Maman,
Aujourd’hui tout va de travers…
Mon réveil a sonné trop tôt,
La pluie battante au réveil m’a mis de mauvaise humeur,
Mon bol de cacao s’est renversé et a inondé la table du petit déjeuner,
Ma journée d’école a duré une éternité,
Mes copains m’ont ignoré dans la cour de récré,
Et la maîtresse a inscrit au tableau une leçon de grammaire insensée que j’ai déjà oubliée…
Maman,
J’ai le cœur gros,
Et je n’ai pas les mots,
Pour partager avec toi ce qui m’arrive à cet instant précis,
Si ce n’est qu’il y a en moi une horde de dragons prêts à surgir à tout instant.
Prends-moi dans tes bras Maman,
Et berce-moi tendrement.
S’il te plaît, plus que jamais, j’ai besoin de toi.
Depuis que j’ai poussé mon premier cri,
Depuis que ton regard a croisé le mien,
Je cherche dans tes yeux à comprendre le monde.
Tu es celle qui me fait découvrir la vie,
Tu es ma traductrice, mon appui, mon miroir,
Ma maîtresse préférée,
Celle qui me montre du doigt et nomme pour moi
Tout ce que je vois, ce que je perçois,
Ce que je ressens, ce qui vient à moi.
J’ai tant besoin de toi pour m’aider à comprendre,
A accueillir et à nommer ces émotions qui me submergent.
Ton visage est ma première fenêtre sur le monde,
A travers lui, je découvre la palette infinie des émotions naissantes.
Au fil des années, j’ai appris à repérer tes pattes d’oies aux coins des yeux lorsque tu ris,
Les fossettes qui creusent tes joues lorsque tu souris,
Tes sourcils qui se froncent lorsque tu es contrariée,
Et tes yeux qui deviennent charbon quand tu te fâches.
S’il te plaît maman, ose taper du pied quand tu es excédée,
Ose hurler quand tu es morte de peur,
Ose danser quand la joie t’enivre,
Ose rire à gorge déployée quand la vie te sourit,
Ose taper du poing sur la table pour dire « Non ! »,
Ose pleurer lorsque la tristesse t’enveloppe de son voile,
Alors je saurai que, moi aussi, j’ai le droit.
Que je n’ai besoin d’aucune armure,
D’aucun bouclier ni d’aucune épée,
Pour m’engager sur le sentier de la vie.
Que mes émotions peuvent fuser,
Que j’ai le droit de les exprimer.
Qu’il est possible de laisser libre cours à ces vagues de sensations
Qui se présentent à la porte de mon cœur sans y être invitées.
Qu’elles ont le droit d’exister et qu’il n’est pas nécessaire de les étouffer ni de les cacher.
Que tu ne m’en voudras pas,
Que tu ne m’abandonneras pas,
Que tu continueras à m’aimer plus que tout.
Je saurai alors que je suis assez,
Que je peux être aimé,
Que j’ai le droit d’être imparfait,
Que j’ai le droit d’être moi,
Et que c’est assez pour toi.
Sois forte maman : pleure,
Ris, chante, crie, hurle, applaudis,
Montre-moi le chemin de l’authenticité,
Montre-moi ce que c’est d’être pleinement soi.
Alors je suivrai tes pas, j’élargirai la route que tu auras tracée avant moi,
J’avancerai pas à pas, confiant et rassuré,
J’aurai appris grâce à toi que la vie est faite d’expériences,
Et que j’ai toutes les ressources en moi pour vivre cette fabuleuse aventure.