Une belle journée pour les châtaignes - Fabuleuses Au Foyer
Vie de famille

Une belle journée pour les châtaignes

Une Fabuleuse Maman 1 janvier 2025
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La machine à café ronronna doucement. Marie regarda quelques instants le liquide fumant couler dans sa tasse. Elle s’en saisit, puis se dirigea lentement vers la baie vitrée.

Il était 6 h, l’aube commençait tout juste à poindre.

Elle aimait cet instant silencieux, hors du temps, lorsque la maison était encore endormie.

Ses deux tornades de deux et six ans n’avaient pas encore ouvert les yeux et elle entendait les légers ronflements de son mari dans leur chambre attenante.

Elle repensa à ce qui l’avait tiré du lit : une pensée, un rêve peut-être…

En observant les premiers rayons du soleil percer la brume matinale, elle sourit. Elle se laissa bercer par les bruits du matin : au loin, le clocher du village voisin sonnait les premières heures. Quelques oiseaux sautillant dans la pelouse profitaient de la rosée matinale en gazouillant doucement, comme gênés de déranger le silence ouaté de ce matin d’automne.

Marie respira profondément et ferma ses yeux fatigués par des journées trop longues et des nuits toujours trop courtes. Sur la carte postale du paysage qui persistait sous ses paupières, vinrent se superposer les images du songe qui l’avait éveillée.

Elle vit ce visage fin, ces beaux yeux bleu glacier aux longs cils courbés.

Son premier grand amour… Elle entendit sa voix grave, un peu timide lors de leur premier rendez-vous. Comment le lui reprocher, elle avait si peur, elle aussi… Elle avait été séduite par sa douceur et s’était laissée emporter par le récit de sa vie. Il était si beau… Et Marie sentait encore la douce odeur boisée qui l’avait réconfortée lorsqu’elle s’était blottie dans ses bras.

Cet homme avait été son refuge.

Il l’avait apaisée, elle qui se perdait alors dans les méandres tourmentés de ses questions existentielles. Il savait trouver les mots pour la tranquilliser.

Marie inspira profondément, troublée par la nostalgie se dégageant des images de ce premier rendez-vous.

S’en était suivi l’amour avec un grand A…

Il lui avait fait aimer le jazz, les films d’art et d’essai qu’elle jugeait auparavant ennuyeux et surtout, il lui avait fait saisir de nouveau les plaisirs simples de la vie. Il vivait au présent. Il ne s’embarrassait pas de plans, de projections, ni de prévisions. Il était là, tout simplement. Et son rire immense emplissait tout l’espace…

Il lui avait fait redécouvrir la nature, elle qui se transformait doucement en citadine blasée. Les balades en forêt à la tombée du jour ou au bord de l’eau. Elle avait été impressionnée par sa connaissance des plantes et des oiseaux. Il voyait chaque détail qu’elle ne remarquait même pas : la forme originale de telle feuille, les couleurs flamboyantes de ce scarabée caché par une écorce… Son regard était toujours attentif aux beautés du monde qui l’entourait.

Elle avait été impressionnée par son amour de l’instant présent et sa capacité de résilience.

Il lui avait appris à regarder la vie avec des yeux d’enfant émerveillé.

Le soleil était apparu à présent et caressait son visage, le réchauffant doucement. Marie serra fort sa tasse de café en tentant de retenir les bribes de souvenirs et de sentiments d’autrefois. Ses yeux étaient embués.

Soudain elle entendit un léger bruissement derrière elle.

Elle se retourna doucement, et aperçut le souvenir qui emplissait sa tête se dessiner dans l’embrasure de la porte.

« Tu es déjà réveillée chérie ? »

Il était toujours là, depuis dix ans à ses côtés. Ses yeux toujours aussi clairs et lumineux, même si de légères rides les encadraient à présent.

Devant le regard un peu perdu de Marie, il se mit à rire : ce rire si doux et si franc.

« Comment puis-je oublier parfois à quel point ces éclats de joie me sont précieux ? » pensa Marie.

Il la rejoignit près de la baie vitrée et la prit dans ses bras.

« C’est une belle journée pour ramasser des châtaignes, non ? »

Sortant de sa torpeur, elle rétorqua :

« Mais je dois préparer le dîner pour ce soir, tu sais que mes parents vont arriver de bonne heure. Et Valentine a des devoirs pour… »

Un nouvel éclat de rire l’interrompit :

« Arrête avec ça. On s’en fout ! On a le temps pour des châtaignes. »

Marie sourit. Voilà.

Ce qu’elle avait toujours aimé chez cet homme.

Avant de se laisser happer par le quotidien et de croire que c’était un défaut de ne penser qu’à l’instant présent, avant de lui reprocher avec amertume son manque d’anticipation concernant la gestion des enfants, des repas, des vacances et du linge…

Avant la course incessante de leur vie de famille.

Mais ce matin, elle avait retrouvé ses yeux de jeune femme amoureuse. Elle se dit que finalement, il suffisait d’enfiler la bonne paire de lunettes pour voir surgir la beauté qu’elle ne voyait plus et prendre conscience que, depuis le premier jour, son Fabuleux la complétait… tout simplement.

Alors, oui… C’était un beau jour pour des châtaignes. Et elles seraient délicieuses, grillées au feu de bois pour leur dîner.

Cette mini fiction nous a été envoyée par une Fabuleuse maman, Blandine, qui a participé à un concours d’écriture sur WhatsApp des fabuleuses communautés du Village et de la Nuée. 



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Une Fabuleuse Maman

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