Par quel mystère cruel le mercredi est-il peu à peu devenu ta bête noire ? Tu as du mal à l’avouer, la culpabilité te cloue le bec (quelle mauvaise maman tu es pour ne pas te délecter de ces moments passés avec tes enfants). Et pourtant, tu l’as négocié avec les dents, ce 80%. Tu t’es tellement réjouie de l’obtenir, cette place en cours de Biniou pour ta fille. Tu as même célébré ces petites victoires comme autant de jalons sur ton parcours de maman attentive, joyeusement tournée vers l’épanouissement de ses enfants. Qu’est ce qui a mal tourné ? Qu’est ce qui a transformé cette femme bourrée de bonne volonté en mère indigne bourrelée de pensées culpabilisantes ?
Tout avait si bien commencé…
Dans tes souvenirs d’enfance, le mercredi était synonyme de pause bienfaisante au milieu de ta semaine d’école. Le démarrage du collège et le sacrifice des grasses matinées que ton adolescence te réclamait de plus en plus souvent t’avaient laissé un goût amer. Adieu le chocolat chaud devant Les Minikeums, adieu la raie aux câpres que te cuisinait ta maman, adieu la sacro-sainte visite à la bibliothèque municipale, adieu le cours d’aqua-poney où tu aimais tant tresser la crinière de Java, ton shetland préféré.
Avec l’entrée en maternelle de ton premier enfant, tu as peut-être goûté ces moments de retrouvailles. Tu sentais que tu sortais du “dur”, des couches et des terreurs nocturnes. Il était doux de se réveiller un peu tard, cuisiner une raie aux câpres, aller à la bibliothèque.
Puis l’enfant a grandi, tu en as eu un, deux, trois autres, et ça s’est corsé tout d’un coup.
– Maman, je peux faire de la danse avec Milana ?
– Maman, steuplè, si je veux passer ceinture orange il faut absolument que je fasse la compétition que le club organise.
– Madame, votre petit Jean-Kevin a besoin de faire un bilan orthophonique, son cahier de poésie ressemble à la Pierre de Rosette.
– Mamoune, je vois rien de rien avec mes vieilles lunettes. On va quand chez la dame des yeux ?
– Chérie, tu pourrais déposer la voiture au contrôle technique, on a neuf mois de retard.
– Mamaaaannnnn le chat fait pipi violet, faudrait le montrer à un docteur pour chat, non ?
Sans que tu t’en aperçoives, le mercredi est devenu LA journée de la charge mentale…
…celle où il te faut tout caser parce que la semaine tu travailles et le week-end, ben c’est le week-end. Cela fait quelques années que la tension monte sournoisement d’un cran à chaque rentrée. Pourtant, comme moi, comme nous toutes, chaque année tu te promets d’alléger le programme de ce qui est devenu une journée maudite. Dieu sait pourquoi, ça ne fait qu’empirer. Et tu te sens tellement nulle de détester cette journée.
J’ai un scoop. Oui, un vrai. Le mercredi est surcoté.
Non, ce n’est pas un jour magique qui fait 48 heures. Ce n’est pas non plus LE jour que tes enfants attendent toute la semaine pour être ENFIN épanouis. Ce n’est pas le seul jour d’ouverture du garage (j’ai découvert que mon mari peut déposer la voiture à 8h avant d’aller au boulot, c’est fou ce que ça nous a changé la vie). C’est un jour comme les autres, où chacun fait comme il peut, imparfaitement.
Alléger le mercredi sans culpabiliser
Si tu te sens prise au piège de tout ce que tu as fourré dans cet innocent jour de la semaine, sache que tu as encore une marge de manœuvre. Nous sommes début septembre, tes chèques d’inscription n’ont probablement pas été encaissés et tu peux décider de faire machine arrière sur les activités. Marie Chetrit, notre chroniqueuse t’en parle ici, les activités ne sont pas o-bli-ga-toires. Tu ne seras pas une mauvaise mère si tu privilégies un mercredi pépère à la maison où tout le monde se repose, voire s’ennuie un peu, plutôt qu’un mercredi blindé d’activités psycho-morpho-stimulantes. Il n’y a pas de tableau d’honneur sur lequel on vénère les mères qui réussissent à caser 5 activités plus un café-copines plus une raie aux câpres dans la journée. Tu as le droit d’expliquer en novembre à tes enfants que tu as trop chargé la mule et qu’il va falloir réduire la voilure dès janvier. Tu vas peut-être jeter à la poubelle les sous d’une demi cotisation, ta fille ou sa prof va sans doute te faire la tronche, tant pis. Quand maman va, tout va, et ta santé mentale est une priorité non seulement pour toi, mais pour toute la famille. Donc elle passe avant le reste.
Un mercredi buissonnier
Si tu n’es pas adepte du “tout ou rien”, je t’invite à considérer cette charmante idée : faire de temps en temps une entorse au mercredi. Un petit mercredi buissonnier. Tout annuler : orthophoniste, harpe celtique, danse cambodgienne, et ne rien faire. Pâtes bolo à midi, pâte carbo le soir, un dessin animé après la sieste et voilà. Faire une journée détox, une journée ghosting, une journée paresse, rester en pyjama jusqu’au soir, et avoir hâte de reprendre du service le jeudi parce qu’on s’est pas mal ennuyés, faut reconnaître.
Un mercredi à la mesure de tes possibilités
Hier soir, un ami qui travaille pour l’aide sociale à l’enfance m’a fait part de sa colère de savoir que les structures d’accueil d’enfants (les crèches) privilégient les parents qui travaillent tous les deux. Il m’a dit “je les vois tous les jours, ces parents qui ne sont pas armés, pas faits pour passer toute la journée avec leur enfant. Ça crée des situations de maltraitance qui pourraient être évitées.” Je te parle de cas extrêmes bien sûr, mais parfois, à certains moments de notre vie, nous non plus, les mamans non maltraitantes, nous ne sommes pas armées pour passer toute la journée seule avec nos enfants.
La corde de l’épuisement est peut-être tendue à l’extrême et c’est une raison suffisante pour déléguer le mercredi.
Cela ne fait pas de nous de mauvaises mères que de demander une place en crèche ou en centre de loisir le mercredi alors que nous ne travaillons pas ce jour-là. Parfois c’est juste une question de survie à un moment bien précis de notre vie de maman. Si c’est le seul moyen de reprendre ton souffle au milieu du tourbillon qu’est devenu ton quotidien, vas-y. Et après avoir soufflé le temps nécessaire, tu te surprendras peut-être à envisager un petit combo guitare-rugby-ergothérapeute. Et raie aux câpres, bien entendu.