Quand j’étais enfant, avec mes sœurs — et comme d’innombrables enfants avant nous —, nous offrions une carte à notre papa pour la fête des pères. Ce papa, le plus beau, le plus fort, le plus gentil. Un joli poème que l’on récitait avec application, et un joli dessin de feutres et de crayons. Parfois des gommettes, aussi. Toutes fières, nous apportions notre présent à notre papa, dès le matin, avant même qu’il ait eu le temps de boire son café.
On le sentait heureux, on le sentait content, mais il ne savait pas l’exprimer. Aujourd’hui encore, on devine qu’il est touché, ému, mais notre papa ne le dit pas.
J’ai mis longtemps, plus grande, à comprendre que ce même papa m’aimait même s’il ne le savait pas le dire. Que par ses nombreux allers-retours à droite et à gauche pour nous emmener aux anniversaires, aux cours de danse, chez notre mamie, que par sa façon maladroite de s’exprimer, il était là et le serait toujours quand on en avait et qu’on en aurait besoin.
Que par son silence, il nous aimait de toutes ses forces.
Mes sœurs et moi étions, et sommes toujours, tout pour lui.
Il n’est pas facile de grandir dans l’amour discret d’un père, qui travaille dans le cambouis toute la semaine et dans le mortier tous les week-ends, afin de pourvoir aux besoins du foyer. Notre maman veillait sur nous du matin au soir, à la maison, et papa assurait les vivres. Il n’est pas facile de se construire en tant que femme quand on n’a pas le souvenir d’une seule fois où notre papa nous a dit qu’on était jolie, par timidité, par pudeur probablement, et puis peut-être parce que pour lui c’était évident…!
Je comprends aujourd’hui, papa.
Je comprends que tu nous as toujours aimées comme tu as pu, avec tes casseroles familiales et personnelles. Je comprends qu’il n’était pas aisé de se faire une place au milieu de ta femme et de tes trois filles, de t’imposer comme l’homme de la famille. Et pourtant tu l’as fait, par ta disponibilité, par ta présence hésitante, par tous les petits services que tu pouvais nous rendre à toutes, au quotidien. C’était et c’est toujours ta façon de nous montrer que tu nous aimes.
Aujourd’hui maman à mon tour, je vois comment se passent les choses, je vois le « papa » à travers mon conjoint, et je devine encore qu’il n’est pas facile, ce rôle. Les représentations sociales y sont pour quelque chose, et peignent, comme pour les mamans, des portraits de papas dans lesquels on ne se retrouve pas toujours.
- Parce qu’on a chacun notre personnalité et notre histoire ;
- Parce qu’on fait tous comme on peut ;
- Parce qu’on essaie de glaner des conseils à droite et à gauche, qu’on essaie tour à tour de s’impliquer et de respecter nos limites personnelles ;
- Parce qu’on essaie de reproduire ce que l’on a connu, ce que l’on a vu, ce que l’on pense juste.
La parentalité, ça chamboule tout, c’est fou, et papa, ô combien je comprends ! Alors aujourd’hui, je te le dis, sincèrement, timidement :