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La grossesse, ou l’illusion de la maîtrise

Alice Corbaz 27 novembre 2019
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Voilà une année que je suis arrivée à la fin de ma grossesse, et donc que ma fille est née. Celles qui l’ont vécue savent qu’une grossesse, ça n’est pas un long fleuve tranquille : changements constants de notre corps, montagne-russe des hormones, passage de nausée à faim en l’espace de quelques instants, sensations nouvelles et incroyables de sentir son bébé bouger, impossibilité de porter des chaussures avec des lacets (parce qu’on n’arrive plus à les lacer !), et j’en passe.

Nous le vivons toutes différemment, en fonction de notre situation familiale, de notre état de santé, de notre travail, de l’attente (ou non) de cette grossesse.

Bref, chaque attente est unique.

Ma fille va donc souffler sa première bougie, et voilà que mon mari et moi sommes en train de penser à nous relancer dans l’aventure. À cette idée, je me sens prise dans un mélange d’excitation et d’appréhension.

Je me réjouis à l’idée d’avoir un deuxième enfant, de revivre les merveilleuses étapes que nous avons vécue avec notre fille (mais encore mieux puisque maintenant je serai préparée!), de voir notre famille s’agrandir. C’est vraiment ce que je souhaite, ce que nous souhaitons, cela ne fait aucun doute.

Pourtant, je ne peux m’empêcher de repenser à certaines choses que j’ai vécues lors de l’attente de mon premier enfant et qui n’étaient pas très agréables. Il y a bien sûr les désagréments de grossesse, plus ou moins conséquents, mais ça, je crains qu’il va falloir s’y faire !

Par contre, il y a des aspects sur lesquels il me semble possible d’agir. Et je veux parler là de tout ce qui tourne autour de notre état intérieur lors de la grossesse : anxiété, peur, volonté de maîtriser…Bref, tout ce qui s’oppose au calme, à l’apaisement, à la confiance.

Nous le savons, avoir un enfant comporte des risques, pour l’enfant évidemment, mais pour la maman aussi. Des risques de maladie, de malformations, des risques de mort aussi. À l’heure actuelle, la médecine est très avancée, et c’est une chose merveilleuse : de moins en moins de femmes et d’enfants meurent au moment de l’accouchement, et surtout de plus en plus de bébés naissent en bonne santé, alors que ça n’aurait pas été le cas il y a quelques décennies. C’est fantastique, et c’est important de pouvoir en profiter !

Pourtant, à mes yeux, cette médicalisation à outrance comporte aussi des risques. Lors de ma grossesse, j’ai eu droit à une échographie par mois. C’est énorme ! (Et je n’avais pas de problème de santé particulier, c’est le nombre d’échographie normal en Suisse à l’heure actuelle).

Alors oui, c’était merveilleux de voir mon bébé grandir petit à petit…

…d’entendre son coeur, de voir ses mains, ses pieds, tout cela se former. Mais en même temps, je réalisais aussi que ça me faisait entrer dans une espèce d’illusion de maîtrise. Ma gynécologue vérifiait que tout allait bien, de manière approfondie, et plutôt que de me rassurer véritablement, ça me mettait dans un état de vigilance constant, en attente de l’échographie suivante qui allait nous permettre de nous assurer que tout continuait d’aller bien. De même pour tous les compléments alimentaires que l’on me recommandait de prendre : cela me donnait le sentiment que si je le faisais, mon bébé allait être en bonne santé, il ne pouvait rien lui arriver.

C’est évident que c’est un plus, que c’est une bonne chose d’avoir tout cela à disposition : encore une fois, je ne souhaite pas renier ces avancées importantes qui font des miracles aujourd’hui.

Mais je me questionne sur ce que ça provoque en moi, en nous :

l’illusion de maîtriser, de contrôler, d’avoir du pouvoir, alors que par essence la vie n’est pas maîtrisable. Elle nous échappe, elle reste un mystère, et je souhaite qu’elle le reste, malgré toutes les découvertes scientifiques que nous faisons !

Car c’est aussi sa fragilité qui fait toute la beauté de la vie.

Pendant ma première grossesse, j’ai réalisé que ce sentiment de maîtrise, cette illusion de contrôle, s’il me faisait du bien en surface et dans l’immédiat, n’était pas ce que je voulais en profondeur. Car en profondeur, ce sentiment de maîtrise ne m’apportait pas ce que je souhaite véritablement : la paix, le calme, la sérénité, la confiance. 

Où les trouver ? Dans la prière, la méditation, l’auto-hypnose, le chant. Chacune sa méthode, nous ne sommes pas toutes identiques, et c’est très bien ainsi. Néanmoins, je crains fort que très peu de personnes arrivent à cet état de paix intérieure et profonde grâce à la sensation de maîtrise de la situation.

Je ne sais pas encore quels seront nos choix pour la suite :

Moins d’échographies (car elles sont proposées mais pas obligatoires non plus), un accouchement en maison de naissance, pas d’application de suivi de grossesse (j’ai passé tellement d’heures sur mon téléphone portable !) ? L’avenir nous le dira. Mais je suis sûre d’une chose : je veux mettre de l’énergie à trouver ce qui va m’aider à être sereine en profondeur, et chercher à m’éloigner de ce qui certes me rassure en surface, mais n’est qu’une illusion de maîtrise et me fait plus de mal que de bien.

Je veux faire confiance à la vie ! 



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Cet article a été écrit par :
Alice Corbaz

Maman de deux enfants nés en 2018 et 2021, Alice est pasteure en Suisse et travaille principalement auprès des jeunes. Elle apprend chaque jour à conjuguer un peu mieux sa vie professionnelle et personnelle, aux côtés de son fabuleux mari. Passionnée par les questions de déculpabilisation, de découverte de soi et d’épanouissement personnel, Alice a plaisir à poser sur le papier et à l’écran ce qui habite ses pensées.

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