On va la gravir, cette putain de montagne - Fabuleuses Au Foyer
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On va la gravir, cette putain de montagne

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« Rebecca, les Fabuleuses aimeraient probablement qu’on leur écrive quelque chose sur la situation actuelle avec le Coronavirus. Aurais-tu quelques mots pour nous, sur la peur ou comment survivre à la fermeture des écoles ? »

Ecrire sur le Covid-19 ? Alors qu’on est tout le temps bombardés d’infos qui partent dans tous les sens ? En rajouter encore une couche ? Entre nous, je préfèrerais poster une photo de mon chat qui dort dans MON lit et qui savoure les rayons de soleil qui lui caressent le ventre (en fait, non, je préfèrerais m’allonger à côté de lui et oublier un instant tout ce qui se passe dans le monde).

Mais j’aimerais relever ce challenge, pour vous, les Fabuleuses. Et tout d’abord, j’aimerais mettre les choses au clair : nous sommes le 12 mars 2020 à midi, et je n’ai aucune idée si les propos que je tiens ici seront toujours d’actualité dans deux semaines. Je ne suis ni chimiste, ni chancelière, ni médecin, ni grand-mère, ni une experte en théorie du complot, ni infirmière urgentiste, ni voyante… et encore moins experte en question de pandémie ou de système boursier.

Je suis psychologue, je suis maman, je suis phobique des hôpitaux et si je vous écris, mes chères Fabuleuses, ce n’est ni pour vous inquiéter, ni pour vous rassurer, ni pour vous expliquer ce que vous devez faire ou pas. Vous retrouverez dans cet article quelques pensées, quelques miettes d’informations utiles (je l’espère), quelques perles de sagesse que l’on m’a données sur mon chemin et que j’aimerais vous transmettre humblement. Un petit soutien dans ces moments extrêmement stressants que nous vivons actuellement.

Commençons par la peur.

Il y a quelques années, une dame qui a vaincu le cancer m’a dit :

« Durant mon traitement, j’ai appris à utiliser la peur en ma faveur. Lorsque la peur se pose devant moi, lorsque je ne vois plus qu’elle, elle me bloque et m’empêche de bouger. Mais si j’arrive à mettre la peur dans mon dos, si je la mets derrière moi, je peux utiliser sa force pour aller de l’avant et redevenir active face à la maladie : faire les contrôles quand il faut, prendre les précautions qu’il faut… »

Chère Fabuleuse, voici ma première pensée pour toi : la peur est une force motrice, elle nous donne l’impulsion de nous mettre en action. Utilise cette force pour agir. Quand tu sens que la peur monte, n’essaye pas de la nier, ne ferme pas les yeux, mais essaie d’en faire une force qui t’aide à agir.

Oui mais… comment agir ? En achetant du papier WC et des nouilles ?  En se désinfectant les mains constamment ? En vivant comme si de rien n’était ? En lisant les infos à longueur de journée ? Non, non, non, et puis, je ne sais pas au fond, je n’en sais pas plus que toi… mais certains experts nous donnent des pistes à suivre. Se laver les mains régulièrement et de manière convenable, se saluer avec distance, tousser et éternuer dans son coude, se protéger et protéger les autres dans notre vie quotidienne…

… et penser aux autres. 

Car chère Fabuleuse, face à la crise que nous traversons, il est essentiel de penser solidaire… c’est un effort commun qui est nécessaire. Si toi et moi ne sommes pas dans la population directement à risque, nous sommes tous et toutes entourées de personnes plus faibles et pour qui la maladie pourrait malheureusement avoir bien d’autres conséquences qu’une inconvenance dans son planning quotidien.

Le mouvement de panique nous rend égoïste et nous fait oublier le besoin de l’autre. Car face à la menace, on pourrait se poser avant tout la question : « De quoi ai-je besoin ? » On s’agrippe alors le plus fort possible à ce qui nous semble être « ma solution, ma porte de sortie ». Mais face à cette nouvelle maladie, dont on ne connaît pas encore les tenants et les aboutissants, pour laquelle on n’a pas de traitement, il faut prendre du recul et se demander : « De quoi avons-nous besoin ? NOUS ? Pour tenir le coup ensemble ? »

Ce dont nous avons tant besoin, c’est de personnes prêtes à se serrer les coudes. Nos aînés ont besoin de nous. Nous avons besoin de partager les ressources (le papier WC aussi), nous avons besoin d’une pensée commune.

