Ni adoption, ni accouchement et pourtant je suis devenue maman 4 fois. Mais que s’est-il passé ? 4 enfants, 4 césariennes.
J’ai regardé sur Google : « l’accouchement est le moment naturel ou l’on donne naissance à son enfant ». Pour la césarienne, les termes sont bien plus violents : « intervention qui vise à sortir l’enfant du corps de la mère lorsque l’accouchement ne se passe pas bien ».
Vous sentez la différence : d’un côté vous êtes présente, active dans cette naissance ; de l’autre, c’est l’équipe médicale qui se charge de sortir votre enfant de votre corps.
J’avais presque 26 ans. Nous attendions notre premier enfant. Une fin de grossesse allongée, puis hospitalisée. Il me restait quelques jours avant d’atteindre les 8 mois et pouvoir enfin rentrer chez moi pour attendre avec sérénité la venue au monde de notre enfant. Mais voilà, ce matin-là, bébé en a décidé autrement : les contractions se succèdent durant 24h.
À l’auscultation, on m’annonce que ça y est : ce sera sans doute pour aujourd’hui. Mon fabuleux parti au travail (pas de portable il y a 30 ans)… mais pas besoin de se presser : un premier accouchement cela prend du temps, nous avait-on dit ! Mais voilà que notre petit se présente mal et après une radio de contrôle, le verdict tombe : ce sera une césarienne !
Et là, tout s’enchaîne si rapidement…
Du mal à suivre, à comprendre. Un appel à mon mari, enfin joignable, sur son lieu de travail :
« Reviens, c’est pour tout de suite, et ce sera par césarienne ! ».
La salle d’opération lui faisait « peur », nous n’étions pas prêts, nous n’avions pas eu le temps d’en discuter. Mon Fabuleux est arrivé juste à temps pour me faire un bisou avant l’entrée au bloc !
On m’explique rapidement la procédure.
« Vous verrez votre enfant tout de suite, puis il partira avec son papa pour les soins pendant que l’on vous recoudra. Ne vous inquiétez pas, ça va aller »
Mais moi, je ne suis pas prête !
« Allez, on y va madame dans 10 minutes votre bébé sera là ! » Sauf que dix minutes plus tard, la péridurale n’ayant pas bien fonctionné, on me fera une anesthésie générale.
J’ai tout juste 26 ans je me réveille, j’ai du mal à reprendre pied dans la réalité.
- Il est où, mon bébé ?
- Garçon ou fille ?
- Et va-t-il bien ?
Comme ces minutes m’ont paru longues avant de le prendre dans mes bras, mon garçon, mon tout petit, mon premier né ! Ce sera pour un cours instant : prématuré, il rejoindra rapidement la couveuse pour quelques heures, avant de finalement être transféré dans un autre hôpital par précaution.
Me voici toute seule dans cette chambre d’hôpital, trop faible, et ressentant trop de douleur physique pour me lever.
Cinq longues journées à voir en coup de vent mon fabuleux (pas de congés parental à l’époque) qui passe le maximum de temps auprès de notre fils ! Les nouvelles sont bonnes et au bout de 6 jours, nous voici à nouveau réunis à la clinique. Je me souviens de cette joie immense lorsque j’ai enfin pu le tenir dans mes bras, faire enfin la connaissance de mon fils.
Nous n’avions qu’une hâte : rentrer chez nous.
Le retour à la maison ne fut pas une période facile : beaucoup de pleurs, allaitement difficile… Et puis j’ai croisé la route d’un kiné bienveillant qui nous a proposé de faire des séances de massages pour apaiser notre bébé et me déculpabiliser de cette naissance « volée ».
Quelques mois plus tard, alors qu’il m’arrivait encore de me réveiller en pleurant en pleine nuit, me voici enceinte du numéro 2. Persuadée de pouvoir accoucher par voie basse, qu’elle ne fut pas notre surprise d’entendre le gynécologue nous annoncer que ce serait à nouveau une césarienne !
La précédente cicatrice était trop récente et surtout en « T ».
