Chère Fabuleuse,
Micheline est comme tout le monde : elle aime les vacances. Mais parfois, elle les redoute aussi un peu. Parce que ses vacances sont comme les tiennes : tout n’est pas instagrammable… Bien sûr il y a les corps bronzés et les jolies petites tenues d’été, les châteaux de sable sur la plage, les longues balades dans les champs, la cueillette des mûres et les confitures, les retrouvailles avec la famille et les amis, les grandes tablées arrosées de rosé, les marchés animés, les feux d’artifices et les bals populaires…
Mais comme chaque médaille a son revers, les vacances ont aussi leur part d’ombre.
Pour trois petits corps d’enfants joliment bronzés par exemple, il faut des tubes de crème solaire renversés dans les sacs de plage, ou bien on prend l’option “pschitt” qui se retrouve plein de sable et qui ne fonctionne plus. Ou bien on oublie la crème et on se retrouve à enduire de tomates le corps brûlé d’un enfant en larme (si, ça marche, c’est ma grand-mère algérienne qui m’a donné l’astuce, et elle s’y connaît en soleil).
Pour les jolies tenues d’été il faut un grand coffre, beaucoup de valises, des heures de réflexion : « Est-ce que je prends une 10ème robe pour Gudule », ou bien « Est-ce que je privilégie les bottes, sachant qu’on va passer par la Bretagne, et qu’il faudra donc aussi penser aux pulls, imperméables, bonnets, gants et doudoune ? » (Oui, Micheline est une fille du Sud).
Pour les châteaux de sable, il va falloir calmer Jean-Claude, qui envisage chaque année de reproduire la forteresse de Carcassonne et finit immanquablement au bord de la crise de nerfs parce qu’un enfant a marché sur ses tours. (Il est sensible, Jean-Claude.)
Pour les balades dans les champs il faudra prendre une trousse à pharmacie, parce que l’année dernière Charles-Ahmed le petit neveu s’est retrouvé emmêlé dans un roncier et c’est fou ce que ça saigne les éraflures de ronces, sans parler de sa sœur Sidonie-Kimberly qui a été infestée de puces. Pour la cueillette de mûres il faudra prévoir un détachant, sinon c’est un coup à jeter les jolies tenues d’été à la poubelle…
Quant aux retrouvailles avec les amis et la famille, elles imposent souvent des milliers de kilomètres, des heures de bouchons, des chips qui grattent dans les sièges-auto, des prises de bec avec les belles-sœurs, des réflexions bien lourdes des belles-mères, sans compter le copain toujours bourré qui nous pourrit les soirées et nous ruine en cubis….
Alors voilà, Micheline aime les vacances, mais ça l’angoisse aussi, un peu.
Et plus le départ approche, plus sa copine la boule d’angoisse prend de place dans son ventre. Heureusement Micheline a la présence d’esprit de confier ses états d’âme à son amie Roberta (et aussi un peu à la terre entière, et elle s’est rendu compte qu’elle n’était pas seule avec sa grosse boule dans le ventre). Roberta est chef dans un grand restaurant et elle lui a donné sa recette pour des vacances réussies : déléguer à chacun selon ses capacités.
Cette année donc, c’est Jean-Claude qui a fait les valises, ce qui a évité de partir sans culottes ni maillots avec un sac de linge mouillé qui a moisi dans la voiture comme l’année dernière… Micheline a chargé la voiture, pour être sûre que le sac de change de Gudule soit accessible sans devoir vider tout le coffre. Une belle-sœur a fait les menus pour la semaine de famille, parce que belle-maman n’achète que des pâtes et des pommes de terre et c’est un peu bourratif. Pour la semaine de copains, on a chargé celui qui bosse dans l’hôtellerie de trouver un gîte sympa, chacun a apporté ce qu’il comptait boire, et René-Gontran a chargé son coffre de cubis. Ça sentait un peu fort dans la voiture, mais il était content…
Cette année encore il y aura vraisemblablement des coups de soleil, des chamailleries, des griffures, des enfants égarés dans la foule d’un bal populaire, des caprices devant le marchand de chichis, des tiques et des moustiques, des crises de couple parce que « JE T’AVAIS DIT DE ME RÉVEILLER AVANT LA SORTIE 12 », et Micheline va rentrer épuisée avec le dos qui pèle et un enfant qui a la varicelle.
Mais ça fera des souvenirs ! Et on mettra en bonne place dans l’album la photo de Dagobert sur les épaules du pompier qui l’a retrouvé, à côté de celle de Frédégonde qui s’est enduite de Mytosil en croyant que c’était de la crème solaire (true story), et de celle de Gudule recouverte d’éosine par la grand-mère qui voulait bien faire et prendre en main la varicelle de la petite dernière.
Micheline est confiante : si elle est sereine, les vacances se passeront bien et elle pourra rire de tous les petits désagréments à la rentrée…. Oh mon Dieu non… Pas la rentrée !