooooh, c’est encore tout frais ! Et tu le dis déjà. T’as pas peur ?! »
On m’avait donc prévenu.
« Bien fait pour moi ! » (si si, apparemment)
Se réjouir de ce qui est l’une – si ce n’est la – plus belle nouvelle au monde n’est pas prudent.
La perte
Alors quand je l’ai perdu… Quand il est parti « pour de vrai », toutes ces phrases sont venues tourner dans ma tête comme une ritournelle violente ajoutant à ma douleur des bleus supplémentaires.
Tout a basculé si vite
« Je saigne. J’ai mal. Je perds beaucoup trop de sang, ce n’est pas normal »
Je panique comme jamais. Heureusement, mon chef est compréhensif, il me dit de filer à l’hôpital. Apeurée à la fois et rassurée de savoir qu’un professionnel va me prendre en charge rapidement, je garde espoir.
« C’est un décollement madame »
« Que dois-je faire pour qu’il se recolle ? »
« Rien, vous retournez travailler, s’il doit se recoller il le fera sinon c’est qu’il doit partir. »
Je prends cette conversation éclair comme un coup de massue sur la tête. Me voilà devant l’hôpital, saignant toujours plus et pleurant à chaudes larmes… seule. Je décide que mon gynéco « est un con » (pardon) et que je vais rester allongée.
Mon bébé va se recoller.
Dans la salle d’attente de mon généraliste, toujours assaillie de douleurs autant physiques qu’émotionnelles, je prie même si je n’y crois pas. Je supplie.
Je reste finalement allongée 3 jours avant de le perdre.
« On m’avait prévenu… Encore »
Le vide
Au sentiment de vide qui m’habite, s’ajoute la culpabilité de ne pas avoir su le garder.
Mon mari reste silencieux. C’est son moyen de surmonter la nouvelle j’imagine – et puis au boulot c’est compliqué pour lui en ce moment. Je crois surtout qu’il est à mille lieues de réaliser mon désespoir.
Nous n’en parlerons pas, donc.
Nous en referons un autre… comme on remplace un objet cassé.
Ma sœur vient de tomber enceinte… Et ma belle-sœur aussi… Hasard du calendrier familial.
Tout le monde est heureux dans la famille.
Ma tristesse est transparente. Chacun sa vie, chacun ses priorités. Je le comprends et j’ai mal pour autant.
« Comment vas-tu ? »
J’aurai donné n’importe quoi pour qu’on me la pose cette question. Mais rien. Alors, j’avance. Je retourne travailler. Je retombe enceinte une bonne année plus tard.
Tout est effacé, comme si ça ne s’était jamais produit.
« Il n’a jamais existé »
Sauf pour moi….
Alors, pour la première fois, je l’écris –même si dans ma tête – je te l’ai dis des centaines de fois :
« Pour moi tu existes et tu existeras toujours. Je t’aime »
Peu importe à combien de mois tu es parti, peu importe que tu sois un garçon ou une fille, peu importe la couleur de tes yeux, de tes cheveux… Tu vis dans mon cœur.
À vous qui me lisez,
Je n’ai nulle intention de faire pleurer dans les chaumières.
La seule chose que je souhaite est que celles qui vivent cette épreuve – car c’en est une, peu importe le nombre de mois de grossesse – se sentent peut-être moins seules en lisant ces lignes et que pour celles qui n’ont jamais vécu cette douleur – et tant mieux, vraiment ! – vous puissiez peut-être garder dans un coin de votre tête qu’il suffit parfois d’un :
« Comment vas-tu ? »
Pour permettre aux mots (maux) de sortir.