4:15 du matin. Ma fille pleure encore.
C’est la quatrième fois cette nuit. Avec les deux autres réveils de mon fils, si j’arrive encore à compter correctement cela fait six réveils depuis minuit. Le mot réveil n’est pas juste en réalité. Car pour se réveiller, il faut se rendormir. Ils sont sournois ces pseudo réveils qui arrivent pile au moment où l’on se rendort, après avoir lutté un moment. Comme une torture, pour nous empêcher de retrouver les bras de Morphée.
Je suis en quelque sorte une prisonnière qu’on torture.
Le problème, c’est qu’à ce stade, je n’ai plus de patience. Alors j’explique à ma fille que j’en ai assez, que je ne veux plus me lever, qu’elle doit arrêter tout de suite. Je ne mets plus les formes, je ne peux plus. Elle sanglote un « d’accord mamannnn » avant de sombrer pour de bon sous sa couette.
Je retourne me coucher, évidemment envahie de culpabilité par ma réaction. Je me rattraperai demain matin au réveil, là il faut dormir. Il me reste trois heures de sommeil auxquelles j’ajoute une heure grappillée de 23h à minuit.
Quatre heures de sommeil au total, ne pas penser à demain.
7:15 le réveil sonne. Après l’avoir repoussé 2 fois, je me lève, j’ai l’impression qu’on m’a tatoué des cernes. Mon mari prépare déjà les petits-déjeuners. Il me voit débarquer telle un zombie, et après une brève accolade, la question romantique: « Ils t’ont réveillée ? ». Puis la deuxième: « Qui ? Combien de fois ? ». Le problème avec la fatigue, c’est qu’elle envahit tous les espaces. À quand remonte la dernière fois que j’ai souri à mon mari au réveil en lui disant tendrement bonjour ?
La fatigue est là, constante, dévorant chaque mini parcelle d’énergie.
Elle nous enlève tout. Volonté, dynamisme, bonne humeur, prise de recul, compassion…
Comment composer avec elle ? Comment ne pas en faire mon ennemie ? Comment faire comprendre à mes trois enfants que là, vraiment, on est au bout du rouleau ? Entre deux et cinq réveils nocturnes, quasiment toutes les nuits, depuis plus de 5 ans. Ça fait beaucoup d’heures de sommeil en retard. Il faudrait que je dorme pendant longtemps pour rattraper. Comme la belle au bois dormant. Dormir 100 ans d’affilée, voilà le remède.
Réveillez-moi dans 100 ans s’il vous plaît.
La fatigue nous coupe du monde réel. Des autres. De notre conjoint. Du monde professionnel. Où est passée notre vivacité ? Notre capacité à rebondir, à être créative ? Envolées à tout jamais ou temporairement anesthésiées ?
Un burn out parental ? Non non, juste de la fatigue, merci.
Je vous assure, quand je dors je suis en pleine forme. Est-ce que personne ne comprend ? Ah si, les Fabuleuses. Elles, elles savent. Les jeunes mamans, elles qui sont en plein dedans. Et si je m’entourais exclusivement de jeunes mamans tiens, le temps que je ressente assez de compassion pour oser affronter les autres, celles qui sont en forme, elles. Celles qui dorment. Celles qui partent au travail fraîches et légères. Celles qui arrivent à réfléchir. Celles qui ne partent pas au quart de tour.
7:15 donc. Ma fille me demande si elle a droit à une gommette ce matin. Précision qui a son importance : gommette est synonyme de nuit passée sans nous réveiller. Je la regarde, pensant qu’elle ironise. Mais 3 ans et demi, c’est encore un peu jeune pour le second degré. Non elle est très sérieuse, elle n’a plus aucun souvenir de la nuit. Je réfléchirai à une meilleure réponse la prochaine fois qu’elle me posera cette innocente question.
La journée va bien se passer. L’auto-conviction a beaucoup de pouvoir.
À grands coups de café, de gratitude, de carrés de chocolat, et si j’ai de la chance d’une mini sieste, j’arriverai entière ce soir.
Et puis relativisons, dans 5 ou 10 ans, ils ne me réveilleront plus. Est-ce que cela me manquera ? Cette petite enfance, ces câlins nocturnes, ces peurs qu’on réconforte, ces larmes qu’on sèche ? Une partie probablement. Et je me souviendrai. Je me promets d’être alors pleine de compassion pour ces jeunes mamans, de les réconforter, de leur dire que ça passera, de les aider à rattraper une heure ou deux de sommeil.
Chère Fabuleuse, si toi aussi tu manques de sommeil,
si tu te sens épuisée, si tu n’as plus d’énergie, alors prends 5 minutes de pause, écoute ta musique préférée, lis quelques pages de ton roman, feuillète un album photo pour te rappeler que tout cela passe bien trop vite au final. Et si tu n’as même pas l’énergie de faire cela, alors prends une tasse de café et respire. Ça ira, je te le promets.
Ce texte nous a été transmis par une fabuleuse maman, Églantine.