Je croyais qu’il me serait difficile de t’écrire ces mots et de les afficher ici. Et finalement non, ils sont venus tous seuls, pressants, comme pour témoigner de ce que peut être une relation maman-enfant qui ne va pas de soi.
Ma cadette, tu as 6 ans.
Chaque année qui t’éloigne de ta petite enfance me ravit. Je n’éprouve aucune nostalgie du temps où tu étais petite. Tes trois premières années ont été si difficiles. Je ne devrais pas, mais j’aspire à te voir grandir, je me dis qu’avec les années qui passent, tu la trouveras peut-être enfin, ta place.
Toi, celle du milieu, celle qui fait écho à ma propre place dans ma fratrie, celle que je ne comprends pas, celle qui me pousse dans mes retranchements, celle qui me fait puiser dans mes dernières ressources de patience, de bienveillance, de décodage.
Je croyais t’avoir percée à jour, mais ce n’est toujours pas le cas. Tu as une personnalité enchevêtrée et changeante, il est difficile de te suivre, avec toi les jours, les semaines et les mois sont en dents de scie. Plus le temps passe et plus je comprends qu’il est vain de croire que tu nous provoques ou que tu le fais exprès.
Avec toi, j’ai découvert la parentalité âpre, opaque
…celle qui ne va pas de soi, celle qui nous pousse à nous interroger, chaque jour, à nous améliorer, sans cesse, celle qui ne nous laisse jamais nous reposer sur nos acquis.
J’ai découvert quelle exigence ce pouvait être d’avoir un enfant. Quelles parties de nous-mêmes peuvent nous être renvoyées à la figure, comme un miroir qui nous dévoilerait nos plus grandes forces et nos plus grandes faiblesses.
Car tu es l’une des personnes les plus complexes que je connaisse.
Être ta maman a été très difficile. Être ta maman a été bouleversant. Être ta maman a été épuisant. Être ta maman a été déstabilisant. Mais être ta maman m’a appris à être une version plus aboutie de moi-même. Toutes les remises en cause de ma maternité viennent de toi. Toutes mes tentatives d’être une meilleure maman viennent de toi. Toutes mes tentatives de changement, c’est toi qui les a impulsés. Tu m’as fait puiser au fond de moi-même des ressources insoupçonnées, des idées nouvelles, des tactiques innovantes, parfois évidentes, parfois absurdes.
Pour que je sois à la hauteur de l’amour que tu mérites.
Ma petite fille, j’en ai fait des erreurs à tes côtés, on en a traversé des tempêtes, et je sais qu’on en traversera encore. Mais avec toi, l’inconditionnalité de l’amour a pris toute sa dimension. Je t’aime au-delà de tout ce que tu peux faire, au-delà de tout ce que tu peux dire, et bien au-delà de tout ce que ça peut provoquer chez moi.
Tu ne seras jamais un fleuve tranquille, et en cela tu me ressembles. Chez moi, c’est plus intériorisé, mais quand j’y pense, ce sont les mêmes bourrasques émotionnelles qui nous traversent. Je te souhaite de trouver ta place, ta propre identité, je ferai tout pour t’y aider.