Un après-midi, ma fille de 5 ans, a trouvé son « Livre de bébé » dans la bibliothèque.
Nous commençons à le regarder ensemble et, comme tout livre de bébé, les premières pages sont consacrées à la présentation des parents. Je lui lis alors ces quelques lignes : les passions de papa ? le bricolage. Maman adore : les soirées d’été et les vinyles. Papa déteste : les tricheurs. Puis je me fige.
Je ne crois pas ce que je m’apprête à lire.
Sur la page de maman, à la ligne « Ses rêves », il y a écrit :
« Profiter le plus possible en famille ».
Je marque un temps d’arrêt, car je n’arrive pas à lire cette phrase… mais qui a écrit ça ?!
Je ne comprends pas. Ce n’est pas possible ! Ce n’est pas moi qui ai écrit ça ! Un rêve ? Profiter en famille ?
Passées la surprise et l’incrédulité, je ressens alors une profonde tristesse. Ma gorge se serre. Oui, un jour j’ai écrit ces mots. Ce jour-là, passer du temps en famille était alors pour moi synonyme de joie et de bonheur ultime.
J’essaie de me souvenir de l’instant, des émotions qui me traversaient à ce moment-là. J’essaie vraiment, mais je n’y arrive pas.
Le soir en me couchant, je suis perplexe. J’ai l’impression d’avoir rencontré une inconnue et elle m’intrigue.
Mais qui était-elle ? Qui était cette maman qui projetait la vie de famille comme un rêve ?
Ce qui me trouble le plus, c’est que j’en ai la preuve, noir sur blanc : cette maman a vraiment existé !
Une lueur d’espoir se met à briller en moi : et si je me mettais à sa recherche ? Oui, je vais aller la trouver et la ramener à la maison ! Une angoisse terrible m’envahit. Et si je n’y arrivais pas ? Et si elle était perdue pour toujours, partie déjà trop loin ?
Qu’est-ce qui a bien pu lui arriver ?
Comment en suis-je devenue la mère qui fuit son foyer dès qu’elle le peut, qui rêve de moments seule avec elle-même, qui regrette certains jours sa vie sans enfant ?
Je me souviens alors des étoiles dans mes yeux, quand mon congé parental a été accepté. « Cette fois, m’étais-je dit, je prendrai le temps, je veux profiter de mes enfants, leur donner tout mon temps et partager de bons moments, une parenthèse de bonheur juste pour eux et moi ».
De belles intentions. Je n’ai rien vu venir et je suis tombée dans le piège. Le piège de la culpabilité qui te pousse à faire toujours plus parce que « tu ne fais jamais assez », « tu peux mieux faire » et puis « tu l’as voulu ».
Ce congé parental était aussi une revanche. Je voulais rattraper ce temps que je n’avais pas eu avec mon 1er. Je m’en voulais encore de l’avoir laissé à une nounou à l’âge de 4 mois, d’arriver toujours in extremis à l’heure de fin de garde, de passer si peu de temps chaque soir avec lui.
Alors je me l’étais promis « quand j’aurai mon 2e enfant, je prendrai le temps ».
Je n’avais pas peur, j’étais confiante et impatiente. Puis je me suis laissée happer par ce rythme infernal : les jours et les nuits qui se confondent, la course chaque jour pour être à l’heure à midi pétant pour récupérer l’aîné à l’école, les différents rendez-vous médicaux, les activités pour occuper les après-midi… en soi, une vie de maman, quoi, comme tant d’autres !
J’étais en congé parental, ce qui signifiait que ce temps était pour mes enfants et personne d’autre, pas même pour moi. Insidieusement jour après jour, j’ai commencé à disparaître. J’étais la maman d’E. et C., ils étaient toute ma vie, pas de place pour autre chose. C’était la vie que j’avais choisie alors pas question de faire les choses à moitié !
Aujourd’hui je me rends compte qu’en voulant donner « la meilleure version de moi-même » pour ma petite famille, j’ai donné la pire, car je me suis oubliée au passage.
Épuisée et triste, je ne l’ai pas vue partir cette maman qui voulait tellement profiter de ses enfants.
Chère Fabuleuse, si tu lis ces mots j’aimerais te dire ceci : ne la laisse pas s’éloigner ! Ne la laisse pas partir, cette maman qui brille au plus profond de toi avec ses rêves, ses espoirs, ses belles intentions. Pour la retenir, offre-lui ce qu’elle mérite : du temps pour elle, des défis, des succès, des joies en dehors de son rôle de mère.
Ce ne sera pas toujours facile, car la réalité te rattrape et la désillusion n’est jamais très loin, mais ne t’oublie jamais ! Prends du temps pour toi et bats-toi ! Bats-toi pour continuer d’exister pour toi et pas uniquement pour tes enfants. N’oublie jamais les activités que tu aimais faire, les plats que tu aimais manger, les musiques que tu adorais écouter !
Si j’ai bien appris une chose des plus importantes de ces quelques années tourmentées, c’est que donner la vie, ce n’est pas donner toute SA vie.
Prends soin de toi (d’abord) chère Fabuleuse,
Ce texte nous a été transmis par Sabrina, une Fabuleuse maman