Cet article est né après que l’équipe de la Rédaction a lu et publié celui-ci : « J’ai oublié mon enfant pendant 24h ». L’une d’entre nous a dit : « je suis sûre que les mamans qui vont cliquer pour lire l’article s’attendent à trouver le récit d’un oubli réel ». Puis nous avons échangé un regard. Quelle mère serait assez dingue pour raconter, à l’aise Blaise, qu’elle a cessé de penser à son enfant au point de l’oublier quelque part ? Pourtant ces choses arrivent. Dans 99,9% des cas, ces oublis sont brefs et ne portent pas à conséquence, l’enfant n’est pas laissé sur une aire d’autoroute, mais lorsque nous entendons « elle a oublié son enfant », nous imaginons aussitôt le drame, la voiture au soleil, l’accident domestique. Or, bien avant le drame, il y a les avertissements. Ces moments où, pour se soustraire à la sursollicitation, le cerveau disjoncte, efface, reboot. Ces petits oublis, il faut savoir les écouter et leur donner du sens : tu as besoin de faire une pause, tout simplement. Tu viens d’ajouter une balle à toutes celles avec lesquelles tu jonglais sur le fil et c’était la balle de trop.
Pour toi, voilà quelques fails de maman qu’on n’accepte de raconter qu’en disant que c’est arrivé à une copine. Cette fois-ci, la copine, c’est moi !
1. Aux toilettes
« Mamannn, tu viens m’essuyer ? ». Quand cette petite voix traverse la porte des toilettes alors que je passe devant au pas de course, aiguillonnée par une odeur de cramé qui s’échappe de la cuisine, alors que j’étais plongée dans le classement des papiers en deux piles « à traiter » et « à ranger », je m’arrête net. Depuis combien de temps cet enfant m’attend-t-il sur le pot, pantalon sur les chevilles ? Honte et abomination, je l’ai oublié.
2. A la boulangerie
Depuis quelques années, mon Marcassin est très fier d’aller tout seul à la boulangerie tandis que je l’attends dans ma voiture, sur le parking. Ce jour-là, je lui confie trois euros pendant que je cours à la boutique voisine acheter un chou fleur. Hop je remonte dans la voiture avec mon précieux légume au fond du cabas, je jette un coup d’œil dans le rétroviseur pour vérifier que ma dernière ne s’est pas détachée malgré la vigilance de mon aîné qui lit à l’avant et hop, je démarre. Une fois que j’ai fait le tour du rond point, ma grande fille me dit :
« Mais heu, t’attends pas Marcassin ? ».
Mon sang ne fait qu’un tour et je reviens me garer, ni vu ni connu, alors que mon fils sort de la boulangerie, deux baguettes sous le bras. Il ne s’est rendu compte de rien.
3. Au rugby
« Mais qu’est ce qu’il fiche, ce prof ? Lui qui ne se prive pas pour faire des réflexions quand on arrive trois minutes après l’heure, il se permet un retard de phlébologue ! ».
Pendant que je peste à Corzouille-le-Bec devant le cours d’Aquaponey, mon fils m’attend, l’œil humide, à Zombric-en-Bière, devant le terrain communal, à côté du coach qui peste de ne pas avoir mon numéro. Ils avaient même éteint les projecteurs. J’ai gagné des points avec les entraineurs, je ne te dis que ça !
4. A l’étude
18h30, le collège m’appelle.
– Madame Michu, vous savez qu’on ne fait pas d’heures sup, vous venez le chercher quand, votre Chaton ?
Je rétorque :
– Il prend le bus, le mardi, flûte, c’est pas compliqué, quand même ! Quelle tête en l’air, ce Chaton !
Profond soupir de la dame de la vie scolaire.
– Madame Michu ?
– Quoi ! (aimable comme un guichet automatique).
– Nous sommes jeudi.
5. Au cinéma
Je me sentais la queen des mamans : embarquer la nichée au cinéma, à la ville, tu te rends compte ! Film choisi avec soin, public de 3 à 77 ans, j’ai volontairement laissé passer les bandes annonces qui sont parfois réservées aux 18 à 99 ans (selon mes critères personnels de daronne pudibonde), et nous nous asseyons fort discrètement au dernier rang, pas trop loin de la porte en cas d’urgence toilettes (voir point 1.) Le film se termine et nous empruntons la sortie jusqu’au passage secret qui ressort dans la rue. La porte se referme dans notre dos et mon grand me demande :
– Et la Tornade, elle n’est pas sortie en premier ?
Non, la Tornade n’est pas avec nous. En panique, je contourne l’énorme bloc de bâtiments pour retrouver l’entrée du cinéma, je négocie avec le vigile qui pense que je veux truander avec mes trois enfants, puis je lui fais un plaquage au sol (cf point 3) et je grimpe les marches 4 à 4 pour retrouver ma Tornade… endormie dans son fauteuil beaucoup trop moelleux.
J’espère que cette liste (loin d’être exhaustive) t’a déculpabilisée.
Cependant, l’objectif n’est pas uniquement de te faire sourire ou de te faire dire « waouh, il y a pire que moi ». Ce qui est intéressant, c’est l’après, c’est comment ces oublis ont été écoutés, gérés, ce qui a été mis en place pour que cela n’arrive plus.
- arrêter de jongler entre quatre activités différentes : je ne suis pas Shiva.
- prendre le temps de terminer une chose avant d’en commencer une autre.
- déléguer, s’organiser pour ne pas avoir à être au même moment à la sortie du rugby, à l’arrêt de bus et en visio. Personne n’est capable de gérer ça. Maintenant c’est mon Fabuleux qui gère les sorties d’activité le soir. Et tu sais quoi ? Ça lui arrive de se planter aussi entre l’Aquaponey du lundi et le rugby du mercredi.