Ces témoignages sont extraits de mails auxquels j’ai répondu quand j’étais Fée de la boîte mail chez les Fabuleuses au foyer. J’ai modifié en partie les tournures de phrases et retiré les prénoms, pour mieux respecter l’anonymat et mettre en valeur l’essentiel.
« Mes parents se sont séparés quand j’avais à peine quatre ans. Je n’ai aucun souvenir d’eux réunis. Mon enfance a été une succession de bouleversements, une sensation constante d’être trimballée de droite à gauche. Un beau-père tyrannique, alcoolique et violent m’a laissé des séquelles profondes, des valises trop lourdes à porter. Enfant, adolescente, j’ai grandi dans l’angoisse, la culpabilité et le stress permanent.
Puis j’ai rencontré l’amour, il y a près de vingt ans.
Mon homme m’a redonné goût à l’affection, à la confiance, à l’estime de moi. Pendant dix ans, nous avons vécu un amour fusionnel, une vie à deux, comblée. Puis est arrivé notre premier enfant. Et là, tout a basculé.
La dépression post-partum s’est abattue sur moi comme une vague déferlante. J’étais paniquée, vidée, submergée par une fatigue écrasante qui m’empêchait de me lever.
Des idées noires m’envahissaient, je pleurais sans fin. Pourquoi mes amies étaient-elles si heureuses avec leur bébé, alors que je me noyais dans la tristesse ? Je me disais que j’étais une mauvaise mère, incapable, inutile. Que je ferais mieux d’en finir.
Trois ans de thérapie et un traitement m’ont aidée à remonter la pente,
à replonger dans mon enfance pour en dénouer les fils emmêlés. Je m’en suis sortie, mais pas indemne. Mon couple en a souffert, notre fusion s’est effilochée, les épreuves nous ont changés. Pourtant, petit à petit, nous avons retrouvé un équilibre. Aujourd’hui, à trois, puis à quatre, la vie est intense, mais elle est à nous. Et c’est l’essentiel. »
« La vie n’est pas un long fleuve tranquille. Nos valises du passé nous rattrapent toujours. La maternité, pour moi, a été un boomerang. Ma psy m’a dit un jour : “Quand vous donnez la vie, vous redevenez vous-même enfant.” Et elle avait raison. »
« À trente-deux ans, je suis encore en train de régler mes traumatismes d’enfance. La maltraitance paternelle, le manque de protection maternelle me retiennent encore parfois dans la peur et l’hésitation. Devenir mère m’a renvoyée brutalement à mes insécurités. »
« La maternité ne change pas seulement le corps. Elle ébranle l’âme. Elle met en lumière les blessures qu’on croyait enterrées et qui, soudain, explosent à la surface, projetées sur nos enfants.
Après avoir survécu à une guerre civile, à un tremblement de terre, et à des années de lutte pour trouver ma place dans ce monde, je portais déjà trop de bagages.
Et pourtant, la vie a trouvé le moyen de me confronter à mes démons, à mes failles,
avec une force que je n’avais pas anticipée. Après deux accouchements éprouvants, je me suis retrouvée démunie, vulnérable, comme une héroïne de roman cherchant son happy end.
Personne ne m’avait préparée à ça. Avec ma sensibilité à fleur de peau et mon talent inné pour la culpabilité, vous imaginez le carnage. Je culpabilise même quand je prépare des pâtes à mes enfants…
Chère Fabuleuse,
ces témoignages nous le rappellent avec force :
Le passé ne disparaît pas quand nous devenons mères. Il nous revient en pleine figure, nous oblige à affronter cette petite fille blessée en nous.
On t’a peut-être fait croire que l’arrivée d’un enfant pouvait combler tes manques, panser tes blessures. C’est faux. C’est le contraire. Devenir mère réveille nos failles, met en lumière nos modèles familiaux, bons ou mauvais. Et si ces blessures n’ont pas été traitées, elles se rouvrent. Inévitablement.
La dépression post-partum, pour ne citer que l’un des maux de mères, ne frappe pas au hasard.
Elle s’ancre sur un terrain fragile, sur des douleurs mal cicatrisées. Les hormones jouent un rôle non négligeable dans le tsunami d’émotions, mais ne font qu’amplifier ce qui gronde tout au fond. Même sans sombrer dans la dépression, combien de mères ressentent cette détresse silencieuse, ce poids de la culpabilité, cette impression d’échec ? Toutes ces émotions trouvent leurs racines bien avant la naissance de nos enfants.
Mais ce n’est pas une fatalité. Le fait d’en parler, de l’écrire, n’est pas un constat d’impuissance. Au contraire, c’est le premier pas vers la guérison.
Reconnaître ses failles, c’est déjà avancer. Et si nous choisissons de les regarder en face, de les traiter, vraiment, en profondeur, avec de l’aide, alors elles peuvent devenir des fondations solides. Non seulement pour nous, mais aussi pour nos enfants.
Je crois en la force des femmes.
Nous avons en nous une capacité à renaître, à surmonter les tempêtes. Parfois, il suffit de creuser, d’oser, de s’affranchir des entraves.
En lisant ces témoignages, on pourrait juste voir des femmes qui se sont noyées dans la tempête de la maternité. Moi, j’y vois autre chose : elles sont en chemin vers le port. Elles ont osé parler, mettre des mots sur leurs blessures. C’est déjà une immense victoire.
Les difficultés font partie de notre vie sur terre.
Un grand sage, nommé Jésus, a dit un jour : « Le soleil luit sur les méchants aussi bien que sur les bons, et la pluie tombe sur ceux qui se conduisent bien et sur ceux qui se conduisent mal. » Même si on a parfois l’impression de subir plus d’intempéries que ceux d’à côté, la réalité est que tout être humain doit traverser son lot de défis.
Une chose est sûre : nous ne reviendrons jamais en arrière, nous ne pourrons pas réécrire l’histoire, mais nous pouvons aussi choisir de ne pas rester prisonniers du passé.
Aujourd’hui, chère Fabuleuse, tu peux choisir de faire un pas pour commencer à te libérer des poids du passé, pour soigner les blessures de cette petite fille qui souffre encore, pour briser les spirales infernales, pour dire non aux croyances enfermantes. Et si tu en parlais à une personne de confiance, un professionnel de l’écoute, ou simplement si tu écrivais un mail en réponse à cet article ? Si tu osais, juste un peu, ouvrir une porte, allumer une lumière ?
Moi, je la vois, cette lumière. Et toi ?
