Je suis quelqu’un qui semble gérer.
En gros, je renvoie l’image de quelqu’un d’organisé, qui n’est jamais perdu, qui se débrouille plutôt bien dans la vie, qui fait avec. Et extérieurement, les preuves sont là : sans me vanter, les factures sont en général payées en temps et en heure, le sol de ma maison est à peu près propre, mes enfants portent des habits de saison en assez bon état et je suis en lien avec mes amies les plus chères le plus souvent possible.
La plupart du temps, donc, je suis cette femme un peu trop parfaite pour dégager de la sympathie,
je suis cette mère un peu trop organisée pour qu’on ait envie de lui partager une galère sur le trottoir de l’école,
je suis cette amie dont le salon est un peu trop bien rangé et la cuisine un peu trop envahie d’une bonne odeur de gâteau qui cuit pour qu’on ait envie de lui ouvrir son cœur et les portes de sa maison.
Il faut être honnête : je suis assez énervante puisque j’ai un côté bonne élève qui sait très bien donner le change ET appliquer une recette toute faite qu’on lui a inculquée (“on” étant au choix : ma mère, la société, l’héritage féminin, etc.).
Oui, je sais très bien donner le change puisqu’il m’arrive assez souvent de surprendre mon entourage quand j’avoue avoir un coup de mou alors que tout laisse penser que je vais très bien et que je gère les choses avec facilité.
Hahaha, laisse-moi rire : si tu étais une petite souris chez moi certains soirs entre 18 heures et 20 heures, tu saurais que ça n’est pas vrai, que mes coups de mou et mes coups de gueule sont bien réels et que derrière ma façade de femme-qui-gère-tout-très-bien se cache un tyran domestique.
Oui, parce que gérer d’une main de maître n’est pas très éloigné de la tyrannie :
on peut très bien servir des gnocchis aux épinards frais agrémentés d’un pesto de pistaches et gueuler sur ses enfants et son conjoint.
Mais on ne parle que des gnocchis et pas des gueulantes.
Parce que les gueulantes, ça fout la honte, et que la honte, c’est la plaie de la bonne élève : elle déteste ça.
La honte, explique Brené Brown, est l’expérience profondément douloureuse de croire qu’on est défaillant et par conséquent indigne d’amour, d’intimité ou de contact. Du coup, la bonne élève se retrouve toute seule avec ses doutes, ses moments de “moins bien”. Pour résumer : elle se retrouve seule avec ses imperfections. Et elle s’isole de ceux qui pourraient l’aider à se sentir moins seule, parce qu’elle ne veut pas montrer quelque chose qui ne soit pas digne de récolter au moins un 15/20.
Alors, elle se fatigue, elle s’épuise, elle cherche des solutions, des recettes qui l’aideraient à être plus organisée, plus mince, plus efficace, plus adaptée à ce que le reste du monde attend d’elle. Ou plutôt : à ce qu’elle croit que le reste du monde attend d’elle.
Mais elle a oublié cette donnée :
Même la meilleure des bonnes élèves ne peut pas être parfaite tout le temps.
Ce qu’elle n’a pas compris, la bonne élève, c’est que moins on parle de la honte, plus celle-ci prend le contrôle. Si elle était aussi bonne élève qu’elle le prétend, elle irait pourtant potasser le concept décrit admirablement par Brené Brown, cette chercheuse américaine qui travaille sur ce concept depuis plus de vingt ans.
« La honte fonctionne comme le zoom d’un appareil photo. Lorsque nous ressentons de la honte, la caméra est rapprochée et tout ce que nous voyons, ce sont nos défauts, seuls et en difficulté. »
La bonne élève est comme tout le monde : elle bute sans cesse sur les mêmes cailloux qui se trouvent sur sa route.
Les miens ? Un caractère bien trempé, une patience assez faible et un manque criant d’empathie pour mes limites.
