Est-ce que tu sais dire non ?
Oui, je sais, ça ressemble à une question piège… Dans cet article, dont les protagonistes ont préféré garder l’anonymat, il va être question justement de piège. Celui dans lequel nombre d’entre nous ont pu se trouver (ou se trouvent encore) coincées.
Peut-être fais-tu partie d’une de ces familles qui entretiennent ce genre de tradition :
Noël en alternance de chaque côté de la famille, Pâques chez Papy et Mamie, et les vacances d’été tous ensemble dans la maison familiale de Saint-Rémy-des-Monts. Ça ne se discute pas, c’est comme ça. Grand bien fasse aux adeptes de ces événements… à partir du moment où tous apprécient de se retrouver les uns les autres. Pour ceux-là, le stock de souvenirs s’enrichit grâce à ces tablées de quinze, aux tours de rôle à la vaisselle et à l’ambiance colo.
Je ne connais pas ce genre de joyeuses retrouvailles dans ma famille, mais je connais des gens très bien qui en sont très contents. Allez, j’avoue, je suis peut-être un peu envieuse quand j’entends des récits de grande famille unie. Chez nous, les bonnes relations s’entretiennent plutôt à distance.
Alors que les départs en vacances sont déjà lancés depuis une semaine, voire plus pour ceux qui n’attendent pas la fin de l’année scolaire — je ne vous dénoncerai pas, promis —, il est sans doute trop tard pour remettre en question le programme prévu cet été, sans faire vaciller l’équilibre familial, voire perturber la trajectoire de la Terre autour du Soleil, mais il est peut-être encore temps de faire un point sur la situation :
est-ce que la perspective de passer des vacances avec ta famille, ou ta belle-famille, te réjouit sincèrement…
…ou fait ressortir ton psoriasis ?
C’est une vraie question ! Plusieurs fabuleuses mamans nous ont déjà écrit des mails pour partager avec nous leurs angoisses. L’une d’elles disait avoir « enduré » pendant 17 ans le passage obligé dans le fief de sa belle-famille durant les congés estivaux. Cette année, c’est son mari qui a dit stop parce qu’ils avaient prévu des travaux dans leur maison et que cela les retenait chez eux. Cette fabuleuse maman disait se sentir soulagée, et même libérée, à la perspective de passer des vacances, même laborieuses, avec « seulement » les membres de son foyer.
Quand les traditions nous mettent la boule au ventre, n’est-il pas temps de faire quelque chose ?
Nous en affranchir ne nous permettrait-il pas de nous respecter nous-mêmes ?
La philosophe et psychanalyste Nicole Prieur partage quelques réflexions édifiantes dans Les trahisons nécessaires :
« Nous nous trahissons dans tant de situations quotidiennes ! Quand, par exemple, nous nous soumettons aux désirs des autres, alors qu’ils sont contraires à nos propres besoins. Dans nos familles, dans notre couple, avec nos amis, nous nous conformons aussi souvent à des demandes qui ne nous conviennent pas ; par loyauté, nous obéissons à des attentes qui nous mettent en porte-à-faux avec nous-mêmes, et nous éloignent de ce que nous voudrions être ou faire. Nous nous plions aux demandes de nos proches que nous considérons comme plus importantes que nos propres aspirations. Dès lors, nous nous perdons de vue pour être bien vus de notre entourage. (…) On n’ose pas dire non, on n’ose pas s’opposer de peur de perdre l’amour, l’affection de ceux que l’on aime et estime ; ou bien pour espérer gagner un peu de considération, être regardé, enfin ! On en fait toujours plus parce qu’on a l’impression de ne pas être suffisamment à la hauteur. On a si peur de décevoir. »
D’où ma question de départ : est-ce que tu sais dire non ?
Pas par esprit de contradiction, pas par opposition systématique… mais tout simplement parce que savoir dire « non » permet d’offrir de vrais « oui », qui viennent du cœur et rendent heureux.
On parlait de quoi, au fait, au départ ? Ah oui, des vacances d’été…
Eh bien, il s’agira peut-être de trahir la tradition — ce qui est drôle, parce que ces deux mots viennent du même mot latin tradere, qui veut dire faire passer quelque chose à quelqu’un — pour ne pas se trahir soi-même… Ça peut faire un peu peur, parce que le risque de mettre le bazar dans ce qui est établi depuis des lustres est réel. Cette remise en question, qui peut te sembler radicale, peut attendre les prochaines vacances, histoire de bien préparer ton argumentaire et de te sentir en paix avec les décisions prises. Peut-être même que cette remise en question que tu vas initier va libérer d’autres membres de la famille qui, eux aussi, subissent sans oser le dire.
Mais, quoiqu’il en soit, cela vaut la peine de se pencher sur la question :
est-ce que ces vacances avec la famille élargie te font du bien, rechargent tes batteries et ton réservoir de moments de qualité ?
Si la réponse est oui, savoure chaque moment ! Ou bien, si ton ulcère gastrique te chatouille de plus en plus à l’approche du départ vers Saint-Rémy-les-Monts, ne devrais-tu pas tout simplement changer de plan ? Tu peux avoir un bon prétexte, comme des travaux à faire ou le pet sitter qui se décommande… Mais tu peux aussi oser enfin dire que tu as juste envie de repos et de calme, et que tu préfères faire autrement cette année. C’est juste un pas de plus vers l’authenticité qui, finalement, te rapprochera de ceux qui comptent le plus pour toi.
