« Il faut tout un village pour élever un enfant.»
J’ai découvert cette phrase en mars 2020, pendant le confinement : seuls à la maison avec notre fille de 1 an et demi, mon mari et moi avons réalisé à quel point nous avions besoin des autres pour être parents. Non seulement parce qu’au bout d’un moment nous étions fatigués d’être H24 avec elle, de ne pas avoir de relais et de pause, mais aussi parce que nous avons réalisé que nous n’étions pas suffisants pour notre fille.
Loin de moi l’idée de nous dévaloriser ! De dire que nous sommes de mauvais parents, que nous ne sommes pas assez bien pour elle. Mais bien plutôt la conviction qu’elle a besoin d’autres personnes pour vivre ce que nous ne pouvons pas vivre avec elle.
Bien sûr, ses besoins étaient remplis, tout au moins les besoins de base : manger, boire, dormir, elle avait des câlins, des jeux, des livres, et même la chance d’avoir un jardin et de pouvoir sortir de la maison quand nous voulions.
Mais elle n’avait “que nous” pour vivre tout cela.
Un exemple très concret : je n’aime pas (mais alors pas du tout) les bricolages. Je laisse ça à la crèche et à ses grands-parents, c’est bien mieux pour tout le monde (et notamment pour mes nerfs). Eh bien pendant plusieurs semaines, elle n’en a pas fait (mon mari n’est pas très bricolage non plus). Elle a eu sa dose de livres et d’histoires, mais pas de bricolage.
Bien sûr, elle a survécu à ça, et probablement même qu’elle n’en a pas ressenti le manque. Mais tout de même, quand elle peut faire des bricolages, elle est heureuse. Et pour cela, ses parents ne peuvent pas répondre à son plaisir.
Pour moi c’est tout à fait acceptable de me dire que je ne peux pas tout faire avec ma fille.
Que je n’ai pas toutes les compétences pour toutes les activités, mais que d’autres personnes vont pouvoir lui offrir cela.
Non, les parents ne sont pas suffisants pour élever leurs enfants.
Ils ont besoin que d’autres prennent le relais par moment : grands-parents, amis, professeur de sport, de musique, maître/sse d’école, et même aussi les copains et copines.
Sans parler des avis différents que vont pouvoir leur offrir les autres personnes : ils vont pouvoir ainsi découvrir que la différence existe, qu’elle est bonne aussi, qu’elle appelle au respect mutuel et qu’elle nous fait grandir.
Voilà pour moi la première raison pour laquelle nous avons besoin d’un village pour élever nos enfants : ils ont besoin de la diversité des vis-à-vis.
«Il faut tout un village pour élever un enfant.»
Quelques mois plus tard, à l’approche de l’arrivée de mon fils, cette phrase a résonné avec une culpabilité qui naissait en moi : je n’allais passer que très peu de temps seule avec mes enfants, seulement une à deux demi-journées par semaine. Le reste du temps, ils seraient avec leur papa pour une même durée, ou alors nous serions les deux avec eux, ou ils seraient avec des grands-parents, ou encore à la crèche.
Et voilà que la petite voix de la culpabilité s’est fait entendre en moi :
« Mais c’est quoi cette maman qui n’a pas des journées complètes avec ces enfants ?! Est-ce que je devrais avoir au moins une journée par semaine seule avec eux ? Est-ce que je suis une “vraie” maman si je ne fais pas ça ? »
Cette phrase, à nouveau, m’est revenue en tête : « Il faut tout un village pour élever un enfant. »
Nous ne sommes pas seuls pour élever un enfant.
Je ne suis pas seule pour élever mes enfants. Et je n’ai pas besoin de l’être ! S’il y a d’autres personnes avec moi, c’est bien aussi.
J’ai réalisé que le problème n’est pas tellement d’être avec eux, mais bien plutôt d’être seule avec eux. Ou en tout cas, seule trop longtemps.
Je ne me sens pas bien quand je suis seule :
je me sens oppressée par les besoins très immédiats des enfants en bas âge (ou en tout cas besoins perçus comme tels), par le sentiment d’être indispensable, par la difficulté à préparer à manger quand la grande réclame une histoire et le petit une tétée.
