Une période de crise. Voilà ce que je vis depuis quelques semaines. J’avais l’intuition que les choses ne tournaient pas comme je l’avais espéré.
Mais je m’accrochais.
J’essayais de me convaincre que j’allais y arriver, comme d’habitude, à la force du poignet. Après tout, mon entourage me voit comme une « superwoman ». Une mère parfaite. Une femme énergique, que rien n’arrête. Qui va au bout de ce qu’elle a choisi. Il ne fallait surtout pas laisser se fissurer cette façade !
Et puis bam : tout s’est écroulé – du moins est-ce comme cela que je l’ai vécu intérieurement.
J’ai frôlé le burn-out, pour un tas de raisons à la fois personnelles, familiales et professionnelles.
Il n’a fallu qu’une seule goutte d’eau pour que le vase, déjà plein à craquer et fatigué, ne déborde. Le dos complètement bloqué, épuisée, vidée de toutes mes ressources, j’ai écopé de deux mois d’arrêt de travail.
Et c’est là que tout a vraiment commencé.
Cette fameuse expérience de la vulnérabilité.
Deux semaines durant, j’ai cru devenir folle à force de ressasser à l’encontre de moi-même de bienveillantes pensées, telles que :
- « tu es nulle »,
- « tu n’es pas à la hauteur »,
- « les autres y arrivent, elles »,
- « j’ai honte »,
- « surtout, n’en parler à personne »,
- « je suis une ratée »
- …ou, plus délicat, « je suis une grosse m… » et j’en passe !
Il m’a fallu deux semaines de moral au fond des chaussettes pour me décider à appeler cette bonne amie, qui avait traversé un burn-out deux ans plus tôt. Et comme toujours, l’amitié féminine me fut salutaire. Sitôt le récit de mes malheurs achevé, elle me lança :
« Mais c’est GÉNIAL ce qui t’arrive ! Tu fais ENFIN l’expérience de ta vulnérabilité ! Tu verras. Grâce à cela tu vas faire un immense pas dans ta vie ».
Génial. Ce qui m’arrive. Je suis au fond du seau. Un grand pas dans ma vie. Je suis nulle. La vulnérabilité.
La vulnérabilité ?
Mais oui ! Et si… et si ?? Et si, en effet, ce passage à vide était pour moi une occasion offerte de faire le grand ménage dans ma vie, dans mon psychisme un peu déboussolé ? Et si cette épreuve était comme un accouchement douloureux, qui me permettrait en quelque sorte de me ré-enfanter ? Et si ce passage était en fait une étape dans ma maturation, et si c’était un moment fondateur de ma vie, LE moment idéal pour grandir ?
Tout a commencé à se bousculer dans ma tête. Mais dans le bon sens, cette fois. J’ai eu besoin de relire les dernières années écoulées, depuis mon grand débarquement dans la vie adulte. Et de faire le tri :
- Qu’est-ce qui est bon ?
- Qu’est-ce qui ne l’est pas ?
- Que puis-je garder ?
- Que dois-je changer ?
- Que puis-je tenter, oser, risquer ?
- Qui suis-je vraiment ?
- Quels sont mes désirs profonds ?
Je me suis mise à lister mes talents, mes dons, mes qualités.
J’ai redécouvert combien je manque d’estime de moi-même et de confiance en moi. J’ai demandé à mon entourage de me redire que je suis digne d’être aimée. J’ai fait un pas, puis un autre. Grâce à ce temps « d’inactivité » qui m’était offert, je me suis remise à écrire, à dévorer des romans, à m’immerger dans la nature, à contempler, à écouter la musique que j’aime. Je suis retournée assister à mes cours de danse. Bref, je suis redevenue peu à peu bienveillante envers moi-même.
Aujourd’hui, cette épreuve du dénuement est pour moi – comme me l’avait prédit mon amie – l’occasion de faire un grand pas en avant et de me débarrasser de tout ce qui m’encombre, me paralyse.
L’occasion de découvrir qui je suis vraiment.
D’apprendre à me délester du regard des autres, qui pèse tellement sur mes épaules. D’assumer que non, je ne suis pas cette superwoman de façade. J’ai des qualités, j’ai des talents, mais je ne suis pas infaillible. Je réalise à quel point mon obsession d’être (de paraître) parfaite m’a épuisée. Et je dis stop à ces tortures mentales que je m’inflige depuis tant d’années. Il m’aura fallu le vide pour ouvrir les yeux sur l’extrême tension que je vivais intérieurement, bien au-delà de ce que j’imaginais.
Être vulnérable, dans notre société, est une tare. La fragilité, la pauvreté, la différence, on la cache, voire on la supprime. Elle fait mal à voir. Elle fait « tache » dans notre monde qui glorifie l’homme augmenté, invulnérable, fort, maître de son destin.
Oui, la vulnérabilité fait peur ; et pourtant, elle est belle :
- Elle me transforme, me fait grandir, me sublime même.
- Elle me permet de rejoindre ceux qui souffrent.
- Elle transforme ma perception de moi-même et de ceux qui m’entourent.
- Elle me rend à la fois plus humble et plus compatissante.
- Elle modèle mon cœur, elle l’attendrit.
Et paradoxalement, elle me donne une force indestructible. Je suis vulnérable. Je ne suis pas toute-puissante. Je peux tomber, je peux souffrir. Je suis fragile, mais je suis forte.
Je suis humaine.
Par l’épreuve de ma pauvreté, j’acquiers la plus belle des qualités : l’humanité.