Il est 4h35 du matin. La gastro a totalement bousillé les rythmes de sommeil de mes deux dernières. Les semaines passées, je crois que j’ai fait 4 lessives par jour et quand j’approche mes mains de mon visage, j’ai l’impression qu’elles sentent encore le vomi.
J’essaie de me rendormir mais plus je pense à mon impérieux besoin de sommeil, moins j’arrive à me détendre.
Ce mois de janvier 2022, je le trouve presque plus hard core que le premier confinement
(et pourtant, j’ai encore des sueurs froides quand je repense au soir de l’annonce de la fermeture des écoles).
Tests à l’infini, crise de nerfs sous la tonnelle de la pharmacie, réorganisation des journées avant 8 heures du matin, et maintenant isolement. On est au 14ème jour à huis clos et malgré mon amour incommensurable pour mes enfants, j’ai bien envie de balancer un petit “L’enfer, c’est les autres” (surtout quand “les autres” ont 2 ans et demi et viennent de renverser un kilo de farine sur mes pieds pendant que je tentais de boucler un dossier urgent).
Il est bientôt 5 heures, la journée va être extrêmement longue, la télé va encore tourner à blinde et on va encore le regretter quand ils vont nous faire leur crise d’après-écran.
J’aimerais dire ce que je pense de la gestion de cette pandémie et ses conséquences sur les familles, mais je suis fatiguée par l’affreux climat de discorde qui pollue mon fil Facebook et je n’ai pas l’intention de l’alimenter.
J’aimerais expliquer à mes connaissances qui n’ont pas d’enfants à quoi ressemble notre vie de parents depuis 2 ans et ce que l’expression « continuité pédagogique » signifie pour nos nerfs, mais je sais qu’ils ne comprendront pas et que certains me balanceront le traditionnel :
“Tu les as voulu, tes gosses, tu assumes.”
J’aimerais lancer un appel à applaudir les parents au bout du rouleau,
tous les soirs à 20h à la fenêtre, mais ce serait de mauvais goût pour les soignants délaissés au front, sans moyens adéquats, depuis de si longs mois. Et puis il fait froid en ce moment, et de toute façon à 20h on est trop occupés à courir après des gamins tout nus qui refusent de mettre leur pyjama, alors on va pas encore ouvrir les fenêtres, ça leur donnerait des idées.
Je vais donc me contenter de m’adresser à vous, mamans, à vous, papas,
juste pour vous dire que je vous comprends, que je vous vois, que vous n’êtes pas seuls, qu’on est des millions à ne plus savoir quel jour on est ni comment on s’appelle, à soigner les autres alors que c’est nous qui sommes malades, à avoir l’impression que notre couple va craquer sous la pression, à hésiter le soir entre nous offrir du sommeil ou une putain de verveine CHAUDE à boire SEULS devant THE CROWN et sans PERSONNE pour nous gueuler dessus pour avoir une compote ou parce que « c’est lui qui a commencé ».
Je ne sais pas si ça peut te rassurer un peu de savoir que moi aussi j’ai des pensées affreuses que je n’oserais pas retranscrire ici, parce que je les aime plus que tout, mes enfants, et que je me sens évidemment coupable et toute pourrie quand je hurle encore plus aigü que Madame le Maire de la Grande Vallée (comprenne qui pourra), alors que d’autres ont perdu leurs enfants et donneraient tout pour qu’ils puissent inonder la salle de bains encore une fois.
Bref, sache qu’on est tous dans la même galère.
D’après Kristin Neff, ça s’appelle le sentiment d’humanité et c’est le premier ingrédient de l’autocompassion — voilà, ça c’était juste pour faire mon intelligente et t’expliquer que se réjouir que les autres en chient aussi, ça fait du bien :
c’est scientifiquement prouvé.
Selon cette chercheuse, le deuxième pilier de l’autocompassion, c’est la bienveillance envers soi. Alors je vais te jeter des fleurs : continuer de te lever le matin pour mettre une vieille boîte de céréales sur la table et distribuer quelques câlins tout en télétravaillant dans ta tête, ça fait de toi quelqu’une de fabuleux. Ne t’inflige pas une double pleine en te jugeant ou en critiquant tes performances éducatives.
Tu gères, tu déchires, you rock, tu mérites une médaille et ta photo dans le journal.
Dans le journal, dans le journal, dans le journal de Claire Chazal la la la la la (oh merde chéri je crois que j’ai craqué pour de vrai là).
Le troisième pilier de l’autocompassion, c’est la pleine conscience : revenir à l’instant présent. Alors en cette période bien merdique pour les papas et les mamans, je ne peux que t’encourager à ne SURTOUT pas culpabiliser à l’idée de prendre soin de toi. En allant faire un tour seul(e), ou si ce n’est pas possible, en t’enfermant quelques minutes dans la salle de bains, en respirant un bon coup et en te souvenant de ton cœur qui bat.
Être maman, être papa en janvier 2022 c’est quand même sacrément fabuleux.
Alors une grosse pensée pour vous, les parents, héros du quotidien. Vous êtes fabuleux, et cette période de merde n’y change rien. Et comme dirait mon amie Rebecca : on va la gravir, cette putain de montagne.
Si ce texte t’a fait du bien, transmets-le à un parent qui en a besoin !