On connaît toutes, de près ou de loin, une Fabuleuse qui a perdu son frère au carrefour d’une route nationale, qui a appris un jour la leucémie de sa fille de deux ans, qui encaisse depuis des décennies le handicap de son enfant devenu adulte, qui pousse le fauteil de son mari après un accident stupide, ou qui gère les soins de sa maman dont la démence efface tout sur son passage.
On connaît toutes, de près ou de loin, une Fabuleuse qui pleure son propre enfant, qui a dû s’installer pour des semaines dans un hôpital, qui ne sait pas si elle finira par surmonter ce cancer, qui a perdu tous ses biens dans un incendie ou qui n’en peut plus d’attendre un enfant qui ne vient pas.
On connaît toutes une de ces Fabuleuses qui ont l’air de porter le poids du monde sur leurs épaules, d’être fortes tout le temps, et ça nous laisse sans voix.
« Comment fait-elle pour tenir ? Moi, je ne pourrais pas.
Moi, je ne tiendrais pas. »
Quand nous regardons ces Fabuleuses guerrières, nous avons peur de nous approcher :
- peur de voir en miroir que “ça” pourrait nous arriver aussi,
- peur de dire une grosse bêtise,
- peur, parce qu’à côté des leurs, nos problèmes semblent si insignifiants.
Est-ce que certaines personnes seraient faites pour en baver “mieux” que les autres ?
Chère Fabuleuse, notre chroniqueuse Rebecca Dernelle-Fischer a deux messages pour toi :
1. Un bobo est un bobo
« Ce que je vis n’est pas si grave… il y a bien plus difficile… pourquoi est-ce que j’ai quand même mal ? »
Ne relativise pas ta douleur, ne la compare pas, ne la piétine pas ! Une souffrance est une souffrance ; tu n’as pas besoin de la relativiser. Te dire que ce n’est rien ne suffit pas à la faire disparaître. Elle est réelle : respecte-la, respecte-toi.
Oublie la comparaison, c’est un mirage. Personne n’y gagne et surtout, le focus est mis au mauvais endroit : « Regarder l’autre pour savoir si j’ai le droit d’aller mal ou pas, si j’ai le droit de me sentir bien ou pas… »
2. Cesse d’admirer celles qui galèrent
Elles n’ont pas besoin de la médaille du mérite. D’ailleurs, elles n’en veulent pas ! Elles n’ont pas plus de force que toi ou moi, elles n’ont juste pas le choix. Elles n’ont pas besoin de notre admiration, et encore moins d’explications.
Elles ont juste besoin de quelqu’un qui ose les regarder dans les yeux, besoin de mots même maladroits : « Je ne sais pas quoi dire », « Qu’est-ce que je peux faire pour toi ? ». Elles ont besoin de rires et de pleurs, de quelqu’un qui puisse s’asseoir dans le froid de la grotte humide et sombre sans allumer la lumière, et qui dise humblement : « Je suis là ».
Chère Fabuleuse, peut-être que c’est toi la Fabuleuse guerrière, et peut-être qu’en lisant ces lignes, c’est ta gorge qui se noue, tes larmes qui montent, ta poitrine qui menace d’exploser sous le poids du souci, de la responsabilité et de la peine.
Les Fabuleuses et moi, nous n’avons que nos mots pour te dire qu’on est tes sœurs de route, que si tu lèves un tout petit instant les yeux, tu croiseras le regard d’autres guerrières fatiguées qui t’encouragent. Elles te voient. Fais-leur une toute petite place auprès de toi. Fais-nous une petite place auprès de toi, et quand tu en auras la force, dis-nous comment t’aider au mieux. Et si tu n’as que la force du silence, on lui laissera la place, et si tu n’as que des larmes, nous ne les sècherons pas, nous les honorerons pour la valeur qu’elles ont.