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Ça ira mieux quand… je serai morte ?

Une Fabuleuse Maman 28 janvier 2025
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Un mardi pluvieux, il est environ 9 h 30. Les deux grands sont à l’école, la petite dernière fait la sieste, mon Fabuleux est au travail, et moi, je suis perchée. Perchée sur un escabeau. Je repeins les portes du couloir. J’ai mis un CD de musique africaine, rapporté par mon infirmier de mari de ses années de travailleur humanitaire et je me trémousse, mon pinceau à la main. Tandis que la peinture verte recouvre peu à peu la porte, une pensée effleure mon esprit et vient s’ancrer comme une certitude :

« Ça ira mieux quand la peinture sera finie ».

Car ensuite, nous pourrons enfin recouvrir le carrelage « vert-marron-déprimant » par du « parquet-qui-me-fait-rêver ». Et ma maison sera belle comme dans les magazines. Toujours propre. Et bien rangée. Tout ira mieux dans ma vie. C’est sûr. Je pourrai enfin « profiter ». Je savoure en pensée ce bonheur futur.

Quelques instants à peine. Le temps qu’une autre pensée se présente :

« Ensuite, je m’attaquerai à la véranda. Je la rêve comme ci, comme ça… et là, vraiment, ça ira beaucoup mieux. Non, en fait, ça ira mieux quand j’aurai aussi terminé de fabriquer un mur végétal ici. Et construit un petit bassin là. Et puis aussi… » 

Depuis mon perchoir, j’arrête net mon pinceau dans sa course. Je viens de me rendre compte que je n’ai pas encore eu le temps d’apprécier d’avoir terminé ma peinture (après laquelle, ma vie devait être si belle, tu te souviens ?), que je me suis déjà créé une liste de tâches qui me rendront heureuse à coup sûr.

Et j’ai l’intuition que ce n’est pas prêt de se terminer. 

C’est à ce moment qu’une nouvelle chanson démarre. « Baby, can I take you to a barbecue ? Seven o’clock the time… ». Et soudain, j’ai une envie folle que quelqu’un me demande à moi aussi : « Baby, je t’emmène à un barbecue ? Je passe te prendre à 7 heures. Enfile une tenue légère et fleurie et ne t’occupe de rien. Viens t’amuser et profiter de la vie » !

J’ai une furieuse envie d’envoyer valser mes projets, les promesses des lendemains qui chantent. Et de savourer la vie sans plus attendre.

De la célébrer. De capturer dans mes filets l’insaisissable instant présent pour qu’il ne s’envole pas. 

Pourtant objectivement, tout va bien dans ma vie : je suis en bonne santé, je suis mariée à un homme merveilleux, j’ai trois enfants formidables, j’ai une maison qui me correspond bien. J’ai la chance d’être en congé parental et, si nous ne roulons pas sur l’or, nous vivons tout à fait correctement. J’ai de chouettes amis. Mais la petite musique du « ça ira mieux quand » n’est jamais bien loin…

Ma vie a été bercée par cette ritournelle.

Chaque fois, j’étais persuadée que c’était la bonne.

Que j’allais enfin pouvoir profiter de ma vie, une bonne fois pour toutes.

Ça ira mieux quand je serai étudiante : à moi la liberté et l’indépendance.

Ça ira mieux quand je travaillerai : fini les examens, vivement le salaire sur mon compte.

Ça ira mieux quand j’aurai un amoureux : un jour, mon prince viendra…

Ça ira mieux quand on aura des enfants : j’ai un tas de certitudes que je compte bien appliquer.

Ça ira mieux quand j’aurai accouché : fini les nausées.

Ça ira mieux quand il fera ses nuits : je ne serai plus (jamais) fatiguée.

Ça ira mieux quand il sera propre : plus besoin de changer les couches odorantes.

Ça ira mieux quand on aura un deuxième : ils s’occuperont à jouer ensemble.

Ça ira mieux quand ils iront à l’école : ça va les nourrir intellectuellement et les canaliser.

Ça ira mieux quand on aura acheté une maison : on pourra recevoir dignement famille et amis.

Ça ira mieux quand les travaux seront finis : je n’aurai besoin de rien d’autre pour être heureuse.

Ça ira mieux quand j’aurai acheté ci ou ça : cette fois, c’est sûr, c’est la dernière chose qui manque à mon bonheur.

Ça ira mieux quand on partira en vacances : je pourrai enfin profiter de la vie, loin des soucis du quotidien.

Ça ira mieux quand on sera rentrés de vacances : je pourrai me reposer des vacances.

