Maman en a plein le dos  - Fabuleuses Au Foyer
Maman épuisée

Maman en a plein le dos 

maman qui a mal au dos
Lise Rouffet 25 avril 2023
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Fatiguée, au bout du rouleau, stoppée par la douleur, ne pas pouvoir me relever, au sens littéral, clouée au lit à cause de cette maladie, allongée sur le dos, le regard vers le haut qui me rappelle que je suis en bas. 

Le temps est long, très long. Les jours passent, la souffrance s’éternise. Et moi, j’agonise. 

Je sais que le quotidien est devenu trop lourd à porter, que désormais la peur me paralyse toute entière, que les soucis de la vie me bloquent de l’intérieur

Je n’y arrive plus, la charge pèse trop lourd. Mon corps me signale que faire un pas de plus est simplement impossible. 

Les douleurs deviennent insoutenables et mon monde s’arrête net. 

Mes trois enfants sont petits, ils me voient là, allongée sur ce lit sans pouvoir bouger, ne serait-ce que le petit doigt de pied. Je ne peux plus accomplir aucun geste du quotidien. 

Mes enfants attendent après moi, mais je ne peux aller nulle part, ni même porter mon tout petit.

Je m’enfonce chaque jour dans ce matelas qui m’attire vers le bas, au sens propre comme au figuré. 

Je me sens dépossédée, dans l’incapacité la plus totale et je goûte amèrement à la dépendance. 

La dépendance pour m’extraire du lit (parce qu’à cet instant, même aller faire pipi est un défi), la dépendance aux médicaments pour tenter de soulager les douleurs semblables à des décharges électriques et la dépendance à l’amour… Le besoin insatiable de douceur, l’envie folle de m’évader en pensant au premier endroit où j’irai une fois sortie de là. L’irrésistible, mais impossible, désir de fuir. Le rêve pour assouvir ma soif de liberté. 

Je n’ai alors pas d’autre solution que de revoir mes objectifs à la baisse.

Diminuer les exigences que j’ai envers moi. Il en naît inévitablement une certaine amertume, dans la mesure où je n’ai rien choisi de ce qui m’arrive. La douleur est harcelante, difficile d’endurer avec le sourire. Mais, subrepticement, un changement de perspective opère et je découvre ma situation sous un angle nouveau, qui se dévoile à moi degré par degré.

Puisque je ne peux rien faire pour mes enfants, je suis contrainte d’être.

Être présente à l’essentiel. Être présente à moi-même pour survivre. Être présente à ma famille pour avancer. Et « faire » autrement.

Je commence par ma routine matinale, même si je m’épuise vite. Je décide de vivre mon aujourd’hui, quoiqu’il me paraisse être un long chemin sans fin. Pourtant, sans pouvoir bouger physiquement, je sens que j’avance… J’avance dans la bienveillance envers moi-même.

À défaut de sentir ma jambe gauche, je sens la différence dans mes pensées.

Je vois bien que je suis encore plus mal quand je m’enlise dans mes « pourquoi », dans mon manque de confiance en moi, dans la comparaison, quand je m’épuise à vouloir forcer, quand je veux me prouver que je vais quand même essayer de « faire » pour exister. En vain. 

La seule option qui s’offre à moi c’est de lâcher du lest pour tenir bon. 

Je passe l’examen le plus difficile de mon existence. 

Pourtant, j’en ai passé des examens médicaux, j’en ai surmonté des épreuves difficiles, j’en ai passé des tests, j’en ai fait des exercices, j’en ai eu des preuves à donner, au cours de ma vie. 

Mais tout cela ne suffit pas, face à ce quotidien qui a basculé depuis maintenant 9 mois. 

Je puise alors tout au fond de moi une force et un courage qui se cachent si profondément que je dois creuser inlassablement dans l’espoir de trouver une pépite, même minuscule, une petite miette d’un précieux remède qui me permettrait d’éviter de sombrer. 

Dans ce tunnel qui me paraît durer une éternité, enfin, je les aperçois, ces petites loupiotes de secours. 

Une amie assise sur mon lit qui pose sa main sur mon épaule. 

Une mamie qui arrive à la rescousse pour un brin de ménage. 

Un enfant qui se pose ici pour me tenir compagnie. 

Un proche qui me téléphone pour me lire un passage de mon livre préféré. 

Une voisine qui me dépose un bon petit repas. 

Et puis, un jour, la sensation d’arriver. 

Ce n’était pas la direction que j’avais choisie, c’est même très loin de l’itinéraire prévu au départ et vers lequel je m’efforçais de courir chaque jour en pensant que « demain ça ira mieux » ! Et pourtant, mon GPS intérieur m’indique que je suis arrivée en me faisant parvenir ce message : « votre destination se trouve ici ». Il m’est impossible de faire demi-tour.

Je comprends, alors ! 

Cette déviation m’a conduite au meilleur des endroits, face à ce que je suis au fond de moi.

Face à la réalité de la vie qui balaye tout sur son passage. Face à ce choix qui se présente à moi : celui d’y croire ou d’abandonner. 

Et surtout, face à la Fabuleuse que je suis. Me voilà en tête à tête avec moi-même. J’embrasse alors cette impossibilité d’agir comme la plus belle opportunité qui me soit arrivée. Celle de croire que je peux composer avec mon désespoir en apprenant à décomposer « désespoir » en « des espoirs » !

Espoir d’être en vie. Espoir de profiter de mes enfants.

Espoir de vivre une nouvelle façon de vivre mon quotidien. Espoir de trouver des idées pour réinventer mon rapport au corps et réenchanter ma sexualité. Espoir de retrouver enfin le sens de la remontée. Espoir de chaque petite et grande victoire. 

Au cours de la traversée, j’ai appris l’importance des petits pas, j’ai appris à savourer la joie éphémère d’une accalmie. J’ai appris à saisir la beauté de l’instant présent. J’ai appris à me faire confiance dans l’adversité. J’ai appris à être fière de chaque progrès. J’ai appris à rester à l’écoute de mes besoins. J’ai appris à passer mes sentiments au tamis, comme un véritable chercheur d’or ! 

L’arrêt maladie de longue durée, les opérations qui se succèdent, les temps de convalescence à durée indéterminée, la rééducation, les séquelles, les douleurs qui resteront, les incapacités permanentes ne me paralyseront plus…

…parce que le plus grand mouvement n’est pas toujours celui que l’on croit.



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Cet article a été écrit par :
Lise Rouffet

Diplômée en sciences sociales, formatrice et bénévole en association, Lise Rouffet s'engage au cours de son parcours dans la relation d'aide et s'implique en particulier depuis quelques années maintenant dans l'accompagnement des personnes en difficultés. Après avoir suivi la formation de premiers secours émotionnels proposée par Hélène Bonhomme et animée par Yolande et Philippe Schwab, elle a rejoint l'équipe des Fabuleuses au Foyer en tant que coach pour répondre aux mails de nos lectrices. Également maman de quatre enfants et en couple avec son Fabuleux depuis 20 ans, elle tente d'allier famille & bien-être au quotidien !

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