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Parentalité : et si on changeait de disque ?

Une Fabuleuse Maman 14 avril 2025
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Je suis en fin de grossesse, j’accouche bientôt de mon premier enfant. Voilà des semaines qu’on me serine de « profiter ». Il faut que je profite de mes derniers moments seule ou à deux. Que je profite de dormir, que je profite du soleil, que je profite du silence, et j’en passe. La première chose, c’est qu’il est difficile de profiter puisque je porte une pastèque de 3 kilos entre le pubis et le diaphragme, et que, littéralement, j’étouffe. Le silence n’existe pas puisque je suffoque. Le soleil n’existe pas car je vis en Bretagne. Le repos n’existe pas car il m’est impossible de trouver une position convenable tandis que mon bébé est très actif.

Passons. 

Ce qui m’agace le plus dans cette injonction à profiter

(et c’est la seconde chose), ce n’est pas tant de ne pas y parvenir (c’est vrai, je pleurniche facilement en cas d’échec, mais bon), c’est que je trouve ça triste. Je suis enceinte pour avoir un bébé. Je suis enceinte pour que mon compagnon et moi devenions parents. Je ne suis pas enceinte pour le rester indéfiniment en me disant : « Mais quelle chance de ne jamais accoucher, je peux profiter de la vie ! ». 

Car tout le monde nous parle d’enfer une fois le bébé né et je suis lasse de ces discours.

Je les étudie depuis longtemps pourtant, notamment pour avoir écrit avec la sage-femme Anna Roy sur la question du post-partum. J’ai bien compris que la parentalité était un véritable tsunami, que ma vie allait changer, que mes nuits allaient changer, que le goût du blanc serait différent, peut-être moins libre, peut-être moins fou. Et alors ? Devenir mère, je le fais en conscience, et je le fais en sachant que la parentalité apporte également son lot de bonheurs, non ? Il y a quelques années encore, des amies me parlaient de la « magie » de devenir parents, de tous ces instants magnifiques qui occultaient les galères. Aujourd’hui, plus personne ne parle de la magie. À juste titre, certainement : douze réveils par nuit, ça ne s’appelle plus une nuit. Je l’entends et l’anticipe déjà. Mais n’existe-t-il pas des moments qui serrent le ventre de joie et mériteraient tout autant d’être relatés ?

Pourquoi ne parle-t-on que du versant « épuisement » ?

Certains en font même leur beurre et ça me met mal à l’aise. Je pense aux humoristes qui jouent de ça. Ils râlent quant à la parentalité, racontent les difficultés sans nom, les pleurs, les caprices, le manque de temps pour eux. Ils sont à deux doigts de rendre leur enfant et de s’en débarrasser, et il faut en rire. Certes, les humoristes sont là pour nous faire marrer, mais je dois dire que certains me paraissent insister au point que je perds tout humour – je suis pourtant une marrante.

A force, je ne vois que de la contradiction et j’ai même envie de poser une question con : mais pourquoi as-tu fait des enfants ?

Je deviens premier degré. Les hormones ou un vrai problème de société ? Le terrain est glissant.

Il va falloir des discours positifs et je ne dis pas ça pour booster la natalité en déclin dans l’hexagone (j’ai d’autres chats à fouetter). Seulement, si on rappelait que la parentalité était (aussi) une chouette aventure durant laquelle il est possible de trouver de la place en crèche (on attend), on injecterait peut-être un peu plus d’enthousiasme à l’idée de « faire famille ». On se donnerait beaucoup plus le choix d’y aller ou pas. La famille serait une voie du bonheur parmi d’autres, pas un chemin de méfiance et d’appréhensions multiples.

Je suis donc lasse d’entendre à longueur de temps que ça va être dur et horrible.

Peut-être que je suis lasse car complètement lâche et inconsciente. Mais peut-être aussi que je suis lasse parce que les gens me fatiguent quand ils cherchent à me « prévenir ». Me prévenir de quoi ? Je ne nie pas la charge mentale, je ne nie pas l’épuisement, je ne nie pas le Baby Clash, je ne nie pas la possible dépression du post-partum. Mais j’ose croire que la parentalité n’est pas qu’un enfer.

Sinon, pourquoi tout le monde s’y rend ? 

Les médias font la même chose. On ne se réjouit jamais d’être parents. On ne voit que les complications, les risques et tous les conseils véhiculés ne sont que « survie ».

Peut-être que dans quelques mois, j’entretiendrai ce genre de discours, moi aussi. Et alors je me sentirai bête pour tous ces mots posés aujourd’hui. Je dirai : j’ai voulu me faire croire que ce n’était pas si terrible, mais en fait, ça l’est. Et alors se posera une autre question, et même deux questions : le regret parental est-il beaucoup plus répandu qu’il n’en a l’air ? Sous couvert d’humour, serions-nous tous des individus frustrés de ne plus sortir jusqu’à 3h du matin, cap de faire marche arrière et de vivre sans enfant s’il existait un bouton magique ?

En vrai, je ne crois pas.

Alors peut-être qu’on devrait se battre pour remettre de la joie dans nos discours sur la parentalité ?

Réhabiliter la fameuse magie ? Dire la vérité, toute la vérité, et admettre que dans celle-ci, il y a aussi de la beauté, des découvertes étonnantes, de l’extase aussi ? De l’extase en constatant qu’on a fabriqué un enfant et que c’est incroyable. Promis, si je reste d’accord avec moi-même, j’essaierai.

Est-ce que vous aussi, si vous attendez un enfant, vous vous faites les mêmes réflexions ? Et si vous en avez déjà, réussissez-vous à percevoir, malgré les difficultés, ce que la parentalité vous apporte ? Car je suis certaine que nos enfants ont beaucoup de joie à nous transmettre et beaucoup de bonheur à nous offrir. A leur façon.

Ce texte nous a été transmis par la fabuleuse Caroline Michel, autrice et journaliste. Son troisième roman, « Des gens bien », est paru chez Flammarion en mars 2025. Il traite de la réadaptions aux Etats-Unis et de la quête de la famille idéale. Elle accompagne également la sage-femme Anna Roy dans l’écriture de ses ouvrages (« La vie rêvée du post-partum », « Le post-partum dure trois ans », « Baby Clash », aux éditions Larousse). Sur son compte Instagram, elle partage notamment les aventures de sa grossesse.



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