Ça ira mieux quand…

Cette liste est-elle donc sans fin ?

Dans une accélération vertigineuse, je vois défiler la suite, si bien que, du haut de mon escabeau, je dois m’accrocher pour ne pas perdre l’équilibre. « Ça ira mieux quand l’adolescence des enfants sera terminée, quand je serai à la retraite… quand je serai morte ? » Vraiment, c’est ainsi que doit s’achever la promesse du mieux ? Courir après, jusqu’au jour de ma mort ? Sympathique perspective…

Cette réflexion m’a hantée de nombreux mois.

Je le sais, habiter l’instant présent, c’est le combat de ma vie.

À l’heure où je t’écris, j’ai terminé de peindre mes portes. J’ai pu poser le fameux parquet convoité depuis tant d’années. Ma vie est toujours la même. Je n’ai pas atteint le nirvana promis par le « ça ira mieux quand », mais pour rien au monde, je ne voudrais être ailleurs que dans ma cuisine, à écrire ces quelques lignes. La petite différence, c’est que j’ai pris conscience qu’il n’y a pas de ligne d’arrivée. Mon but est d’apprendre à profiter du chemin. 

Grâce au Village, puis à la Nuée, les parcours conçus par les Fabuleuses pour accompagner les mamans à devenir des mamans rayon de soleil, je me suis constitué une formidable boîte à outils dans laquelle piocher chaque jour pour vivre pleinement ici et maintenant. 

Je partage avec toi mes préférés : 

  • Noter chaque soir dans un carnet, trois éléments pour lesquelles je suis reconnaissante. Ne plus laisser le mauvais manger le bon.
  • Dormir (mais aussi boire et respirer) suffisamment. Chez moi, manque de sommeil rime avec rumination.
  • Commencer chaque journée par du temps pour moi : j’ai choisi un moment de prière silencieuse suivi de dix minutes d’exercice physique. Mes journées en sont illuminées. Même (surtout) quand je me lève d’une humeur massacrante après une nuit trop courte.
  • Ce n’est pas que mon conjoint ne veut pas me rendre heureuse à 100 %, c’est que ce n’est tout simplement pas en son pouvoir. Et réciproquement. Ça vaut aussi pour mes enfants. Ces êtres chéris, mais finis, ne pourront jamais combler ma soif d’amour infinie. Cette quête est entre mes mains. 
  • La joie, c’est un choix. Je l’infuse chaque jour grâce aux affirmations du matin et du soir. « Je choisis d’essayer de m’améliorer, pour qu’à l’heure de ma mort, on puisse dire que je rayonnais d’amour, de joie et de paix. » C’est la trace que je veux laisser dans ce monde. 
  • Me connaître pour remplir mes trois besoins fondamentaux (Merci Valérie de Minvielle !). Pour que le tabouret à trois pieds de ma vie ne soit pas bancal.
  • Savoir désencombrer ma maison et mon emploi du temps pour recentrer ma vie sur l’essentiel. Savoir dire NON. 
  • Oser monter des projets qui me font vibrer et persévérer jusqu’au bout, un petit pas après l’autre. Sus au perfectionnisme !
  • Mettre de la musique, danser et sourire, pour reléguer la mauvaise humeur au placard. 
  • Apprendre à communiquer mieux : moins de conflits, plus d’amour.
  • Remplir le réservoir d’amour de mes enfants… et désamorcer les crises.
  • Connaître mon cycle menstruel et pouvoir me servir de chaque phase comme une opportunité (au lieu de la subir).
  • Mettre intentionnellement de la poésie dans ma vie.
  • M’ouvrir davantage et développer de belles amitiés.

Que de chemin parcouru en quelques mois !

Bien sûr, ma vie n’est pas parfaite (si tu savais…). Bien sûr, il y a des périodes plus compliquées que d’autres. C’est vrai que, depuis que ma dernière fait ses nuits, je suis de meilleure humeur et tout me paraît plus fluide et joyeux. Mais j’ai la certitude que chaque saison de vie, aussi sombre soit-elle, apporte son lot de petits bonheurs à saisir à pleines mains ou à chercher comme dans une chasse au trésor. 

Un rayon de soleil traverse la fenêtre de ma cuisine. Je souris devant ma feuille, un stylo à la main, une tasse fumante dans l’autre. J’ai trouvé bien mieux qu’attendre d’être invitée à un barbecue. J’ai invité la fête dans ma vie. Et je sais quelle gratitude je vais écrire en premier dans mon carnet ce soir. Non, ça n’ira pas mieux quand… Ça va déjà bien !



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Une Fabuleuse Maman

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