De quoi elle se plaint, la maman d’aujourd’hui ? - Fabuleuses Au Foyer
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De quoi elle se plaint, la maman d’aujourd’hui ?

maman qui se plaint
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Dernièrement, j’ai encore vu circuler sur Facebook l’un de ces textes — de préférence partagé par des personnes d’un certain âge et sans enfant  — qui faisait l’éloge des conditions dans lesquelles nous avons été élevés :

« Avant, nos parents nous laissaient jouer seuls dehors, on rentrait juste pour les repas, sales et heureux, on ne portait pas de casques pour faire du vélo, on jouait dans la nature, on recevait la fessée… Et alors ? On a survécu. »

De quoi elle se plaint, la maman d’aujourd’hui ? Elle porte haut le drapeau du burn-out maternel, elle blâme la charge mentale… Mais de quoi elle se plaint ? Elle n’a pas connu la guerre, elle a probablement accouché « sans douleur » et sa machine à laver a un écran tactile.

C’est quoi son problème ?

Elle va finir par devenir toxique pour ses propres enfants, à force de parler sans cesse de sa prodigieuse fatigue et de réclamer la possibilité de boire son chai latte DANS LE CALME s’il vous plaît !

De quoi elle se plaint ? Elle passe son temps sur les réseaux sociaux, à poster des photos de vêtements trop nombreux et qu’elle lave trop souvent — d’ailleurs, ses enfants sont bien trop propres pour être heureux : à force de tout désinfecter, pas étonnant qu’ils soient tous allergiques…

De quoi elles se plaignent, les mamans d’aujourd’hui ?

Rien ne les empêche d’étudier, de faire carrière, de gagner « LEUR » argent, de voter, d’avoir un compte en banque à leur nom… Alors de quoi elles se plaignent ? Ne savent-elles pas ce que leurs grands-mères ont traversé ? Ne voient-elles pas ce qui se passe dans le monde ? Pourquoi gémissent-elles constamment sur leur sort ? Si ça continue, ça va nous donner une génération d’enfants angoissés, insécurisés, tyranniques et intolérants à la frustration…

Tout ça parce que…

Oui, parlons-en : PARCE QUE QUOI ? Parce que ces mamans ont peur… Parce qu’on leur fait peur à force de leur mettre une pression de dingue. Parce qu’elles aimeraient tant BIEN FAIRE… et parce qu’on saute sur l’occasion pour les conseiller, puis leur reprocher tout et son contraire.

Aaaaaah l’oreiller douillet du « c’était mieux avant » quand la bouffe n’était pas réchauffée au micro-ondes et que les enfants n’étaient pas exposés aux écrans.

Alors voilà, une maman (un papa) d’aujourd’hui devrait accomplir, et sans se plaindre, les 12 travaux d’Hercule à chaque nouvelle saison de vie :

  • Préparer tous les jours des repas frais, bio, locaux, équilibrés (et vegan et sans gluten)
  • Mettre la sécurité des enfants en top priorité number one (non, ne surtout pas acheter le siège auto en deuxième main), mais également laisser gambader leur enfant en toute liberté (c’est en grimpant sur les arbres qu’on apprend à tomber, non ?)
  • Et la plage, on en parle ? N’oublier ni l’écran total (sauf que là, il faut penser aux métaux lourds qu’on trouve dans 9 marques sur 10) ni de quoi boire (de l’eau bien entendu mais pas n’importe laquelle, et dans une gourde en verre de préférence).
  • Ne pas laisser l’enfant s’endormir en pleurant, c’est dépressogène (je suis tout à fait d’accord sur ce point), puis allaiter à la demande (avec le troisième c’est moins facile mais jouable).
  • Éduquer de manière positive, non-violente, tout en étant cadrante et sécurisante.
  • Acheter Fairtrade tout en maîtrisant son budget.
  • Arrêter de regarder son téléphone portable tout en étant toujours joignable.
  • Apprendre aux enfants à nager le plus tôt possible.
  • Leur enseigner la sécurité routière.

