Et voilà, on y est.
Il est 7 h 45, on ne peut pas dire que je sois bien réveillée, mes yeux sont tout collés et j’essaie, tant bien que mal, de me servir un café. Eux sont réveillés depuis plus d’une heure, si j’en crois l’état de notre salon. C’est quand même tôt, pour un dimanche.
Et voilà que, déjà, je le sens, ce regard insistant, posé sur moi.
Ils m’ont repérée. Ils sont tous les deux postés derrière mon dos.
Je ne les vois pas, mais je les sens.
Ils ne parlent pas, mais je les entends.
Tout en eux est en train de dire, que dis-je, de supplier :
« Tu viens jouer avec nous, maman ? »
Ai-je précisé que j’ai HORREUR de jouer avec mes enfants ? (oui, il fallait au moins des majuscules !)
Je déteste ça, vraiment.
Et j’ai longtemps culpabilisé d’être celle « qui ne veut jamais jouer ».
J’ai longtemps pensé que cela faisait de moi une mauvaise mère.
À une époque où il faut cocher toutes les cases de la parentalité parfaite, il est difficile de ne pas s’en vouloir pour ça.
J’en ai même ruminé le soir, les yeux grands ouverts dans le lit, en repassant dans ma tête chacun des moments où je leur ai dit : « Non, je ne peux pas jouer avec toi maintenant ».
J’ai tellement bien fait mon travail (de sape) que je ne me voyais plus que comme ça : comme la « rabat-joie », la « pas-drôle », celle qui passe à côté de leur vie.
Sur le chemin, j’ai oublié tout ce que je faisais de bien avec eux.
Est-ce que l’on est une mauvaise mère parce qu’on ne veut jamais jouer avec son enfant ?
Non, je ne crois pas.
Parce que j’en ai eu marre de m’autoflageller, j’ai fini par me renseigner un peu. J’espère, chère Fabuleuse, que ces quelques informations te déculpabiliseront si, toi aussi, tu t’en veux de ne jamais rien faire avec tes enfants.
Savais-tu qu’à une époque pas si lointaine (les années 1920), les conseils que prônaient les experts en éducation étaient justement de ne pas prendre part aux jeux des enfants ? En effet, en laissant son bambin s’amuser tout seul, on lui donnait le matériau dont il avait besoin pour gagner en autonomie. Il apprenait ainsi à surmonter les difficultés de la vie (sous la forme d’une montagne de lego à construire sans aide) dès la petite enfance.
Aujourd’hui, on nous dit qu’il ne faut surtout pas laisser bébé jouer seul une minute sur son tapis d’éveil. Certains diront que les neurosciences sont passées par là… Certes.
Mais il n’empêche : tous les pédagogues actuels s’accordent à dire qu’il est mauvais qu’un parent se force à jouer avec son enfant. L’enfant le sent très bien, quand bien même vous méritez le prix du meilleur acteur.
Nos enfants ont-ils réellement besoin que nous jouions à faire semblant, avec eux ?
Est-ce que nous ne voulons pas plutôt leur apprendre l’authenticité, plutôt que l’aptitude à porter un masque ? Leur enseigner que c’est important de respecter ce qui se dit en eux quand ils sentent que « c’est non », les encourager à respecter ce « non ».
D’autant que le jeu devrait rester ce qu’il est : un amusement, un moment de détente, pas une obligation.
Dans ce processus pour regagner confiance en moi, j’ai aussi fait quelque chose de salutaire. Un matin, au bord des larmes, j’ai pris une feuille et un stylo et j’ai posé ces mots :
Qu’est-ce que j’apporte à mes enfants et que je suis la seule à faire ?
Au début, je ne trouvais rien. Puis, doucement, les phrases ont coulé.
- Avec moi, mes enfants parlent et s’expriment librement. La plupart du temps, je parviens à accueillir leurs émotions bien trop grandes pour de si petits cœurs.
- Avec moi, mes enfants aiment lire. De temps à autre, blottis les uns contre les autres, nous lisons.
- Avec moi, mes enfants se baladent en forêt (c’est une petite forêt sur le chemin de l’école, mais quand même, c’est une source d’émerveillement !)
- Avec moi, mes enfants mangent leur repas dans un cadre plutôt sympa : je suis celle qui aime demander à chacun comment s’est passée sa journée.
Ce sont mes forces à moi. Celles qui me rendent précieuse pour mes enfants.
Depuis que j’ai pris conscience de cela, tout le monde est plus cool !
J’ai mis en place des solutions pour que chacun y trouve son compte :
- On invite plus souvent des copains à venir jouer à la maison.
- On a mis une boîte en place, dans laquelle j’ai déposé des petits cartons sur lesquels sont notées les activités que j’aime faire (colorier, danser avec la musique à fond dans le salon, aller à la bibliothèque, etc.) : les enfants trouvent amusant d’aller y piocher une idée d’occupation de temps en temps et moi, j’ai le sentiment de « faire quelque chose » avec eux.
- Enfin, quand il a vraiment besoin de ma présence autour d’un jeu qu’il aime, je propose à mon fils de le regarder jouer. C’est une véritable observation, sans téléphone en main ni to-do-lists qui s’enchaînent dans ma tête : je prends le temps de le regarder vraiment, de remarquer ses mimiques, ses hésitations, sa façon de réfléchir… Croyez-le ou non, ça me nourrit intérieurement et lui, il est heureux d’avoir toute mon attention, tout en jouant !
Je suis certaine que, toi aussi, fabuleuse maman, tu es riche de forces qui n’appartiennent qu’à toi.
Peut-être que comme moi, tu détestes jouer avec tes enfants. Peut-être que tu as l’impression de ne jamais rien faire avec eux. Mais si tu ouvres un peu plus grand tes yeux, peux-tu identifier ce que tu leur apportes d’unique ?
Et si tu n’en as pas conscience là, tout de suite, peut-être peux-tu, à ton tour, prendre une feuille et y noter la question : « Qu’est-ce que j’apporte à mes enfants et que je suis la seule à faire ? »
Je suis certaine que, un mot après l’autre, tu trouveras les pépites qui sont en toi et qui font de toi la mère avec qui tes enfants aiment passer du temps.
Ce texte nous a été transmis par une Fabuleuse, Aurélie.