C’est le moment de faire front ensemble et d’espérer que ça permettra de gagner du temps, de ralentir la maladie pour pouvoir soigner le plus de gens possible et de manière adéquate.

Nous avons besoin de nous adapter à cette crise.

Si mon métier m’a appris quelque chose sur les personnes qui rencontrent de grandes difficultés, des situations auxquelles ils ne pouvaient même imaginer survivre, c’est que l’être humain a en lui une force d’adaptation qui surpasse notre imagination. J’ai vu tant de gens continuer à se lever, à vivre, chaque matin, envers et contre tout.

Quand je lis les nouvelles, quand j’entends le discours des politiques, j’ai l’impression que c’est « de trop », tout ça, pour trop longtemps : trop de panique, trop de restrictions, trop de risques… Et pourtant ma « partie psy » me dit :

« on peut y arriver, on va s’adapter, on va faire des efforts, la panique va s’apaiser, on va gravir cette putain de montagne ensemble et à un moment, on va se retrouver de l’autre côté et souffler de nouveau ».

Prendre soin de sa santé mentale

Dans ces grands écarts entre désespoir et force, entre panique et confiance, il ne faut pas s’oublier soi, ni sa santé mentale. Pour faire une ascension en montagne, il faut des forces, et des forces, on en aura besoin – et pas seulement des forces physiques. Il va falloir trouver les ressources intérieures pour continuer d’avancer calmement.

Je t’encourage à essayer de changer un peu tes priorités (là de toute manière, tu n’as plus le choix, les contraintes de la réalité nous rattrapent de jour en jour).

Tu me diras :« T’es comique, tu n’as aucune idée des défis que j’ai à relever de ce que c’est d’être à ma place. » Je sais, pardon, je sais que mes petits conseils seront peut-être interprétés comme un affront. Mais n’oublie pas d’essayer de chercher de nouvelles solutions, de changer la formule gagnante, de relativiser certaines choses, donne-toi la possibilité d’être en mode « économie d’énergie » dans les domaines qui ne sont pas vitaux. Choisis tes batailles. On sera à tes côtés, on est toutes dans le même bateau.

Choisis tes batailles pour pouvoir tenir le coup, à long terme et aussi parce que tes enfants ont besoin de toi !

Je pense que beaucoup d’entre nous sommes déjà lessivées. On est fatiguées, stressées, inquiètes, énervées, saturées, impuissantes,… C’est comme une immense pierre qui roule en bas de la montagne, elle prend de la vitesse et nous, on regarde, on se demande si on va aussi y passer, si on peut la retenir, l’arrêter. On cherche chez les autres des signes qui pourraient nous rassurer. On cherche à expliquer ce qui se passe, on cherche un cadre à mettre autour de cette crise. On essaye d’estimer le danger, on regarde les instructions et les nouvelles, on est presque hypnotisée par toutes ces informations. Mais tu sais, on est juste humaine, on n’a pas une capacité illimitée de forces pour porter toutes ces questions et tous ces fardeaux. À un moment, on a besoin de se reposer, de laisser notre corps mais aussi notre esprit respirer.

Alors ma chère Fabuleuse, fais-toi violence s’il le faut mais ne lis pas TOUT ce qui s’écrit, offre-toi des pauses, choisis les canaux d’information qui ne font pas dans le drame, ni dans le tape à l’œil. Limite le temps que tu passes à penser au Coronavirus et à tout ce qui pourrait arriver. Toujours à nouveau, donne-toi la permission d’oublier tout ça, donne-toi les outils pour te relaxer, te changer les idées. Essaye de renouveler tes forces psychiques. Comment ? En faisant des petites pauses régulières, en filtrant les canaux que tu consultes, en évitant de passer trop de temps à lire les théories les plus folles qui circulent sur les réseaux sociaux… Lire tout ça, c’est comme manger des cailloux, c’est indigeste. À bouffer ces crasses, on coule… alors fermons la bouche, ne nous nourrissons pas des faits divers effrayants… OSONS STOPPER notre besoin de tout savoir.

S’occuper de ses enfants quand on se sent au bord du gouffre

Mon article n’est pas encore fini, les nouvelles changent encore, Christoph nous annonce au repas du soir : « Il est possible que les écoles ferment jusqu’aux vacances de Pâques. » Il y a 30 minutes, je pensais : « Je ne veux plus entendre un seul Mamaaaaaaan de toute la soirée ».