Comme toutes les autres bonnes élèves de cette terre, j’ai tout mis en œuvre pour réduire ces cailloux en bouillie. J’ai transpiré, j’ai souffert, j’ai bossé dur. J’ai cherché les outils susceptibles de m’aider dans cette entreprise de broyage de mes défauts : plannings en tout genre, menus à la semaine, routine de ménage, rappels quotidiens, ateliers de communication non-violente, manuels de parentalité, j’en passe et des meilleures.
La boîte mail de la bonne élève regorge de liens vers des masterclass et autres ateliers proposés pour s’améliorer, pour faire plus, pour faire mieux… et en moins de temps, cela va sans dire.
Pourtant, la bonne élève a toutes les peines du monde à changer.
« La honte ronge la partie même de nous qui croit que nous sommes capables de changer. »
Brené Brown
Elle n’arrive pas à changer car elle ne croit pas être capable de le faire.
Ou plutôt : parce qu’elle continue de croire à ce mensonge que les autres l’aimeront plus si elle s’améliore.
Alors le temps qu’elle ne passe pas à s’améliorer et à montrer à quel point elle bosse dur (cf. son salon bien rangé et ses enfants bien peignés), elle négocie avec d’autres sentiments : celui d’être dépassée, angoissée, épuisée, et seule.
Parce que la honte isole. Et je te garantis qu’on peut vraiment se sentir très seule quand on a un salon nickel, que le dîner qui trône sur la table sent bon mais que les relents qui sortent de notre coeur, eux, sentent aussi mauvais qu’une poubelle bourrée à craquer qu’on aurait oublié de sortir le mardi soir.
Chère Fabuleuse,
Tu veux savoir comment j’ai tordu le cou à la honte ?
J’ai osé. J’ai osé laisser de côté les outils et les recettes toutes faites pour mettre les mains dans la poubelle bourrée à craquer : j’ai farfouillé au-delà de la surface bien lisse de mon brushing et de mes yeux maquillés pour rencontrer celle qui se cachait derrière.
- Une bonne élève apeurée à l’idée de se passer des outils pour avancer en roue libre ;
- Une petite fille angoissée à l’idée d’être abandonnée si elle montrait ses failles ;
- Une amie flippée d’être jugée sur son intériorité peu reluisante et pas sur son intérieur propret.
Passer du broyage de ses imperfections à leur acceptation est une entreprise de longue haleine.
Tout cela ne s’est pas fait en un claquement de doigt. N’en déplaise aux masterclass promettant une semaine plus zen et mieux organisée en seulement trois séances, il m’a fallu du temps pour accepter mon imperfection et la laisser transformer profondément ma façon d’être, la laisser infuser dans mon esprit jusqu’à modifier ma façon d’être.
Dans cette entreprise, ce qui m’a le plus aidée, c’est cette phrase de Brené Brown :
« Ce que j’arrive à accomplir ou ce qui reste inachevé n’a pas d’importance – en fin de compte, je suffis. »
Chez les Fabuleuses, nous le disons avec d’autres mots, lorsque nous te rappelons chaque matin : “Tu es fabuleuse et ça change tout !” Cette formule est bien plus qu’un slogan : elle affirme que ta valeur n’est pas liée à ce que tu fais mais à ce que tu proclames, au regard que tu poses tendrement sur tes limites, tes ratés et les imperfections qui font ta singularité.
La bonne élève que j’étais s’est donc transformée en élève suffisamment bonne, en élève courageuse qui a osé explorer ses ténèbres intérieurs.
« Ce n’est que lorsque nous serons assez courageux pour explorer les ténèbres que nous découvrirons le pouvoir infini de notre lumière. »
Brené Brown
Chère Fabuleuse,
Tu te dis peut-être que je me la pète parce que je parle du pouvoir infini de ma lumière. Mais sache que cette lumière, tu l’as à l’intérieur de toi et qu’elle n’attend que ton “oui” pour être révélée.
On n’est pas forcé de galérer pour révéler sa lumière, ni de le faire toute seule dans son coin.
Je dirais même que ça peut devenir très fun et que c’est encore plus facile si on se serre les coudes avec d’autres. Révéler ta lumière : c’est ce qu’on te propose de faire dans le Village, dont les portes ouvrent bientôt !