Oser l’échec - Fabuleuses Au Foyer
Dans ma tête

Oser l’échec

Marie Lucas Leborgne 26 mars 2025
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J’aimerais tant pouvoir accomplir quelque chose de grand ou d’audacieux, en claquant simplement des doigts. Ou au moins en sachant que je vais réussir. Le manque de confiance, en moi ou dans mon projet, me paralyse souvent. Comment me lancer dans ce grand projet, alors que je pourrais ne pas réussir ? Personnellement, j’aimerais avoir toutes les clefs en main avant de me lancer, pour être sûre de ne pas échouer. Le risque, c’est donc tout simplement de ne jamais se lancer, par peur de l’échec… 

Pourquoi redoute-t-on tant d’échouer ?

L’échec, c’est quand je ne parviens pas au but que je m’étais fixé. Je me suis décidée à faire quelque chose, mais je ne suis pas parvenue au but prédéfini. Le projet me donne de l’enthousiasme; l’échec y met un coup d’arrêt. Il est un cul-de-sac, dont je peux avoir du mal à sortir.

L’échec me crie que je n’aurais pas dû me lancer dans pareil projet, ou que je m’y suis mal prise. Il pointe du doigt mon incompétence, et rend publique ma défaite. 

L’échec indique une faille, d’autant plus profonde que j’y ai investi du temps, de l’amour propre, de l’énergie… Il laisse en bouche un sentiment de honte, car ce n’est pas seulement mon objectif que j’ai manqué. J’y ai investi du temps, de l’amour propre, parfois de l’argent…  L’échec est toujours cuisant, il m’atteint au plus profond, car derrière le projet inabouti, c’est moi que je remets en cause. Mais si j’attends d’être certaine de ma réussite pour entreprendre quelque chose… alors je ne ferai jamais rien de grand.

Par peur de l’échec, on n’ose souvent pas entreprendre ce qui nous tient à cœur. Mais le problème, c’est qu’avant d’avoir tout essayé, je ne peux pas savoir si cela sera couronné des lauriers de la réussite. Seul le temps me dira si mon projet était une idée géniale ou totalement foireuse. Ce n’est qu’à la fin qu’on sait si on a eu raison d’entreprendre telle chose. Aucune boule de cristal, aucun ami ni aucun psy ne pourra te prédire ton succès… pour le savoir, il faut oser perdre. 

Oui, mais si j’échoue ? 

Je peux regarder avec envie celles à qui la chance sourit – ce qui me fournit encore une occasion de me dévaloriser, et de trouver que, vraiment, je ne suis capable de rien. Mais c’est oublier que, pour arriver là où elles sont, elles ont aussi eu leurs creux, leurs échecs, leurs déserts à traverser. Il n’y a pas d’un côté ceux qui échouent et de l’autre ceux qui réussissent ; chaque nouvelle victoire suppose une traversée d’échecs.

La réussite n’est pas l’absence d’échec, mais le fait d’avoir su les dépasser. 

Nous aimerions parvenir à la réussite sans encombre… mais cela n’existe pas. C’est toute l’histoire de la fuite du pays d’Égypte par le peuple d’Israël. Une fois passée la frénésie du départ, où ils traversent la mer Rouge en échappant au plus grand des dangers, il n’y a pas la Terre Promise, mais un immense désert. Et pendant 40 ans, ils y errent. 40 ans, c’est long. On a le temps de se dire qu’on s’était trompé, qu’on n’aurait jamais dû se lancer dans un tel projet, qu’on s’est bougé pour rien… ce que nous dit cette histoire, c’est que

le désert n’est pas forcément l’échec : il est peut-être le chemin pour parvenir à notre terre promise.

En mars est sorti mon premier livre : Un corps pour deux, sur le corps de femme, le corps de mère. Fruit d’un long processus, de sept années à tituber dans le noir, sans trop savoir où j’allais… et de beaucoup d’échecs. Je peux être fière du chemin parcouru, mais ce n’est qu’a posteriori qu’il prend sens. Je m’étais d’abord lancée dans une thèse, et j’ai eu plein de déconvenues – un directeur qui ne m’a jamais répondu, et m’a fait renoncer à me réinscrire en thèse. Le covid, qui m’a enfermée 1 an et demi dans mon appartement avec mes enfants, et a grignoté toutes mes heures de travail.


J’ai eu le temps de me dire que j’avais échoué, que je n’accumulais que des échecs, qui par définition ne semblent mener à rien du tout.

En m’inscrivant au Village, un des modules proposait d’oser faire un premier pas, pour se lancer dans un projet qui nous tenait à cour. Car ce qui est aussi difficile, dans l’action, c’est d’oser commencer, et se dire que le moment est venu d’agir- au lieu de repousser toujours à plus tard ce qui nous tient à cœur. J’y ai vu une occasion de redonner une chance à mes cinq ans de recherche sur le corps des femmes. Pendant ce mois, j’ai « osé briller », osé me lancer à nouveau dans ce projet qui m’avait déjà tant coûté… au risque d’échouer à nouveau, et de perdre encore plus gros. Mais pour encore seulement un mois, j’ai voulu donner une dernière chance à mon projet. Alors j’ai retroussé mes manches, j’ai pris mon clavier, et j’ai écrit un premier chapitre. Je l’ai envoyé à des éditeurs, comme on lance une bouteille à la mer.

Et… incroyable mais vrai :

quatre mois plus tard, je signais un contrat avec une belle maison d’édition, et un an après, il est sorti en librairie (mars 2025 !). Si l’on ne s’autorise pas à oser l’échec, on n’entreprend rien de ce qui nous tient à cœur, et amère, on réalise trop tard qu’on aurait dû se lancer.

Et toi chère fabuleuse, quel est le projet qui te travaille, mais dans lequel tu n’oses pas encore te lancer ? Qu’est-ce qui te retient de commencer ? Et si tu osais aujourd’hui poser un premier pas ? Peut-être qu’il échouera… ou qu’il sera un chemin vers un immense accomplissement. Seul l’avenir le dira !



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Cet article a été écrit par :
Marie Lucas Leborgne

Agrégée de philosophie et mère de trois enfants,  Marie Leborgne Lucas enseigne la philosophie au lycée. Elle est également l'autrice de Un corps pour deux, petite philosophie de la grossesse, aux éditions Desclée de Brouwer, paru en mars 2025. Ce livre propose, pour la première fois, un regard philosophique accessible à tous sur nos corps de mère.

www.facebook.com/marieleborgnelucas  

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