  • Comment, mais comment, arriver à encore avoir de l’énergie pour ses enfants quand tant de questions pratiques et tant de craintes profondes nous tiennent au corps ?
  • Comment réussir à répondre calmement à leurs questions ?
  • Comment les occuper ?
  • Comment les protéger d’informations et d’images anxiogènes ?

Au fond, je crois qu’on aimerait tous à nouveau être un instant cet enfant qui ne sait pas forcément ce qui se passe et qui peut s’enfuir dans les bras d’un adulte aimant et rassurant qui le tient tout contre son cœur, bien en sécurité.

Mais je ne suis plus l’enfant, je suis la maman, tu es la maman, tu es le papa… et dans ces temps de crise, de stress, nos enfants ont besoin de nous ADULTES. Ils ont besoin qu’on les voie, qu’on reconnaisse leurs besoins et leurs limites, qu’on filtre les informations, qu’on s’adapte à leur âge, à leurs capacités de compréhension. Ils ont besoin qu’on les protège un peu. Et ils ont tant besoin de parents qui éteignent la télé pendant le repas du soir pour qu’ils puissent manger en paix et non dans la peur.

Je sais que tu es sur la corde, et que comme moi, tu te dis :

« J’ai pas les nerfs, ni la patience, ni les forces de m’occuper des mes enfants tout le temps, je n’y arriverai pas, je ne sais même pas comment m’organiser les prochaines semaines. »

Je sais… je comprends… je suis désolée pour toi.

Je te propose de commencer par te rappeler que c’est une situation vraiment exceptionnelle, qu’on va devoir trouver des solutions exceptionnelles. On essaye de retrouver un certain calme, on s’organise avec d’autres mamans quand c’est possible, on tente de trouver des solutions qui protègent les personnes à risques.

On prend un problème à la fois et on filtre constamment… Tout ce qui n’est pas urgent passe au second plan. On fait de la minuterie sa meilleure amie et quand on est au bord d’une grosse crise de nerfs, on essaye de s’isoler 15 minutes, on respire profondément et calmement, on médite et surtout on évite de lire les nouvelles pendant ce temps-là. On gratte nos fonds de tiroirs « émotionnels et énergétiques » pour gérer au mieux avec nos enfants. On s’hydrate, on mange dans le calme, on s’aère, on dort assez, on lit des livres au lieu d’être sur internet avant de dormir (mince, mon mari va encore me taquiner en lisant que je conseille des trucs que je ne fais pas moi-même). On vit un jour, un moment à la fois, on ferme les 1001 onglets ouverts dans nos têtes, on se distrait quand l’angoisse monte de trop, on attend qu’elle atteigne son plateau, on la laisse redescendre et on sourit régulièrement (oui, ça aide vraiment).

Et puis, on plante un pommier.

« Voilà, elle déraille Rebecca… elle veut planter un pommier. » C’est une phrase que j’aime beaucoup et que l’on attribue au grand réformateur Martin Luther. Il aurait dit :

« Même si je savais que le monde devait disparaître demain, je planterais un pommier aujourd’hui encore. »

C’était sa manière de dire : « Je continuerais à vivre comme hier et avant-hier, je planterais un pommier, et je vivrais pleinement ma journée. »

Et c’est ce que je te souhaite : qu’aujourd’hui, que demain, qu’après demain, tu puisses vivre le moment présent. Que tu aies la force de prendre soin de toi, de tes enfants, que tu plantes un pommier, que tu t’émerveilles encore des reflets d’un arc-en-ciel dans une goutte d’eau, que tu admires les poussières qui volent dans le salon quand le soleil brille par la fenêtre, que tu lises un livre que tu aimes, que tu ries d’une blague innocente, que tu plantes un pommier, que tu trouves le calme en toi, toujours de nouveau pour vivre « ici et maintenant ».

C’est ce que je me souhaite : un peu de paix pour le jour qui vient.

Mes derniers mots seront pour les Fabuleuses qui exercent une profession médicale : on pense à vous, on prie pour vous, on vous remercie, on se fait du souci pour vous et on est désolée d’avoir si souvent négligé vos cris d’alerte et vos appels à l’aide.



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Cet article a été écrit par :
Rebecca Dernelle-Fischer

Psychologue d’origine belge, Rebecca Dernelle-Fischer est installée en Allemagne avec son mari et ses trois filles. Après avoir accompagné de nombreuses personnes handicapées, Rebecca est aujourd’hui la maman adoptive de Pia, une petite fille porteuse de trisomie 21.
https://dernelle-fischer.de/

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