Au bout de presque 3 semaines de confinement, certains parents se posent encore la question :
« Qu’est-ce que mon enfant comprend de la situation ? À quel âge en parler ? Comment lui expliquer ? Quoi dire pour ne pas l’inquiéter ? »
Je suis pédiatre, je suis retraitée, je pense à vous les fabuleuses jeunes mamans qui tentez du mieux que vous pouvez d’accompagner vos enfants dans cette période.
Bien sûr il faut adapter vos explications à l’âge, la personnalité, les connaissances de votre enfant, mais aussi à votre stress et à votre mode de vie : entre autres l’habitude d’avoir la télé allumée en permanence ou non.
D’abord, voici quelques conseils généraux, qui j’espère pourront vous guider :
- Ne regardez pas les actualités télévisées quand vos enfants sont dans les parages, même les bébés. La vision répétée d’ambulances, de soignants en tenue de combat, d’adultes qui pleurent et évoquent la mort de leurs proches, peut les impacter plus fortement qu’on ne pense. Protégez-les de ce trop-plein d’émotions. Les technologies modernes permettent de vous informer plus discrètement !
- Parlez-en à tous, même les plus petits bébés, car ils ressentent votre stress, votre inquiétude, ils sont des « éponges » à émotions.
- Parlez-en avec des mots simples, n’essayez pas de tout expliquer. Répondez à toutes leurs questions, même sans entrer dans les détails, ne leur mentez pas, et osez dire si vous ne savez pas.
- Surveillez leur état de stress ou de cafard, ne les laissez pas s’isoler.
Maintenant, en fonction de l’âge de vos enfants :
Pour les bébés de moins de 18-20 mois
Ils n’ont que très peu de notion du temps, et vivent dans le moment présent. C’est l’idéal pour eux d’être en permanence avec vous ! Vous pouvez dire seulement : « Je suis inquiète mais ce n’est pas ta faute ; on reste ensemble, tu es protégé ». Parlez-leur des personnes qu’ils voient d’habitude, regardez leurs photos, comme vous le feriez en vacances, et dites « on les reverra bientôt ! »
Autour de 2 ans, c’est l’âge le plus compliqué
Ils sentent votre stress, ils comprennent qu’il se passe quelque chose, les rues vides, le jardin fermé, les règles d’éloignement physique avec les voisins qu’on embrasse d’habitude. Ils peuvent avoir de vrais coups de blues et être par moment débordés de colère et de frustration, d’autant qu’ils ne peuvent pas poser de questions ! Sans compter qu’ils ont tellement besoin de bouger, de courir !
À cet âge, ils savent parfois se protéger et refusent souvent de parler au téléphone, ou en visio-conférence. Ne les obligez pas à venir dire bonjour aux grands-parents, c’est frustrant le virtuel, et ça peut être trop d’émotion !
Choisissez une phrase-type, simple, toujours à peu près la même. Par exemple :
« On ne peut pas sortir, on ne pas s’approcher des autres parce qu’on pourrait tous être malades ».
Dites que ça va être très long pour que la maladie parte, mais que ça finira, qu’on retrouvera les amis, la famille, la crèche, les jardins, …et qu’on fera la fête !
Les dates et délais ne veulent rien dire à cet âge. Pas la peine d’en parler ! Mais quand on pourra envisager le retour à la normale, faites un calendrier visuel sur les 8-10 derniers jours de confinement, pour qu’il puisse comprendre que le nombre de « dodos » qui restent diminue !
Pour les 3 à 6 ans
Tout dépend de leur niveau de langage et de leurs connaissances générales. Si votre enfant n’est ni curieux ni inquiet, n’en faites pas trop ! Pas la peine d’entrer trop dans les détails.
S’il ne vous pose pas de questions précises, n’insistez pas sur les signes de la maladie, car la fièvre et la toux, ils en ont souvent, ça peut donc les inquiéter. Mais répondez à toutes ses questions, ne lui dites pas : « Tu es trop petit ». Demandez- lui plutôt : « Qu’est-ce que tu en penses, toi ? », ça vous guidera.
Si votre enfant est un petit savant fan de C’est pas sorcier, vous pouvez le faire parler au cours d’un jeu avec des personnages, ou à propos d’un dessin pour essayer de savoir ce qu’il a compris ou ce qui l’inquiète. Autre piste : faire avec lui un «cahier du confinement», comme un album-souvenir ! Le fabriquer sera l’occasion de discussions.
Invitez-le à faire des dessins pour les proches, à leur donner dès qu’on pourra, ou à photographier et envoyer par téléphone ou mail.
Autour de 4 ans,
les enfants ont beaucoup d’interrogations sur la mort. Or, ils risquent d’entendre les adultes en parler. C’est l’occasion à la fois de leur expliquer que la vie a une fin, mais qu’on espère vivre longtemps et mourir vieux, et aussi de lui transmettre vos éventuelles convictions religieuses.
N’éludez pas le sujet s’il vous parle de « votre » mort !
Vous pouvez lui dire : « Un jour bien sûr, comme tout le monde, je mourrai, mais j’espère que ce sera dans très longtemps ». Il n’a pas le même ressenti que vous, le côté définitif de la mort est abstrait pour lui.
Pour les plus grands
…de 6 à 10 ans, c’est moins mon domaine d’expertise, mais mon conseil est d’écouter ce que votre enfant dit quand il joue seul ou entre frères et sœurs, de le faire dessiner et de discuter autour des dessins, de poser des questions sans insister, sur ce qu’il a compris.
Certains ne sont pas anxieux, tant mieux ! Expliquez-leur que c’est une nouvelle maladie, que les efforts de tous ont pour but d’éviter que trop de personnes soient gravement malades.
Soyez attentifs à des signes d’anxiété comme la difficulté à s’endormir, le désintérêt pour ses jeux préférés, le manque d’appétit ou au contraire les fringales. Évitez de le gronder si c’est le cas.
Rassurez-le sur la fin de ce moment difficile, montrez-lui comme vous avez confiance en lui pour supporter cette épreuve, comme vous êtes fière de son courage et de sa patience.
Enfin, si par malheur vous vivez des deuils parmi vos proches, sans pouvoir leur dire adieu ni les inhumer en famille, proposez à votre enfant d’écrire un mot, une lettre, de faire un dessin. Vous pouvez aussi faire un petit « autel » avec la photo de la personne décédée, et y déposer vos messages d’adieu. Allumez des bougies et faites une cérémonie chez vous en hommage à cette personne.
Bon courage et patience à tous et à toutes…
…surtout, restez chez vous !
Ce texte nous a été transmis par Martine de Vigan, médecin de PMI retraitée, auteur du blog La Naissance des mamans.