Anne Le Guillou, sage-femme : “Nous sommes engagées mais invisibles” - Fabuleuses Au Foyer
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Anne Le Guillou, sage-femme : “Nous sommes engagées mais invisibles”

Anna Latron 19 octobre 2021
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Est-ce que vous pourriez vous présenter à notre communauté des Fabuleuses ?

J’ai 50 ans, je vis à Nantes. Je suis mariée depuis 27 ans et l’heureuse maman de 4 enfants qui ont entre 25 ans et 11 ans. Je suis sage-femme depuis 27 ans et je travaille en libéral depuis 12 ans.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de devenir sage-femme ?

J’ai découvert les études de sage-femme en sachant que c’était un métier médical et qui concernait la grossesse et les nourrissons. Je venais de faire deux premières années de médecine. Je ne savais pas grand-chose de plus sur ce métier lorsque j’ai commencé mes études et comme je le dis depuis « la passion m’est tombée dessus » dès lors que j’ai fait mon premier jour de stage en salle d’accouchement.

Qu’est-ce que vous aimez le plus dans votre métier ?

Ce qui me passionne dans mon travail est l’aspect médical mêlé à l’aspect relationnel. Il n’y a pas de routine, chaque jour je rencontre autant de cas médicaux différents que d’histoires de vies différentes. Et je vois certaines dames et leurs nourrissons sur plusieurs semaines ou plusieurs mois, ce qui est très agréable. Et certaines familles pendant plusieurs années…

Pourriez-vous décrire une de vos “journées types” pour nos fabuleuses lectrices ? 

Disons que j’ai deux sortes de « journée type » de travail. Une journée de cabinet commence pour moi à 9h et se termine entre 19h et 20h. Avec seulement une coupure de 30 minutes à midi. Mes consultations sont des séances de rééducation périnéale, des consultations gynécologiques, des séances de préparation à la naissance et à la parentalité, des consultations de grossesse et des consultations d’allaitement. Entre les consultations et le soir après les consultations, je réponds au téléphone, je rappelle les patientes.

Une journée de visites à domicile dure de 9h à 16h en moyenne (sans pause) selon le nombre de visites que j’ai à faire. Il s’agit de visites de sortie de maternité au cours du premier mois du bébé (pour des sorties anticipées ou pas) pour maman et bébé, et de surveillance de grossesses pathologiques à domicile (monitorings foetaux) pour diabète, menace d’accouchement prématuré, antécédent médical sévère, etc…

Qu’est-ce qui est le plus difficile dans votre quotidien ?

Ce qui est le plus difficile est de voir et accompagner la souffrance, lorsque la grossesse se complique ou lorsque le bébé décède. C’est aussi notre rôle d’accompagner les femmes et les hommes qui vivent ces drames. Ce qui est difficile aussi, c’est de voir la misère sociale, la solitude de beaucoup de mamans, la pauvreté. Ce que l’on voit parfois en visites à domicile est inimaginable.

Quel regard posez-vous sur la mobilisation actuelle des sages-femmes ?

La mobilisation actuelle des sages-femmes est devenue une colère face au dédain et au peu de réactions du gouvernement. Il est temps de valoriser enfin notre profession et de reconnaître pleinement son caractère médical. Une sage-femme a tant de responsabilités et d’engagements dans la santé des femmes !

Pour celles qui travaillent en maternité, les horaires de garde sont épuisants, et elles sont en nombre insuffisant pour assurer le bien-être et la sécurité des femmes et de leurs nouveaux-nés. Le salaire des sages-femmes hospitalières est également très insuffisant. Et en libéral, nous sommes moins rémunérées que certaines professions paramédicales, qui sont payées plus pour des rendez-vous plus courts sans avoir nos responsabilités médicales.

Je rajouterai que lors du début de la crise sanitaire, nous avons tous continué à travailler, sans équipement, ni au cabinet, ni pour les visites à domicile. Nous n’étions pas sur les listes des professions pouvant recevoir des masques, par exemple. Ceci est une des illustrations de la « transparence » des sages-femmes en France : engagées mais invisibles.

Qu’est-ce qui, selon vous, faciliterait la vie des sages-femmes de France ?

Comme tous mes collègues, je souhaite une revalorisation du statut des sages-femmes qui doit être officiellement et clairement désigné comme médical au même titre que les autres professions médicales en France. Je souhaite aussi des embauches en secteur hospitalier (les jeunes sages-femmes tournent le dos à cette forme d’exercice, trop peu attractive), un salaire à la hauteur des responsabilités et du rythme de travail et des actes mieux rémunérés en libéral (et non pas moins payés que des actes de professions para-médicales comme je l’ai indiqué).

Quel est le meilleur conseil selon vous à donner à une toute jeune maman ?

Mon conseil à une jeune maman ? Se reposer. Et laisser tout le reste pour savourer.

Quel est votre “truc” à vous pour survivre à une journée pourrie ?

Lorsque la journée est difficile ou s’annonce difficile, j’essaie de sourire à tout ce qui est bon — même les petites choses —, de prendre le temps de croiser une de mes collègues au cabinet (nous nous entendons toutes très bien) et je pense au soir où je pourrai rentrer dans la douceur de mon foyer et retrouver ma famille. C’est mon essentiel.



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Cet article a été écrit par :
Anna Latron

Journaliste de formation, Anna Latron collabore à plusieurs magazines, sites et radios avant de devenir rédactrice en chef du site Fabuleuses au foyer et collaboratrice d’Hélène Bonhomme au sein du programme de formation continue Le Village. Mariée à son Fabuleux depuis 14 ans, elle est la maman de deux garçons dont l'aîné est atteint d’un trouble du spectre de l’autisme.

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