C’est simple, un jour sur deux, je vois tout en noir. J’ai l’impression d’être dans une machine à laver en marche et de subir les différents changements de programme. Mes émotions foutent le camp ! Un soir, c’est la fin du monde, je ne crois plus en rien et les enfants m’exaspèrent. Le lendemain, il fait beau, on est à la maison (comme 60 % des Français selon un sondage récent). On s’aime. Après tout, ce n’est pas si mal. Autant profiter de ce moment à part, ensemble. Avant l’arrivée de notre futur bébé.
Le sentiment océanique
Le confinement n’est pas assez pour ma fille. Elle passe son temps à construire des cabanes. Coussins, édredons, couettes, couvertures, tout y passe. Elle s’y enfouit tête la première. Son grand plaisir, suivi de rires irrésistibles, est qu’on y vienne la chercher, la découvrir et la chatouiller. « Encore ! » J’aimerais pouvoir démultiplier cette ardeur à me cacher, me planquer et me blottir chez moi.
Je me souviens que, petite, mon rêve absolu était de rester enfermée dans un grand magasin (au rayon jouets bien sûr). Ou mieux encore toute une nuit dans la piscine (je suis une obsédée de la nage !). Pourquoi ? Papa Freud n’est pas loin, il dégaine rapidement sa réponse : ça s’appelle le sentiment océanique. Ou bien le fantasme de retourner dans le ventre de sa mère ! C’est moelleux et confortable, la respiration est marine. Il n’y a même pas la brûlure de l’air.
« Maman, on arrive bientôt… ? »
Mais devenue adulte, ce ventre de la quarantaine dans lequel nous sommes plongés me paraît trop étroit. Pour de multiples raisons, j’imagine :
- Je n’y suis pas seule (je commence à comprendre le fardeau des jumeaux !)
- J’ignore la date de « ma mise en monde » (les conditions du déconfinement restent encore très floues)
- Je me demande si je grandis vraiment au sein de cette matrice
- J’ai peur du monde extérieur et son cortège de funestes nouvelles
- Et d’ailleurs je ne sais plus dans quel monde je vais être « délivrée » : Sera-t-il vraiment comme avant ? Comment allons-nous sortir de tout cela ? Quelles leçons retirerons-nous ?
J’oscille entre l’envie que tout reprenne « à la normale » et l’espoir que nos mauvaises habitudes à tous soient toutes balayées. Pour le coup, je redeviens l’enfant que j’étais dans les trajets en voiture en famille. À la fois impatiente d’arriver et excitée de continuer à se chamailler derrière avec ses frères et sœurs…tout en agaçant ses parents !
La voiture-balai des états d’âme
En attendant, dans ce quotidien confiné, j’assiste impuissante à mon encéphalogramme émotionnel : angoisse un jour lorsque nous apprenons la possible contagion d’un de nos enfants, sérénité inattendue lors d’un moment volé au soleil, fierté quand ma fille fait un joli dessin, colère quand l’envie de sortir m’étouffe, tristesse de savoir le vieux voisin seul chez lui, etc.
Nos états d’âme sont bruts, impossible de les dissimuler dans la fuite en avant et les activités. Parfois ça paraît impossible (faire le classe aux enfants, la cuisine, le télétravail ET garder le sourire et surtout la motivation… bonjour le burn-in !) et puis ça passe.
Si une chose me manque, c’est la solidarité féminine, ne serait-ce les conversations à l’école avec les autres mamans. Heureusement, elle n’a pas totalement disparu : il reste ici, chère Fabuleuse, un lieu où comme moi tu peux te ressourcer.
Un espace d’échange et de complicité. D’humour aussi. Car plus que jamais il est essentiel de serrer les coudes et, entre Fabuleuses, de se rappeler ce que nous sommes tout simplement : Fabuleuses, always !