Victoire s’endormait en bavant, enroulée sur mon bras gauche. Adelin et Roman se disputaient au sujet du choix de dessin animé qu’ils avaient le droit de regarder sur mon téléphone, pendant que je faisais visiter les studios des Fabuleuses à mon invité. Envoyé par la rédaction du Monde, ce photographe devait tirer mon portrait pour un article traitant des effets des confinements sur notre perception du foyer et qui, je le découvrirais quelques jours plus tard, serait titré “Mères courage”.
J’avais déjà rencontré cet artiste très sympa à plusieurs reprises, à l’occasion d’autres reportages photo pour d’autres journaux. Tandis que je remplissais le réservoir de la machine à café, il m’a exprimé son étonnement :
« Ne le prends pas mal Hélène, mais une question me taraude. Quand je t’ai rencontrée il y a quelques années, tu disais que tu avais vécu un burn-out maternel et que tu voulais aider celles qui passent par là. Aujourd’hui, je découvre que tu as fait deux enfants de plus et triplé la taille de ton équipe, le tout avec le sourire et même pas de cernes. Tu ne serais pas devenue la femme parfaite que tu décriais à l’époque ? »
S’en est suivie une conversation enrichissante, autour d’un café tiède, pendant que mes garçons se battaient sur un meuble (d’où la photo plus vraie que nature publiée en couverture du cahier l’Époque, dimanche dernier dans Le Monde^^).
Cette conversation, j’ai eu envie d’en retranscrire quelques bribes ici. D’abord parce que passer mes observations à l’écrit m’a toujours aidée à m’approprier les saisons que j’ai traversées. Ensuite parce que, chère Fabuleuse, ces quelques pensées pourraient bien te donner un peu d’énergie pour persévérer encore, un jour à la fois, dans l’entretien de ton jardin intérieur.
Est-ce que j’ai changé ces dernières années ?
Oui. J’ai investi beaucoup de temps, d’énergie et aussi d’argent dans une parcelle totalement étouffée par les ronces. Mes réflexes de victimisation étaient des épines qui rendaient le lieu impraticable, voire dangereux pour ceux qui s’approchaient de trop près. Les mauvaises herbes de la susceptibilité étaient tellement tenaces qu’il a fallu des années pour les déraciner. Je me suis équipée de toutes sortes d’outils, j’ai fait venir des tractopelles (aka mes thérapeutes) pour m’aider à déblayer le terrain, que des décennies de perfectionnisme avaient rendu particulièrement rocailleux.
Une souche après l’autre, une pierre après l’autre, j’ai petit à petit ramené à l’air libre une terre obstruée par la peur de ne pas être comprise, la peur de ne pas être aimée. Et à force de sueur, je dois dire que oui, j’ai aujourd’hui un terrain qui respire, sacrément désencombré de ses anciennes broussailles revêches.
Est-ce qu’il reste des mauvaises herbes, des feuilles mortes et des cailloux ?
Oui. Est-ce que j’en aurai fini un jour avec le jardinage ? Non. Parce qu’un espace vert demande des soins quotidiens. Par contre, une fois le terrain débroussaillé, il faut le dire : c’est quand même plus agréable d’y travailler. Suer pour déterrer une énorme racine récalcitrante, ce n’est pas le même plaisir que suer pour planter un arbre fruitier.
Lorsque ton terrain est défriché, il y a toujours encore du désherbage à faire, mais ça n’a plus rien à voir, parce que ton énergie est absorbée par la partie fascinante du travail :
Semer, arroser, laisser les fleurs éclore, récolter les fruits, et voir ton jardin prendre vie.
J’ai entendu un jour qu’une fusée utilise 50% de son carburant avant même le décollage (tu sais, ce moment où la terre tremble et où l’engin disparaît sous une épaisse couche de fumée). La fusée n’a même pas encore quitté le sol, et déjà la moitié de ses réserves se sont envolées. Parce que le plus dur, c’est le démarrage : une fois que tu as bien galéré pour te débarrasser de ce qui te tire vers le bas, tu te défais beaucoup plus facilement de la gravité et tu quittes joyeusement la stratosphère.
Non, ta vie ne devient pas parfaite, pas plus que toi, tu ne deviens parfaite. Mais tu es concentrée sur d’autres défis qui ne sont pas forcément plus simples, mais certainement plus fun : en matière de rénovation, l’étape du papier peint est quand même moins démoralisante que l’étape initiale des allers-retours incessants à la déchèterie pour faire place nette avant même le démarrage du chantier.
La petite chenille que j’étais a fini par sortir de son cocon.
Elle a réalisé, ébahie, qu’il y a une vie après la métamorphose. Que mis bout à bout, tous les petits ajustements quotidiens ne sont pas aussi dérisoires qu’ils n’y paraissent, car une fois passé le point de bascule, ils permettent de vivre en paix sur une base quasi constante — les insomnies étant devenues des exceptions, là où auparavant, c’étaient les nuits paisibles qui étaient rares. Non, les envolées de mon papillon ne sont pas irréprochables : il découvre de nouveaux horizons et tous les dangers qui y sont associés. Je suis donc très loin de la perfection… mais cette fois, je sais qu’elle n’existe pas, et c’est justement ça qui me donne des ailes.