Lorsqu’il y a une autre personne avec moi, je me sens beaucoup mieux. Même si cette autre personne ne fait pas grand chose, mais au moins je peux m’éclipser quelques minutes pour aller seule aux toilettes… 🙂
Alors bien sûr, vous me direz que mes enfants peuvent bien attendre, que je n’ai pas besoin d’être la maman parfaite qui réussit à tout faire toute seule et tout de suite. C’est vrai, c’est sûr.
Mais je peux aussi me dire que je n’ai pas besoin d’être seule. Il n’y a pas de nécessité, pour être une maman, d’être seule avec ses enfants. Ça ne fait pas partie du cahier des charges de base !
À l’inverse, quand j’entends « Il faut tout un village pour élever un enfant », j’entends plutôt la nécessité de ne pas être seule ! L’importance de ne pas vivre la solitude que beaucoup de mamans vivent, déjà parce qu’elles sont concrètement seules, mais aussi parce qu’elles se sentent seules face à des questionnements et des difficultés qu’elles doivent gérer elles-mêmes.
Mes enfants n’ont pas besoin d’une maman seule, ils ont besoin d’une maman qui va bien.
Et il y a beaucoup plus de chance que je sois bien si je ne suis pas seule 🙂
Alors il faut que j’aie tout un village autour de moi !
Et j’ai la chance d’en avoir un. J’ai bien conscience que c’est une chance, et que ce n’est pas possible de la même manière pour tout le monde. Mais je crois aussi que ce village, cette communauté, elle se crée, elle s’aménage, et elle se savoure.
Dans mon village, il y a déjà mon Fabuleux, qui ne travaille pas à temps plein mais a lui aussi des moments dans la semaine où il est avec nos enfants. Il y a aussi leurs grands-parents, qui sont souvent présents. Et bien sûr la crèche, nos amis, nos voisins, la monitrice de gym, et j’en passe.
Et pour m’entourer moi en particulier, il y a les autres mamans que je côtoie, soit en direct soit via les réseaux sociaux. Et ces dernières sont très précieuses également, pour ne pas me sentir seule.
Là aussi, un exemple concret : il y a peu, je parlais à d’autres Fabuleuses rencontrées depuis que j’ai rejoint le Village de mes difficultés avec mon fils (4 mois à ce moment-là), difficultés qui me semblaient “normales”, mais que j’avais besoin de déposer. En plus de l’écoute bienveillante dont j’avais besoin, plusieurs mamans m’ont conseillé d’aller voir un ORL pour vérifier s’il n’avait pas le frein de langue trop court, car il semblait présenter des symptômes similaires à ce problème. Deux semaines après, son frein de langue était coupé et beaucoup de choses se sont améliorées pour nous !
Dans cette situation, je n’aurais pas su identifier ça toute seule, ou pas aussi vite en tout cas. Et comme les symptômes n’étaient pas des plus habituels (notamment peu de problème du côté de l’allaitement), personne n’a pensé à vérifier cela, même dans le corps médical que j’avais autour de moi. Pour nous, c’était à peu près normal, et nous avions à traverser cette difficulté en sachant que ça allait passer par la suite. Je n’avais donc pas non plus l’intention de faire des grandes investigations pour régler le problème, vu que je ne pensais pas qu’il y en avait un.
Là encore, j’ai eu besoin d’un village, d’autres personnes avec d’autres compétences, pour élever mes enfants.
Si j’étais restée seule avec ça, nous aurions tous subis ce problème, alors qu’une solution était possible.
Et quand on me dit « Fais-toi confiance, tu es la maman, tu sais si ton enfant va bien ou non ! », ça ne m’aide pas du tout (au contraire, ça me fait plus stresser qu’autre chose!). Et maintenant je réponds « Eh bien non, je ne sais pas, je ne sais pas tout, j’ai besoin des autres pour m’aider et je choisis de m’entourer, de ne pas rester seule. »
Chère fabuleuse maman, j’ai envie de te dire la même chose :
Ne reste pas seule ! Parle !
Parle avec tes proches, tes amis, tes voisins, ta famille, avec des professionnels, en direct ou sur les réseaux sociaux, par téléphone, mail ou pigeons voyageur ! Parle pour ne pas être seule ! Demande de l’aide, entoure-toi !
Tu as besoin d’un village pour élever tes enfants, il y a en a un autour de toi, quel qu’il soit, j’en suis sûre.
Alors vas-y, ce sera bon pour toi, ce sera bon pour tes enfants, ce sera bon pour tout le monde.