Et puis dans tout ça, faut qu’elle gère ses émotions à elle, la mère en question.

Hyperconnectée, elle est inondée de faits divers locaux et de bruits de guerres lointaines : le plastique dans les océans, les enfants soldats, les politiciens à pleurer, la montée des extrêmes, les cancers qui pourrissent les vies, les impôts qui augmentent, le surpoids infantile, les méfaits du sucre et les tirs au Bataclan.

Pourquoi elle est fatiguée, la maman d’aujourd’hui ?

Parce que c’est beaucoup pour les épaules des parents, parce que les injonctions paradoxales nous font perdre le Nord, parce que c’est dur d’être adulte dans un monde pollué, illogique et parfois dangereux, parce que la génération d’avant n’a pas non-plus tout fait parfaitement et qu’on a un peu plus besoin de leurs encouragements que de leurs jugements, parce qu’on en a marre des « articles semi-scientifiques qui nous torpillent la conscience à force de les-médecins-conseillent-aux-parents-de-ne-surtout-pas… ».

Parce que parfois, on ne peut pas donner les 350 % attendus, parce que nos jambes flanchent, parce que certaines routes sont difficiles, parce que nos pas sont souvent incertains, parce qu’on n’a pas la science infuse, parce qu’on n’a que 24h par jour, parce que le café n’est pas la potion magique de Panoramix.

Si les mamans se plaignent,

c’est parce qu’elles sont souvent fatiguées, toujours imparfaites, parfois blessées, beaucoup débordées.

Si les mamans se plaignent, c’est parce que pour être un bon parent, il n’y a pas de méthode miracle (et si quelqu’un vous la propose, c’est un mirage). Si les mamans se plaignent, c’est parce que la réussite à 100% est une illusion à laquelle aucun d’entre nous n’arrivera jamais.

Si les mamans se plaignent, c’est parce qu’aujourd’hui encore, et plus que jamais, elles ont besoin de soutien, d’une épaule pour poser leur tête lourde de soucis, un espace d’écoute et de compréhension.

Elles ont besoin des « tantes, des grannys, des papis, des voisins », du visage bienveillant d’une humanité proche, qui les encourage et les porte parfois.

Elles ont besoin de gens assez sages

pour garder leurs conseils pour eux, et dire en toute humilité : « on a fait des erreurs aussi, on ne peut pas changer ce que le temps a figé, mais c’est la vie, personne n’est parfait, respire profondément et ose être qui tu es, hors des attentes, ose la vie, ose ta vie. »

Brené Brown parle de “s’unir au lieu de se désunir” : arrêter de penser en termes “c’est eux contre nous, ils ne comprennent pas”, essayer de considérer la situation de l’autre, de reconnaître les émotions communes.

Vous savez, c’est toute la société qui dort tranquillement dans les bras d’une maman quand elle vient de consoler son enfant effrayé au cœur de la nuit la plus sombre. Et c’est toute la société qui a besoin des mains des mamans pour s’occuper des plaies, des rêves, des besoins des enfants.

Nous ne gagnerons rien en accablant les mamans de fardeaux. Elles n’ont pas besoin de conseils faciles donnés sur les réseaux sociaux. Elles ont besoin d’un signe, d’une place, d’un sourire, d’un service rendu…

Fabuleuses, nous qui connaissons l’envers du décor,

les nerfs à bout, les cris au bord des lèvres et les larmes au bord des yeux… Soyons chaque jour ce signe, ce sourire, cette aide. C’est tout le bien que je nous souhaite, pour nos enfants et pour cette planète, que la paix soit avant tout à l’intérieur et se partage un peu plus chaque jour.



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Cet article a été écrit par :
Rebecca Dernelle-Fischer

Psychologue d’origine belge, Rebecca Dernelle-Fischer est installée en Allemagne avec son mari et ses trois filles. Après avoir accompagné de nombreuses personnes handicapées, Rebecca est aujourd’hui la maman adoptive de Pia, une petite fille porteuse de trisomie 21.
https://dernelle-fischer.de/

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