Laure Alfonsi est ingénieure de formation et maman de 2 enfants. Elle a changé de vie professionnelle à l’arrivée de son deuxième enfant en pleine épidémie de covid.
Laure, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
J’ai 34 ans, j’habite en région parisienne. Je suis devenue maman pour la première fois en décembre 2017. Pour ma première, Élise, tout se passe “normalement” même si avoir un enfant est un bouleversement !
À l’époque, je venais juste de me lancer comme indépendante. Ingénieure de formation, je me suis spécialisée dans le conseil en IT (technologie de l’information, ndlr) et l’accompagnement des entreprises dans leur transformation digitale. Je les aide à intégrer les opportunités digitales au sein de leur business. Ce mode de travail pour plusieurs entreprises m’attirait beaucoup car je gardais le recul nécessaire en étant sur plusieurs projets différents.
Vous devenez maman une nouvelle fois l’an dernier, en pleine épidémie de covid.
Pour mon second enfant, je voulais une naissance différente (pas de péridurale, etc.) mais rien de ce que je m’étais imaginée n’a été possible ! Je n’ai pas pu me préparer à l’accouchement comme je le souhaitais car aucune préparation en présentiel n’était envisageable. J’ai pas mal appréhendé car nombre de mes amies ont accouché en plein confinement dans des conditions difficiles (avec le papa absent le plus souvent). Heureusement, comme Mathis est né en juin, mon mari a pu être là, mais la naissance très “naturelle” que j’avais imaginée n’a pas eu lieu.
Quand on donne la vie, on est est déjà assez fragile et isolée en temps normal, mais dans le contexte covid, je me suis sentie très seule. J’ai beaucoup pensé aux mamans dont c’était le premier bébé et qui découvraient la maternité dans un contexte de grande solitude. Ces jeunes mamans ne pouvaient même pas accueillir leurs proches pour leur présenter leur bébé… Ce qui m’a aidée, c’est que je pouvais sortir de chez moi pour aller chercher mon aînée à l’école ! J’avais donc un minimum de vie sociale dans cette période du post-partum et ne me suis pas retrouvée complètement isolée chez moi.
Ce contexte du covid vous a aussi obligée à changer de vie professionnelle…
Ce fut un vrai changement de cap. Dans mon secteur d’activité, je n’ai jamais eu à chercher de travail : celui-ci venait à moi sans que j’aie à prospecter. Je me suis donc dit que quand je reprendrais mon activité fin 2020, après avoir profité de mon bébé, ça reprendrait tout seul. Mais quand j’ai relancé mon réseau, il ne se passait rien.
Ce fut pour moi l’occasion d’une grosse remise en question. Combien de temps cela allait-il durer ? Je me demandais comment nous allions tenir financièrement, mais aussi comment j’allais, moi, tenir le coup. Au bout de 6 mois avec mon bébé, j’avais envie de faire autre chose que de m’occuper de mes enfants à plein temps.
Au même moment, une de mes amies de longue date a dû fermer sa boutique de mode artisanale française. Le second confinement l’a empêché de faire une vente privée pour Noël qui lui aurait permis de liquider son stock. Ce contexte de crise fut un déclencheur pour nous deux : nous avons décidé de lancer un site e-commerce dédié à ce projet de mode artisanale française, appelé La France des Créateurs. Nous avons lancé le site en dix jours avec le stock de sa boutique pour être sûres de ne pas louper la période de Noël. Pour nous finalement le covid a été un véritable accélérateur car ce projet nous trottait dans la tête depuis longtemps !
Avec La France des Créateurs, notre objectif est de promouvoir les artisans très touchés par la crise, car il n’y a plus d’événements, ni de ventes privées ni de salons. D’autre part, ces artisans ont du mal à prendre du temps pour trouver de nouveaux leviers de communication. Avec notre site, nous leur offrons une vitrine et leur permettons de compenser un peu cette perte des salons et des événements.
Comment se porte ce projet actuellement ?
Nous préparons une campagne de crowdfunding pour améliorer encore notre offre. À titre personnel, je garde encore une activité de conseil à côté car il n’est pas encore possible d’en faire mon activité principale et d’en vivre. Ce n’est d’ailleurs pas la priorité car la mode artisanale rapporte peu pour plusieurs raisons : la matière première est de qualité donc onéreuse, la main d’oeuvre est importante (et française) donc onéreuse, les marges sont faibles car il faut rester dans les prix du marché (et l’industrie du prêt à porter tire plutôt les prix vers le bas) et on ne peut pas avoir d’effet de volume car c’est du fait main.
Donc notre objectif, avec mon associée Clémence, c’est qu’elle et nos artisans partenaires puissent vivre de leur passion et trouver leur clientèle grâce à notre site. Ce sont eux, l’âme et la raison d’être de notre projet.
Vous qui êtes experte de l’organisation du travail à distance, comment considérez-vous l’impact du covid sur la vie des salariés ?
Il y a quelques années, je montais des équipes à distance et c’était vraiment une grande nouveauté dans la vie des entreprises. Aujourd’hui, les gens ont certes envie de se retrouver au bureau, mais il y a une prise de conscience que l’on peut bien travailler à distance !
Le covid a changé pas mal de choses : le fait d’avoir été en vase clos pendant longtemps fait qu’on a envie d’en garder les avantages (le télétravail, par exemple). Il est aujourd’hui beaucoup plus facile de garder de la flexibilité dans les horaires, notamment par rapport aux enfants et à la vie familiale.
Avant, tout le monde était au bureau et ce n’était pas simple de le quitter pour la sortie de l’école. Aujourd’hui, je peux non seulement le faire, mais aussi le dire sans aucun souci. Il y a évidemment encore du chemin à faire, mais je peux assister à une réunion avec un collaborateur qui a son bébé sur les genoux…chose qui aurait été impensable il y a seulement 18 mois !