« La vie, ce n’est pas d’attendre que l’orage passe, c’est d’apprendre à danser sous la pluie. »
Sénèque
Chère Fabuleuse,
Tu as sans doute lu cette citation un million de fois sur les réseaux sociaux ou ailleurs. Et tu te dis peut-être :
« C’est bien beau cette histoire de danser sous la pluie, mais c’est pas ça qui va mettre le linge dans la machine et faire la popote ! »
Je te l’avoue, j’ai toujours rêvé secrètement de rejouer cette scène mythique et tellement romantique avec Gene Kelly dans le film Singin’ in the rain… Celle où le cœur rendu léger par l’amour, il se met à jouer avec les flaques d’eau dans la rue, jusqu’à ce qu’un policier s’approche et lui fasse les gros yeux. Certes, je n’aurais pas été retenue au casting, que ce soit pour le chant ou la danse, mais mon imaginaire ne le sait pas, alors je le laisse parfois vagabonder. C’est mon côté fleur bleue.
Et puis, à bien y réfléchir, j’y trouve quelques similitudes avec la vie de maman.
Les gouttes de pluie étant tous les aléas qui peuvent te “tomber” dessus chaque jour, est-ce que tu es du genre à t’habiller de pied en cap, bottes, ciré et parapluie, pour qu’aucune once d’humidité ne t’atteigne (réponse A) ? Ou plutôt es-tu du genre à courir le plus vite possible en espérant ne pas être trop mouillée (réponse B) ? Ou encore te délectes-tu de l’eau qui dégouline le long de tes cheveux et jusque dans tes chaussettes (réponse C) ?
Cela me rappelle ce que j’ai vécu quand j’étais en mission à Conakry, en Guinée. Sachant que j’allais être confrontée à la saison des pluies entre avril et octobre, j’avais prévu dans mes valises un blouson de compét’ et des bonnes chaussures imperméables. Quand j’y repense, ça me fait rire parce que cela montrait bien que je n’avais aucune idée de ce qu’était une saison des pluies en Afrique de l’ouest… Mon équipement aurait suffi pour un séjour en Bretagne ou dans le Sud-Ouest, à la rigueur, mais pas en Guinée !
Quand la pluie tombait, elle était tellement forte, intense, longue, abondante que les gouttières et les routes étaient vite saturées. Sur le bitume, refait presque à neuf à la dernière saison sèche, des nids de poule – que dis-je, des nids d’autruche – apparaissaient de toutes parts et ne laissaient aucun espoir à ma volonté d’aller d’un point A à un point B sans que l’eau ne traverse mes vêtements ou ne mouille mes petits pieds. Bien vite, j’ai donc imité ma collègue, qui habitait le pays depuis plus longtemps que moi – et tout le monde en fait – et ai troqué mon blouson contre un parapluie et mes chaussures fermées contre des tongs en plastique.
Mais oui, c’était ça la solution !
Quel gain de temps en préparation et en séchage ! Ça a changé ma vie d’expat, je peux te le dire.
Quand j’ai arrêté de râler contre la pluie – comme quoi mes origines bretonnes n’avaient pas suffi à m’immuniser – et à lutter contre elle avec des moyens un peu ridicules, j’ai appris à l’apprécier à sa juste valeur et j’ai trouvé comment intégrer la pluie dans les paramètres à prendre en compte et plus comme un obstacle à éviter à tout prix. Ces trombes d’eau pouvaient certes provoquer des dégâts sur des sols qui n’avaient pas le temps de l’absorber, mais étaient aussi la clé de l’abondance de la terre guinéenne. Si je pouvais trouver au marché tous ces fruits et légumes magnifiques et goûteux à souhait, c’était bien grâce à cette baraka venue du ciel. Et puis, j’avais la mémoire un peu courte, parce que pendant tous les mois de chaleur écrasante qui avaient précédé, j’avais espéré cette fraîcheur bienfaisante que la pluie apportait.
Chère Fabuleuse,
J’aimerais t’encourager à regarder d’une manière différente les événements par lesquels tu passes et, pourquoi pas, à danser sous la pluie. « Souris et sache », comme le rappelle Hélène Bonhomme en citant Bronnie Ware, auteure des 5 regrets des personnes en fin de vie1.
Quand tu lèves les yeux et que tu vois ton ciel chargé de nuages prêts à déverser une série de galères sur ta journée, quand une averse de choses à faire s’abat sur tes pensées, quand tu n’arrives plus à éponger le trop plein de désordre dans ta maison et de colère dans ton ventre… J’en passe et je sais que certaines d’entre vous qui suivez l’aventure des mails du matin ou qui nous découvrez, vous traversez des périodes éprouvantes, harassantes et que le mot “déluge” a un sens particulier pour vous. Je fais partie de l’équipe qui répond aux mails que vous nous écrivez et il m’arrive de pleurer en lisant vos histoires.
C’est pourquoi j’ai envie de te dire, encore et encore :
Rappelle-toi que tu es fabuleuse et que tu n’as pas besoin d’attendre que l’orage passe.
Tu n’as pas non plus à subir les foudres du ciel de manière passive ou fataliste : tu peux accueillir chaque ondée comme elle vient, même si tu n’es pas sur-équipée, c’est-à-dire parfaite.
- Tu peux ouvrir ton parapluie et continuer à avancer.
- Tu peux sauter dans les flaques d’eau avec des bottes ou avec des tongs en plastique – avec ce que tu as sous la main ou avec quoi tu te sens à l’aise.
- Tu peux te réfugier sous ta cabane en bois ou un abri de fortune et écouter le son des gouttes qui rejoignent leurs milliers de copines.
- Tu as le droit aussi, de temps à autre, de pester contre le mauvais temps et exprimer ton ras-le-bol face aux éléments qui semblent se déchaîner.
- Tu n’es pas obligée d’aimer l’eau qui te mouille, préférant prier pour que le vent se lève et chasse les nuages.
En toutes situations, tu peux sourire parce que tu sais que le soleil va revenir un jour, mais qu’en attendant, tu vas apprendre à danser, à chanter et même rire aux éclats avec toutes ces gouttes de pluie qui t’auront arrosée et rendue plus belle, plus forte, et auront révélé encore un peu plus la Fabuleuse qui est en toi et qui ne demande qu’à éclore.
1. Bronnie Ware, Les 5 regrets des personnes en fin de vie, éditions Trédaniel, 2013