Elle se sent nulle. Elle ne comprend pas pourquoi depuis la naissance de son enfant, tout en elle est devenu fragile. Elle remet tout en question. Cette maison, fallait-il vraiment l’acheter ? Et ce poste, fallait-il vraiment en démissionner ?
Elle se juge, aussi.
Tout le temps. Dès qu’elle entend les autres parler de leur travail et de leurs missions à boucler, une boule d’angoisse lui enserre le ventre. Ce ventre qui vient à peine de se remettre d’avoir fabriqué et donné la vie.
Alors oui, elle sait que la naissance d’un enfant rend vulnérable, mais elle se sent quand même nulle.
Oui, parce qu’elle a l’impression que les autres, eux, gèrent.
Elle se sent au bord du chemin.
Elle aimerait un soutien, quelqu’un qui lui dise « ça va bien aller ». Quelqu’un qui lui dise :
« Tu sais, c’est normal de se sentir un peu déboussolée après la naissance d’un enfant ».
Je la regarde et j’ai simplement envie de la prendre dans mes bras.
Envie de la serrer tout contre moi et de lui dire « je sais ».
« Je sais ce que tu vis parce que moi aussi, je suis passée par là ».
Moi aussi j’ai pleuré rien qu’en pensant au travail, tiraillée entre mon envie de remettre le pied à l’étrier, la culpabilité de laisser mon enfant mais surtout la peur de ne plus être à la hauteur, de ne plus parvenir à revenir dans le bain de la vie active parce que j’en étais sortie depuis trop longtemps. Cette vie active si passionnante et si violente en même temps.
Moi aussi, je me suis sentie au bord de la route, petit animal apeuré et fragilisé par les « et si ? », les « j’aurais dû », les « les autres, eux… ».
Moi aussi, je me suis sentie à ce point vulnérable que je me suis cherchée des excuses pour ne pas accepter cette mission qui tombait du ciel. Je ne me sentais pas à la hauteur. Je me disais qu’il devait forcément y avoir erreur quelque part et que ceux qui avaient fait appel à moi se rendraient bien vite compte de la supercherie racontée par mon CV.
Moi aussi, je me suis isolée en me disant que j’étais la seule à être hantée par cette comédie de l’imposture qui me tenait éveillée entre 4 et 5 toutes les nuits.
Moi aussi, je n’ai pas répondu aux appels de mes amies parce que je ne savais pas trop comment leur dire que ça clochait chez moi et que je me demandais si j’étais encore capable de vie en société.
Moi aussi.
Et puis un matin, j’en ai eu assez de me sentir seule.
J’en ai eu assez d’avoir pour seule compagne de route mon scénario mental.
J’en ai eu assez de ces montées d’angoisse quand il s’agissait simplement d’aller dîner chez des amis.
J’en ai eu assez d’en vouloir à la terre entière de ne pas comprendre ce que je traversais.
Alors, j’ai décidé de me mettre en action devant mon écran d’ordinateur et de rejoindre le Village.
Je me suis dit que je n’avais rien à perdre. Je ne savais pas trop à quoi m’attendre. Je pensais surtout y trouver de nouveaux conseils pour « remonter la pente » – comme on dit souvent – et j’avais peur de me sentir jugée encore une fois, alors que intérieurement j’étais déjà tellement dure avec moi-même.
J’avais peur de me retrouver face à un coach au sourire ultra-bright qui me dise : « C’est simple, il te suffit de faire ça, ça et ça et tous tes problèmes vont s’évanouir ».
La méthode Coué, très peu pour moi.
Le matraquage « Yes you can », pareil.
Je ne vais pas vous dire que ce fut magique. D’abord, ce fut libérateur et apaisant. Toutes les autres participantes comprenaient ce que je vivais. Elles vivaient – ou avaient vécu – la même chose. La fatigue, le doute, le jugement intérieur, la honte, la peur de ne pas être à la hauteur. Toutes ces choses qui vous tombent dessus en même temps que les couches sales et les tétines. Toutes ces choses qui deviennent nos compagnons de route dès lors que nous débarquons dans l’univers de la maternité.
1 point pour le Village : je n’étais pas seule, je n’étais pas cinglée, je ne galérais pas avec mes blessures et mes doutes toute seule dans mon coin.
Ensuite, ce fut vivifiant et déroutant.
Alors même que j’avais déjà lu bon nombre de livres de développement personnel, j’avais toutes les peines du monde à être convaincue et à voir des changements concrets dans ma vie. Du coup, je ne mettais rien en place…et je me sentais ensuite encore plus nulle. Avec le Village, j’ai appris à arrêter de me remplir la tête avec de nouvelles injonctions pour me mettre en action.
- Un pas après l’autre, changer une habitude contre une autre.
- Un pas après l’autre, cheminer et accepter de tomber sans en faire un drame.
2 points pour le Village : je n’étais pas la seule perfectionniste à préférer ne rien faire du tout plutôt que de risquer l’échec.
Alors, voilà ce que j’aimerais lui dire, à elle qui se sent tellement perdue :
- Non, tu n’es pas la seule à galérer
- Oui, tu vas y arriver
…Et oui, il existe des endroits où l’on peut oser montrer notre vulnérabilité, où l’on peut oser dire qu’on n’en peut plus, mais où en même temps on nous donnes des outils et beaucoup de bienveillance pour sortir de la plainte et reprendre le contrôle de notre mental puis de notre vie.
Oui, il existe des endroits où les femmes devenues mères ne sont plus en compétition mais où elles apprennent à développer un compagnonnage conjugué au féminin et à la sauce maternelle : la sororité.