35 ans, l’heure du bilan - Fabuleuses Au Foyer
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35 ans, l’heure du bilan

Liv 31 octobre 2019
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Je ne m’étais jamais fixé cet âge comme un point d’étape, jusqu’à ce que je n’aie plus le choix de le faire : à 35 ans, il fallait que j’aie changé d’emploi.

L’objectif a été atteint et aujourd’hui, alors que les premières semaines de transition ont eu lieu, je m’étonne : je m’étonne que tout coule aussi bien, je m’étonne de me sentir à ma place, sereine, je m’étonne de ne ressentir absolument aucun manque de mon précédent métier et de me demander même comment j’ai pu l’exercer aussi longtemps.

Pourquoi ne suis-je pas partie plus tôt ?

Voilà la question qui m’a taraudée ces trente derniers jours. Au fond, je sais pourquoi. Je ne suis pas partie parce que j’étais très occupée à construire ma famille.

Trois enfants en 6 ans.

J’ai amorcé ma reconversion aux 18 mois de la dernière : avec du recul, je me rends compte de l’urgence presque vitale qui a été mienne pour franchir le pas.

Je sens que j’entre dans une période charnière, qui fait la liaison entre l’avant et l’après.

Les enfants commencent à grandir, je n’en veux plus, je veux autre chose, je veux l’après. Je me reconvertis, on (re) commence à être plus à l’aise financièrement, on a de nouveau projets, je me sens bien dans mon corps, bien dans ma tête, j’ai l’impression d’avoir atteint une grève après une tempête qui aurait duré de nombreuses années.

La remise en question qui a débuté il y a déjà plusieurs années a été très violente, d’abord à 100% personnelle. Elle a finalement dévié vers le professionnel, sans que j’y sois vraiment préparée. Je ne pensais pas qu’en allant voir une psy pour un problème, j’en viendrai à en régler un autre, lié au reste, et pourtant indépendant de lui. Aujourd’hui, je ne sais pas si le changement de travail était un noeud du problème, un aboutissement, ou une nouvelle perspective.

Mais je respire.

Peut-être est-ce parce que je suis devenue moins exigeante avec les années qui passent ? Moins exigeante avec la vie. Je me contente plus facilement de ce qu’elle m’offre. Je me contente du moyen, de l’à-peu-près, de l’incertain, là où j’aurais auparavant recherché la perfection et le complet.

Je ne sais pas dans quel esprit tu es rentrée dans la vie active, toi qui me lis.

De mon côté, j’ai fait partie de cette première génération, dans ma famille, à avoir réellement pu choisir ma voie, mes études et donc mon métier. Pour mes parents, c’était une avancée, un progrès et un espoir énormes. J’ai choisi mon métier. J’allais donc forcément m’épanouir, être heureuse, y trouver du sens, m’y accomplir. C’est en tout cas le message qu’on m’a fait passer durant toute ma jeunesse.

Famille, prof, conseillers, tous ont tenu ce discours:

« Fais des études, et tu seras heureuse (dans ton métier) ».

Je suis donc entrée dans la vie active avec une énorme de dose naïveté confiante, persuadée que je m’engageais dans la bonne voie, et même dans l’unique et l’ultime voie, d’autant plus que j’avais choisi le chemin de la « vocation » et de la « passion ».

Considérant ma nature entière, c’était voué à l’échec. Ça me semble évident, tellement évident, tellement criant aujourd’hui. Comment des études auraient-elles pu me garantir de façon pérenne un statut après lequel l’humanité court depuis qu’elle existe et pense ? J’ai placé trop d’espoirs dans mon ancien métier. Trop d’idéaux. Trop d’illusions.

J’ai plus mûri et appris sur moi même entre 25 et 35 ans que toute ma vie durant.

  • J’ai appris que j’étais faillible, dans mes valeurs et mes fondements les plus profonds.
  • J’ai appris que ces failles faisaient partie de moi, qu’il était hors de question de les renier, qu’elles font ma force, ma faiblesse et ma richesse.
  • J’ai appris à me  découvrir à travers la maternité. J’ai appris à me découvrir à travers des rencontres qui ont bouleversé non seulement ma vision de la vie, mais ma vie elle-même. Des personnes qui ont été, à leur insu, le moteur et le levier de changements majeurs de mon existence.

Toutes ces rencontres, les très belles que je chéris comme un trésor, une leçon de vie, et les moins belles, que je chéris pour m’avoir donné le courage de dépasser mes peurs, je suis certaine qu’elles ne sont pas dues au hasard. Qu’aucune relation ne se noue sans but ni raison.

Je me félicite de n’avoir pas voulu viser plus haut pour cette reconversion.

Je me dis que j’ai le temps.

Que je n’ai rien à prouver à personne, si ce n’est à moi-même. Le fait d’avoir osé une reconversion à la baisse me libère d’un poids, celui du conformisme, celui de l’attendu, celui du chemin tout tracé, oui c’était un choix, oui, certains ont du mal à le comprendre, mais je m’en fous, je l’assume, je n’ai pas envie de viser haut. J’ai déjà changé du tout au tout.

Je n’ai que 35 ans. Je suis fière d’avoir osé. Fière d’avoir agi.

De plus en plus souvent je pense à la mort. À un cancer, qui viendrait ruiner tous mes projets.  À une voiture, qui viendrait me percuter, ou faucher l’un de mes proches, et remettre en cause tout cet ordre, toutes ces certitudes, toutes ces futilités aussi, et je me dis :

Prends le temps, vas-y pas à pas, qui a dit qu’il fallait se presser, qui a dit qu’il fallait absolument monter, vis, prends, donne, tente, rate, sourit, souffre, mais arrête de vouloir absolument transcender ton existence, croire qu’il y a un sens, une place précise et une logique pour toi dans ce monde.

Je crois que ce que j’ai déposé au bord de la route, tout au long de cet itinéraire long de 10 années, des années fondamentales, des années qui comptent double, voire triple, ce sont mes idéaux. Pas ceux qui te font te surpasser et voir la vie sous un jour ensoleillé. Non, j’ai déposé ces idéaux qui aveuglent, qui fourvoient, qui emprisonnent et qui encerclent.

Pour la première fois de ma vie, peut-être, j’accepte de voir et de prendre la vie comme elle est :

biscornue, décalée, égratignée dans les coins, une vie absurde, une vie sans révélation, mais belle au fond, belle quand même, belle dans son non-sens et les mailles toutes simples de son tissu.



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Cet article a été écrit par :
Liv

Liv forme avec son fabuleux un couple mixte et est maman de trois petites métisses de 8, 6 et 2 ans. Après treize années de professorat des écoles, elle amorce une reconversion dans le développement durable. Son grand amour, ce sont les livres et l’écriture.
http://mamanlempicka.com

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