Ô jolie rentrée des classes !
Doux parfums de cahiers neufs et de crayons bien taillés,
Hâte de retrouver les camarades oubliés pendant l’été,
Surprise d’en découvrir de nouveaux, qu’il faudra apprivoiser ou éviter.
Surprise aussi de découvrir le nouveau professeur,
M’aimera-t-il, m’en fera-t-il baver, sera-t-il pire ou bien meilleur ?
Mélange de joie et d’appréhension à l’idée de retrouver un rythme imposé :
Goûter, devoirs, bain, dîner, coucher ;
Lever, petit-déjeuner, s’habiller, se dépêcher, soupirer, paniquer ?
Et puis enfin souffler, soulagée, quand la maison ou la voiture retrouve enfin le calme.
Ô jolie rentrée des enfants, jolie rentrée des papas et des mamans !
Rêvée ou redoutée, espérée ou cauchemardée, l’heure a sonné, on ne peut plus reculer.
La rentrée des classes et nous
Que dit-elle de nous, fabuleuses mamans, quand, avec nos bambins, nous ouvrons une nouvelle page et tenons prêts nos stylos sur le troisième carreau ? Que reflète-t-elle de nos vécus, de nos passés, de nos gloires ou de nos désespoirs ? Qu’avons-nous conquis dont ils peuvent profiter ? Qu’auront-ils à découvrir sans leur main dans la nôtre ?
Qu’attendons-nous de celle-ci ? Qu’elle arrive en plein mois d’août, sentant encore les coquillages et les pieds de fin de rando, ou qu’elle tombe en ce fatidique septembre, qui ouvre le bal de l’automne ?
Enfin des raisons de les mettre plus tôt au lit ! Youpi ! Enfin la saison où les rituels retrouvent leur place, enfin la fin des glaces qui tombent, qui collent et qui tâchent…
Quoi de plus apaisant que le son de la pluie sur les feuilles jaunissantes,
Quoi de plus doux que l’odeur sucrée des mûres cuisant lentement en confitures,
Quoi de plus tendre qu’une lampe qui s’éteint sur un visage endormi après une longue journée d’école.
Que t’évoque cette rentrée, chère Fabuleuse ? Un brin de nostalgie et une ribambelle de madeleines de Proust, comme moi ? Une rengaine pas très sereine, un déjà-vu qui ne te satisfait pas, voire t’angoisse, et qui te fait freiner des quatre fers sur le chemin de l’école ? Ou bien le fardeau de journées à nouveau compliquées ?
Quelles lunettes je mets au bout de mon nez ?
Pour tout te dire, j’enjolive un peu ces images que je te livre. Inspirées, certes, par de vrais souvenirs, des sensations de douceurs et de rires attachées à ma mémoire, des moments patinés par le temps qui passe, mais qui ne disent pas tout de mes histoires. Je ne cherche pas à “instagrammer” la rentrée, dans le sens de l’idéaliser, en occultant les mauvais côtés pour rendre la pilule plus facile à avaler.
Simplement, je fais un choix.
En vrai, je pourrais rester focalisée sur tous les travers que je ne peux éviter, même si j’essaie – et j’essaie vraiment. Tu sais, la tâche de confiture de mûre sur le beau T-shirt tout neuf acheté exprès pour la rentrée, tombée 3 minutes avant l’heure de partir parce que je hurlais “on se dépêche !”, les chaussettes dépareillées parce qu’on n’a pas réussi à mettre la main sur une paire digne de ce nom, la trousse et les accessoires Pokemon auxquels j’avais juré de ne jamais céder et que j’entends me narguer maintenant depuis le cartable de mon fiston, les pleurs devant le menu de la cantine parce que ‘“j’aime pas les carottes rapéeeees”, le grand qui est parti sans me faire un bisou (mais où va-t-on, je me le demande !), la mine de travers du même individu parce qu’on n’a pas coché toutes les cases de la liste de fournitures (mais dont je suis sûre que la moitié ne servira pas de toute façon), l’agent municipal qui m’a regardée avec des gros yeux parce que je n’ai pas traversé sur les clous, la prune que je vais me prendre parce qu’ils ont remis le radar sur la nationale, pile à l’endroit où je me suis mise à accélérer pour ne pas être trop en retard au travail…
Qu’est-ce que je fais avec tout ça, toutes ces raisons légitimes de pleurer, crier, me trouver vraiment pas terrible comme mère, ces tremblements et ces mains moites après ce marathon qui m’a fait oublier en 2-2 la séance yoga de mon miracle morning ?
Sourions, mesdames !
Le choix que je fais, comme je le disais plus haut, avant cette énumération apocalyptique mais qu’il fallait que j’exprime un peu, c’est de sourire. Bon d’accord, avant, je pleure un bon coup… Ça peut durer un moment, voire une journée, tout dépend de ma capacité du jour à encaisser et à switcher. Je peux avoir besoin d’appeler une amie, ma sœur, ma mère. Je peux le partager à une collègue qui m’aura demandé gentiment mais naïvement “Comment s’est passée la rentrée de tes enfants ?” sans soupçonner que j’en avais gros sur la patate et que la première personne qui me poserait cette question s’exposait à un déballage plus ou moins contenu.
Et puis, je souris et je remercie. Je transforme la crasse en grâce – aïe, me voilà qui fais des punchlines de compét’ maintenant. Je n’oublie pas tout ce qui n’a pas fonctionné et qu’on aurait pu mieux faire, que d’autres font d’ailleurs certainement mieux que nous – qu’ils soient loués. Mais je n’oublie pas non plus que je tiens un paquet d’anecdotes que je pourrai ressortir au mariage de mes enfants – gniark, gniark – et, en attendant, qui me remplit de rire et d’une joie authentique de vivre des moments si imparfaits et si heureux pourtant. Ou plutôt : heureusement imparfaits et authentiquement heureux.
Je choisis de sourire et je me rappelle que la rentrée, c’est aussi le son de la pluie sur les feuilles jaunissantes, l’odeur sucrée des mûres cuisant lentement en confiture – qui tâche –, une lampe qui s’éteint sur un visage endormi après une longue journée d’école. Je choisis de perpétuer ce qui a fait du bien à la petite fille que j’étais et que je suis encore au fond de moi. Ces images-là, ces parfums, ces sons, ces instants, je ne les échangerais pour rien au monde et je veux les vivre à 1000% avec ceux que je choisis d’aimer plus que tout.