Cette phrase pourrait apparaître comme l’un des dix commandements du couple heureux et même devenir un mantra, écrit avec application et aimanté sur le frigo entre les dessins de châteaux forts et le calendrier des vacances scolaires. Et si le frigo ne suffit pas, je préconise les toilettes pour qu’elle devienne méditation.
Car c’est un fait : les couples que je reçois s’accusent régulièrement et mutuellement de ne pas en faire assez.
Quand on prend le temps de décortiquer cette plainte, on y découvre tout autre chose. La plupart du temps, l’autre fait, mais différemment, à sa manière, à son rythme, selon son organisation ou selon son propre système de valeurs. Je reconnais que certaines personnes ne font rien du tout ou, quand elles font, y mettent de la mauvaise volonté, mais cela me demanderait d’élargir le propos de cet article à la mise en place de stratégies pour fuir la relation, ce qui n’est pas le sujet.
Non, je veux parler des couples qui, bon an, mal an, s’aiment et veulent vivre ensemble malgré les difficultés qu’ils rencontrent.
Des exemples, je peux en donner des dizaines, je suis sûre que ton Fabuleux et toi vous reconnaîtriez dans l’un d’entre eux, car, en réalité, nous le faisons tous : que celui ou celle qui prétend ne jamais râler sur l’autre quand une chose est faite (oui, mais à sa manière) me jette la première pierre.
Prenons quelques exemples :
- Il remplit le lave-vaisselle. Elle arrive 5 minutes après, vide les paniers à couverts et recommence. À sa façon.
- Elle a coupé les patates pour un beau gratin façon « grand-mère », il se prononce sur l’épaisseur des rondelles. Bien évidemment, ça ne va pas.
- Je peux aussi te raconter l’histoire du coup d’aspirateur dans le salon, passé par l’un, puis repassé par l’autre, sous prétexte que les plinthes n’étaient pas faites.
« C’est plus fort que moi, me dit Julie, mère de deux enfants, la trentaine amortie.
Je ne peux pas m’empêcher de reprendre mon conjoint. Vraiment, ça me démange. L’intention n’est pas méchante. Je dois rajouter ma touche, donner mon avis, je suis comme ça ». C’était à prévoir, son homme ne l’entend pas ainsi et d’un ton acerbe lui renvoie la balle en disant : « Tu préfères contrôler. Or, je suis père autant que tu es mère. Et je suis chez moi autant que tu l’es. » La discussion prend des allures de ping-pong conjugal dont je refuse l’arbitrage. Il en ressort qu’il ne souhaite plus s’investir dans certaines tâches ménagères et qu’il préfère aller courir plutôt que d’avoir un gendarme à ses trousses. Il en découle qu’elle se sent seule dans la gestion de la maison et qu’elle rêve d’un partenaire impliqué et sensible à sa façon de voir les choses.
Accepter l’autre dans ce qu’il est et ce qu’il fait est une chose fondamentale.
Théoriquement, tout le monde le comprend. Dans les faits, c’est plus compliqué. Or, plus on laisse notre partenaire faire à sa façon (avec un merci à la clé) plus il est motivé pour remettre la main à la pâte. Et plus le retour sur ces petites choses du quotidien est positif, plus la personne se sent investie et digne de confiance.
J’encourage donc les personnes et les couples que je reçois à appliquer ce petit conseil :
« C’est celui qui fait qui a raison. »
Quand on y pense, ce n’est que du bon sens.
Ton homme fait les valises, mais pas comme tu les fais habituellement toi-même ? Peu importe : il fait les valises. Tu as abattu le dossier administratif du mois, mais avec un raisonnement différent de celui de ton Fabuleux ? Peu importe, le résultat est là.
« C’est celui qui fait qui a raison » implique de ne pas être sur le dos de l’autre, de ne pas le surveiller, de ne pas l’infantiliser, d’avoir confiance en sa capacité à faire.
De ne pas chercher à tout régenter.
J’anticipe, car tu pourrais me répondre : « Encore faut-il que l’autre sache faire ! C’est très gentil, mais quand il y a eu des ratés… » Je sais. Mais si l’on ravive régulièrement ces souvenirs ou pire, si on les met en scène à la moindre occasion, comme lors d’un repas de famille où tout le monde en rira, il est probable que l’autre n’ait aucune envie de prendre à nouveau le risque de se voir humilié. Adieu les prises d’initiative !
« C’est celui qui fait qui a raison » implique un second point :
celui qui fait s’engage à faire bien, de façon responsable et à en assumer les conséquences.
Prenons un exemple récurrent : les courses. Celui qui s’en occupe s’engage à remplir les placards pour la semaine et à assumer ses oublis. C’est une question de respect mutuel. Il n’est pas souhaitable que celui qui assure les repas du soir soit obligé de descendre lui-même à l’épicerie à la dernière minute pour une plaquette de beurre manquante. On comprend qu’avec un enfant affamé et une journée de travail dans les pattes, cela peut générer de la frustration et de la colère lorsqu’il faut pallier les erreurs et oublis de l’autre.
Enfin, « C’est celui qui fait qui a raison » nécessite un dialogue approfondi sur deux sujets principaux :
l’intendance et l’éducation des enfants.
La vie familiale impose un principe de réalité : il y a des contraintes, des horaires, des tâches ménagères et parfois des rituels à respecter. Il faut donc s’organiser et pour cela, communiquer. C’est-à-dire échanger sans complexe et de façon limpide sur « qui fait quoi et quand ? ». C’est le B.A.-BA pour que chacun s’investisse au sein du foyer en fonction de son temps, des tâches à accomplir et, pourquoi pas, de ses talents. Le pacte s’élabore à deux. Bien entendu les besoins et les exigences peuvent évoluer dans le temps.
Un jour, une femme me disait de son homme : « Au fond, quand il fait ça, c’est tellement lui. Ça m’agace, je ne comprends pas, mais c’est vraiment lui. » Oui : « C’est tellement lui, c’est tellement elle ». Quand il excite les enfants à l’heure du coucher, quand tu voudrais que tout le monde disparaisse sous la couette à 19 h 31. Quand il voudrait tout anticiper, là où tu fonctionnes de façon intuitive.
Oui, c’est tellement ça, la vie de couple. Une paire de lunettes différente sur chaque nez pour appréhender une même situation.
En conclusion, chère Fabuleuse, si tu souhaites ne pas tout faire à la maison ni tout porter dans l’éducation : accordez-vous, déléguez et laissez faire !