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Dans ma tête

Le syndrome du cupcake

Une Fabuleuse Maman 25 novembre 2024
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J’arrive à un stade de ma vie où je ne n’ai plus l’impression de mériter le noble titre de « mère au foyer » : j’ai un adolescent enragé et une jeune adulte à la maison à qui je prodigue des conseils comme si j’étais sûre des réponses, comme si j’avais tout compris.

La vérité, c’est que la vraie « moi » se tient à l’écart en observant l’imposteur qui se fait passer pour une « mère ». 

Comme beaucoup, il y a quelques années, j’ai observé l’éducation des enfants de mes amis, de mes frères et sœurs et autres membres de ma famille et je savais que mes enfants seraient polis, cultivés et éduqués.

Moi, je serais calme et à l’écoute, la paix régnerait dans notre foyer.

Il faut dire la vérité : je ne savais pas grand-chose ! Je comprends maintenant que je me berçais d’illusions et que je souffrais d’un cas grave de ce que j’appelle désormais le « syndrome du cupcake ». Vous savez, ces petits gâteaux individuels, bien anglais (comme moi), avec du glaçage sur le dessus.

J’ai identifié ce « syndrome du cupcake » très tôt dans mon parcours de mère.

Il s’agit de ces moments que tu planifies avec tes enfants pour leur donner le temps de qualité qu’ils méritent et dont ils ont besoin. Imagine : vous mettez tous les deux vos tabliers assortis et ton enfant monte sur un tabouret pour atteindre le plan de travail. Les ingrédients sont tous sortis parce que, bien sûr, ton placard est parfaitement rempli et, ensemble, vous pesez la quantité parfaite de beurre, de farine et de sucre à mélanger aux œufs (l’apprentissage des mathématiques est un plus). Pendant la cuisson, tu aides ton enfant à faire la vaisselle et à ranger, ce qui lui apprend à terminer les choses jusqu’au bout et à nettoyer derrière lui. Puis, les gâteaux impeccablement levés sont retirés du four, tandis que vous vous émerveillez ensemble du miracle de la cuisine. Vous passez ensuite de précieux moments à décorer le dessus de chaque gâteau, permettant à ton enfant d’explorer sa créativité comme il le souhaite.

L’image est parfaite et restera à jamais gravée dans vos mémoires.

Tu peux toucher du doigt ce moment de bonheur, avant même de commencer.

Qu’est-ce qui pourrait bien aller de travers ?

La réalité a une drôle de façon de nous rattraper :

il n’y a pas d’œufs, le magasin est fermé, alors tu en empruntes au voisin, mais il pleut et tu ne peux pas laisser ton enfant tout seul, alors vous enfilez d’abord les manteaux et les chaussures avant de sortir. Ouf ! Vous avez les œufs. On enlève les manteaux. On enfile les tabliers. Ton enfant monte sur le tabouret. Vous commencez à peser ensemble la farine, mais il renverse le paquet entier et tout tombe sur la balance. Tu pousses une exclamation et il sursaute, glisse du tabouret et se cogne le genou. Brouhaha… larmes… glace et câlins. Il se fait tard. Il a faim, mais vous avez commencé, vous ne pouvez pas tout arrêter maintenant. Casser les œufs : coquille d’œuf dans le mélange. Pas grave. On réessaie. Encore une coquille. Tu prends le relais. Il observe, il s’ennuie. Fouetter ? Oui, ça, il peut le faire ! Il envoie des œufs partout, sauf là où il faudrait. Tu essayes de garder ton sang-froid. La pâte (aux coquilles) est terminée. Ton enfant négocie le droit de remplir les moules : sa première cuillerée fait la taille d’un petit pois, la seconde, celle d’une balle de tennis. Le moule colle à la pâte, il secoue la cuillère, tout vole à travers la cuisine, réveillant le chien qui saute sur l’occasion de lécher ce qui passe à portée de langue, en bavant généreusement. Ton enfant pousse un hurlement, tu le prends dans tes bras et fais tomber dans le même mouvement tous les moules par terre. Le chien n’en croit pas sa chance. Tu récupères ce que tu peux, les gâteaux sont brûlés et de travers, et ton enfant a abandonné au milieu de la décoration pour regarder la télévision.

Tu as l’impression d’avoir échoué… et ce n’est que le début.

Il y a sûrement des femmes qui réussissent à faire des « cupcakes » avec aisance et peut-être suis-je la seule à souffrir de ce syndrome. Cependant, tout au long de ma vie, chaque fois que j’étais confrontée à des difficultés et à des épreuves, j’ai essayé de me consoler en me disant que mon désarroi était en partie dû à mon « syndrome du cupcake » : une idée teintée en rose de comment les choses « devraient » être ou étaient censées être, basée sur des critères qui venaient littéralement d’un autre espace-temps, d’une autre moi. Une autre moi qui n’était pas une mère.

Si je me fixe des normes irréalistes quant à ce que j’attends de mes enfants, je suis vouée à l’échec.

Cela ne veut pas dire que je ne dois pas avoir d’espoirs ni de rêves pour eux (ou accessoirement pour moi-même) et lutter pour les atteindre, mais que je dois toujours être consciente que l’image construite par mon esprit n’est pas une projection réaliste. Maintenant que j’en ai conscience, face au résultat qui ressemble à l’image « déformée » de mes attentes, je ne vois plus un gribouillis raté, mais un Picasso.

Mes premiers pas dans la maternité ne m’ont pas préparée à ce que j’ai vécu ni à ce que je vis aujourd’hui :

deux enfants neuroatypiques, trois chats, dix insectes phasmes, de nombreux poissons et bien évidemment un vieux gros labrador (qui a bien profité des gâteaux tombés au sol au cours des années), un père absent qui est parti pour une autre femme après trente-deux ans de vie commune, seulement six semaines après la mort de mon père d’un cancer du pancréas et une grave rupture familiale (et n’oublions pas de faire un clin d’œil à la ménopause).

Il y a un an, j’ai mis toutes nos vies dans des cartons, y compris celle de ma mère âgée de 84 ans et nous nous sommes déracinés pour chercher le bonheur en Dordogne. Pour la première fois depuis trente ans, je renoue avec mes compatriotes et je parle plus l’anglais que le français.

Je tente de ramasser les « moules vides » de ma vie pour créer une nouvelle recette correspondant à un statut qui n’est plus celui de mère au foyer, nécessité oblige. 

Ce n’est pas le cupcake que j’avais imaginé dans ma tête quand j’étais l’autre moi, mais c’est le cupcake que j’ai et, malgré son apparence déconcertante, je suis sûre qu’il aura bon goût. Il le faut.
Ce texte nous a été envoyé par Katie, une fabuleuse maman anglaise dont tu peux retrouver les activités sur sa page Linkedin



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