La dernière BD de Fleur-Lise Palué portait un titre qui m’a interpellée : à toi qui laisses ton petit (magnifique si tu ne l’as pas déjà lue). Instantanément, j’ai été transportée quelques années en arrière, lorsque, jeune maman déboussolée, j’avais dû, pour quelques heures, laisser mon nouveau-né seul avec le personnel de la maternité.
La sage-femme avait perçu ma détresse et mon inquiétude à l’idée de ne pas avoir mon fils (âgé alors de 72 heures — cela me semble encore inimaginable aujourd’hui) à mes côtés pendant 120 minutes consécutives. Pourtant, je n’avais pas le choix.
La phrase qu’elle a prononcée alors, en présence de mon Fabuleux, a marqué le début de notre parcours de parent. Elle s’est approchée de nous, qui tardions à partir, entourant le berceau de notre fils comme on défend un trésor, et elle nous a soufflé d’une voix douce, mais affirmative :
« vous ne laissez pas votre enfant. Vous le confiez. C’est très différent. »
Effectivement, nous avons pris le temps de peser nos mots. Laisser son enfant, c’est l’abandonner derrière soi, le lâcher en pleine nature. Laisser, c’est renoncer — alors que confier, c’est déléguer le soin que l’on apporte à son enfant. C’est faire le choix conscient et éclairé de la personne qui reçoit la garde de l’enfant. Confier, c’est être en position de confiance et de tranquillité d’esprit, tant pour le bébé que pour ses parents.
C’est remettre la garde de son trésor aux soins d’une personne sûre.
Mon Fabuleux a été très marqué par les mots de cette sage-femme. Nous en reparlons occasionnellement. Pour lui aussi, ce fut un déclic.
Finalement, nous avons ce jour-là confié notre enfant si petit à des inconnues, mais des inconnues professionnelles, qualifiées, bienveillantes, douces avec qui nous savions que tout se passerait bien.
Parfois l’absence de choix nous pousse à grandir plus vite. C’est ce qui s’est passé ce jour-là. Fin de l’histoire, au suspens insoutenable : pendant ces deux heures de garde, mon fils n’a fait que dormir et lorsque nous sommes revenus, il s’éveillait doucement pour sa tétée, apaisé et serein. Nous l’étions aussi, du coup !
Chère Fabuleuse, tu ne laisses pas ton enfant.
Tu le confies, avec amour et avec un sentiment de sécurité. Peut-être préférerais-tu ne pas avoir à le faire. Peut-être es-tu heureuse de retrouver du temps pour toi (ou presque). Quoi qu’il en soit, choisir un mot juste pour décrire ce processus aide certainement à accepter en douceur ce passage obligé de la vie de parent… et d’enfant. En toute confiance.