Aujourd’hui, je n’ai objectivement jamais porté d’aussi lourdes responsabilités. Pourtant, mon quotidien ne m’a jamais paru aussi léger, comme si la nouvelle version de moi-même avait changé de dimension, comme si elle était passée du noir et blanc à la couleur. Comme un mécanisme de roues dentées : après avoir trimé pour mettre en mouvement la première petite roue, tu vois les autres roues s’ébranler. Tout doucement, elles prennent leur propre élan, et tu n’en reviens pas de constater que tu as été capable d’actionner de si grands rouages.
C’est la partie fun du travail sur soi.
Une nouvelle saison où ta détermination, tu la consacres non plus à ta survie, mais à ta créativité, ton leadership, tes rêves.
La santé, ce n’est pas seulement l’absence de maladie : c’est quand tu débordes d’énergie. De la même manière, la fabulosité, ce n’est pas seulement l’absence de burn-out : c’est quand tu brilles, et quand tu inspires les autres à oser.
Alors oui, j’ai sorti la tête de l’eau. Et non, je ne me suis pas arrêtée là.
J’ai semé pas mal de choses dans mon nouveau jardin. Pour autant, est-ce que je suis devenue la femme parfaite que je décriais à l’époque ? J’ai la sensation que c’est tout le contraire. Parce que cette femme parfaite qui me rendait dingue à l’époque, c’était justement le masque que j’avais trop porté, c’était la façade que je m’étais créée pour camoufler qui j’étais vraiment.
Oui, je suis sortie de mon cocon. Est-ce que cela me disqualifie en matière d’authenticité ? Est-ce que les femmes qui semblent réussir sont des menteuses ? Est-ce qu’on peut être trop fabuleuse pour être fabuleuse ? Stop ! Ici, depuis des années, on ose la vulnérabilité. Quand ça va mal… et aussi quand ça va bien.
Je dois l’avouer, je tremble en écrivant ces mots.
Parfois, j’ai peur de faire visiter mon nouveau jardin, parce que j’ai peur que la voisine se sente menacée par mes plantes vertes, j’ai peur de sa jalousie. Et en même temps, le message que j’incarne, j’y crois plus que jamais : oui, il y a une vie après les ronces. Non seulement on peut sortir de l’épuisement, mais en plus, il existe autre chose après l’épuisement.
Chère Fabuleuse, ton histoire n’est pas terminée.
Ce n’est que le début, et tu n’as encore rien vu. Ne sabote pas ton succès par peur de la réaction des voisins. Chacun est responsable de son jardin. La comparaison est l’une des racines les plus difficiles à extirper, mais tu ne peux t’en débarrasser que sur ta parcelle à toi.
Alors desserre le frein à main, change de cour, va jouer en ligue 1 ! La seule personne qui a le pouvoir de te disqualifier pour excès de fabulosité, c’est toi.
Deviens une briseuse de plafond de verre. Crée des appels d’air. Ne cesse jamais d’apprendre, car qui n’avance pas recule. Regarde toujours du côté de la lumière, et continue de poser un pied devant l’autre. Tu verras, ça donnera envie à plein de gens de faire de même.
Car peut-on briller tout en restant vulnérable ?
Je le crois. Et je dirais même plus : plus tu brilles, plus tu es vulnérable. Cela demande du courage, d’être une “Mère courage”. Je m’en suis souvenue dernièrement, lorsque ma coach m’a envoyé cette citation de Marianne Williamson, que j’avais lue pour la première fois il y a quelques années, au tout début de mon parcours. À l’époque, ces mots ne voulaient pas dire grand-chose pour moi. Aujourd’hui, je les savoure et je te les partage avec joie :
« Notre peur la plus profonde n’est pas que nous ne soyons pas à la hauteur. Notre peur la plus profonde est que nous soyons puissants au-delà de toutes limites. C’est notre lumière et non nos ténèbres qui nous effraie le plus. Nous nous demandons : Qui suis-je pour être brillant, magnifique, talentueux et fabuleux ? En fait, qui es-tu pour ne pas l’être ? Tu es un enfant de Dieu. Te restreindre et voir petit, ne rend pas service au monde. Il n’y a rien de brillant à se diminuer afin que les autres ne puissent pas se sentir menacés autour de toi. Nous sommes tous nés pour briller, comme les enfants le font. Nous sommes nés pour rendre manifeste la gloire de Dieu qui est en nous. Elle n’est pas seulement chez certains d’entre nous, elle est en chacun de nous. Alors que nous laissons notre propre lumière briller, inconsciemment nous donnons aux autres la permission d’en faire de même. Alors que nous nous libérons de notre propre peur, notre présence libère automatiquement les autres. » Marianne Williamson
Chère Fabuleuse, si toi aussi tu veux oser briller et devenir une maman qui rayonne, je t’invite à découvrir le Village. J’ai créé ce programme pour dire adieu à la fatigue maternelle et à la pression de la perfection, et pour dire bonjour à la femme pétillante que tu étais avant d’avoir des enfants.