« L’accouchement par voie basse peut se tenter, mais il y a risque de rupture et d’hémorragie pour vous. Si c’est le cas, ce sera votre deuxième et dernier enfant, sans parler de tous les autres risques »
Nous n’avons pas osé, les risques nous semblaient trop élevés.. et nous rêvions d’une famille nombreuse.
Cette deuxième césarienne, je l’ai vécue plus sereinement.
Toujours pas de fabuleux à mes côtés (dans cet hôpital, ce n’était pas autorisé), mais cette fois, j’ai pu tenir notre fils dans les bras de manière consciente dès les premières minutes : un bonheur !
Numéro 3 s’est invité deux ans et demi plus tard : même hôpital, déroulement identique, et toujours cette frustration d’être dépendante des autres durant les quelques jours qui suivent la naissance !
Cette douleur, cette cicatrice. Nos garçons sont en forme, je positive, j’essaie de créer ce lien. Pas facile, à l’époque, sans peau à peau, sans soutien psychologique, et avec des horaires « fixes » de tétées et de biberon…
Cinq ans et demi après la première césarienne, me voici à nouveau sur cette table d’opération pour la naissance de notre dernier enfant.
Quel bonheur !
Nous avions déménagé et dans cet hôpital, les papas étaient acceptés dans la salle d’opération. Ce petit garçon, nous l’avons accueilli à deux, mon fabuleux à mes côtés, près de moi et « loin » de l’intervention. La médecine avait fait des progrès : le lendemain, j’étais debout, trois jours plus tard, j’accompagnais notre petit pour un rendez-vous médical dans un autre hôpital et six jours après la césarienne, j’étais chez moi, entourée par toute ma grande famille ! Quelle joie pour tous les six !
Alors oui, je n’ai jamais accouché.
Les naissances, il a fallu que je me les approprie, comme le dit si bien Stéphanie Allenou dans son livre “Mère épuisée” :
« Je n’ai pas accouché de mon bébé, on me l’a tiré du ventre. D’autres personnes ont agi à ma place. C’est comme si elles n’avaient pas eu besoin de moi pour faire naître Charlotte. Mon sentiment de ne pas être tout à fait mère vient sans doute de là. Comment la mère peut elle naître si ce n’est pas la femme qui accouche… Chacun doit se trouver quelque chose pour compenser ce que le corps médical n’aura pas réparé. »
Mère épuisée, éditions Les liens qui libèrent
Au fond de moi, il y a cette petite frustration : ne pas pouvoir partager avec les autres mon vécu des naissances de la même façon ! Souvent, lorsque je rencontrais d’autres mamans et que l’on parlait accouchement, à la question posée « Et toi ça c’est passé comment ? » , je répondais juste : « Oh moi j’ai eu 4 césariennes »
Et voici ce que j’ai entendu :
- « Ah bon, je croyais que le maximum c’était trois »
- « Oh la chance, tu n’as jamais vécu les douleurs de l’accouchement ! »
Alors je m’effaçais devant ce grand mystère de l’accouchement.
Aujourd’hui, je voudrais partager et encourager toutes celles qui sont passées par là : nous ne sommes pas de « moins bonnes » mamans, même si parfois cela prend plus de temps pour accueillir ces enfants et nous approprier ces naissances.
J’ai fait ce que j’ai pu, avec les moyens que j’avais en ma possession : pas de Fabuleuses, pas de soutien psychologique, une famille éloignée…
Et même si parfois j’ai le sentiment que je n’ai pas vécu entièrement une partie de ma vie de femme, je continue à aller de l’avant.
Il faudra parfois un peu plus de temps pour accueillir sereinement tous les événements liés à la naissance, mais je sais aujourd’hui que je ne suis coupable de rien : chaque grossesse a été désirée chacun de mes enfants a été aimé !
Aujourd’hui, maman de 4 garçons adultes et grand-mère d’une magnifique petite fille, je me sens comblée.
Ce texte nous a été transmis par une fabuleuse maman, Myriam