Comment j’ai traversé le deuil périnatal - Fabuleuses Au Foyer
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Comment j’ai traversé le deuil périnatal

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Une Fabuleuse Maman 13 octobre 2022
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Je suis Maman de 4 garçons.

Deux sur la terre, un au ciel et un encore au chaud.

Chacun a marqué une trace indélébile dans mon cœur de mère. Voici l’histoire de mon troisième garçon. 

À cinq mois de grossesse, en janvier 2021, le couperet tombe : notre bébé est condamné, sa vie sera très courte. Le choc de l’annonce est dévastateur. Mon mari étant en déplacement, je suis seule pour faire face à toutes les angoisses qui abondent subitement dans ma tête. 

Comment appréhender cette fin de grossesse sereinement alors que mon fils peut à tout moment cesser de bouger dans mon ventre ?

Comment vais-je en parler à mes deux garçons de 4 et 2 ans qui se réjouissaient d’être grands frères ? Comment vais-je l’annoncer à nos familles, à ma sœur dont le terme est prévu le même jour que moi ? À l’école, à la crèche, au travail ? Que vont-ils penser quand ils me verront avec mon ventre arrondi et que viendra l’heure des compliments, ne connaissant pas l’issue fatale de cette grossesse d’apparence « normale ». 

Et s’il vit un mois ? un an ? Comment s’y préparer ? 

Une fois l’annonce faite à tous nos proches, les examens ayant confirmé la sévérité du diagnostic, je ressens un grand soulagement. Cette grossesse, nous la mènerons à terme, ce bébé vivra la vie qu’il est censé vivre et ressentira tout l’amour de ses parents pour lui.

De la panique de porter en moi un bébé condamné, je passe alors à la gratitude de disposer de 4 mois pour vivre avec lui, rien que pour lui. 

Vite, il faut lui donner vie, le nommer pour le rendre présent au milieu de nous.

Il s’appellera Joseph. Mon Joseph, ta vie sera courte, mais tu seras aimé, chéri et attendu autant que nos cœurs nous le permettront.

Comment s’approcher jour après jour de notre rencontre et de nos adieux ?

Quelle mère, alors que son enfant vit en elle, prépare ses funérailles plutôt que son baptême ? 

Chaque jour, je réalise le poids des décisions que nous devons prendre. Dans quelle maternité vais-je accoucher ? Quel accompagnement en soins palliatifs va-t-on privilégier ? Doit-on faire l’autopsie que l’on nous conseille de prévoir ?  

Comment sera-t-il habillé le jour de sa naissance ? Et le jour de son inhumation ? Où allons-nous l’enterrer, nous qui ne nous sommes encore jamais projetés ? Sera-t-il beau ? Est-ce que ses frères le verront ? Vont-ils avoir peur ? Va-t-il avoir mal ? 

Les doutes sont innombrables. La fin de grossesse est interminable. Il faut à tout prix nous abandonner car nous ne pouvons rien contrôler, notre foi nous y aide beaucoup.

Nous choisissons de parler librement devant nos deux garçons, pour qu’ils puissent prendre part à nos douleurs et à nos joies et ainsi adoucir leur choc à la naissance.  

Il est indispensable pour nous de vivre la naissance de notre Joseph paisiblement. Nous avons la certitude que c’est un rendez-vous unique à ne pas manquer et à vivre aussi intensément que cela peut l’être.

Le 5 Mai 2021 nous partons pour la maternité avec nos trois cœurs essentiellement tournés vers la vie.

Enfin, nous allons te rencontrer mon Joseph, enfin, nous allons pouvoir te dire à quel point nous t’aimons, enfin, ton papa va te connaître. Plus l’heure tant attendue arrive, plus nous réalisons que notre vie sera à tout jamais transformée.

Et enfin, notre merveilleux Joseph apparaît, magnifique bébé de 3,8 kilos (!), plein de vie, les yeux grand ouverts, poussant des cris puissants de bébé, bougeant ses pieds, ses mains. 

Comme pour ses deux grands frères, je suis émerveillée devant cette vie nouvelle, ce corps parfait dont on m’a si souvent dit qu’il serait probablement atrophié. 

Soudain plus personne ne compte : il n’y a que lui et nous deux.

Premier acte d’amour dans cette petite vie : il reçoit le baptême des mains de son papa. Étant croyants, nous vivons ce moment comme une chance infinie qui nous est offerte. La foi nous aura été d’un grand secours ensuite pour demeurer dans la gratitude de cette épreuve qui a transformé notre famille. 

À l’approche de la venue de ses frères avec leur grand-mère, Joseph est préparé et habillé. Cela m’effraie, tellement je le vois s’essouffler et souffrir. 

Magnifique rencontre, un souffle de vie « joyeuse » entre dans la pièce et en l’espace d’une demi-heure, trois enfants composent notre famille. Les deux grands dînent avec leur papa pendant que je berce Joseph. Scène de bonheur familial immortalisée par une photo sur laquelle tout semble se passer pour le mieux. 

Après le départ de ses frères, Joseph s’éteint petit à petit pour ne se concentrer que sur sa respiration.

La réalité nous rattrape, il ne passera certainement pas la nuit. 

Notre tout-petit agonise et nous sommes là près de lui, l’entourant de nos bras, les yeux fixés sur lui. Tellement impuissants. Que faire à part l’aimer, remercier et aimer encore. 

Mon mari me dira plus tard qu’il a assisté à une double agonie : celle de son fils, et celle de sa femme

Un dernier regard intense lancé vers ses deux parents comme un ultime adieu…

…et notre tout-petit, bercé par mes mots, par mon souffle, par mes larmes, quitte cette terre sur laquelle il vient de poser les pieds.

Merci mon chéri, merci pour la générosité de ta vie et de ta mort. Merci pour cette magnifique rencontre qui a fait de nous des parents pour la troisième fois. 

À la maternité, on nous fait l’immense joie de nous proposer de lui donner un bain et le préparer avant de l’emmener dans la salle où il sera veillé en compagnie de nos chères familles et amis pendant ces quelques jours.

Je ne me lasse pas de le tenir dans mes bras, de bercer son petit corps qui va m’être enlevé à tout jamais.

Je hurle de douleur le soir quand nous devons quitter la salle, mon ventre me fait mal, je ne peux plus respirer et je suis persuadée que je vais véritablement mourir de chagrin. 

Mais chaque journée apporte son lot de trésors et de consolations. Notre couple connaît cette semaine-là une telle unité… Mon mari est un pilier irremplaçable. C’est lui qui, avec sa guitare, transforme nos heures près de Joseph, si bien qu’elles sont devenues un souvenir consolateur et heureux.

Aujourd’hui, un an et demi après la naissance de notre Joseph, il est présent plus que jamais dans nos cœurs, dans notre couple et au sein de notre famille. Pour nos deux autres enfants, il a trouvé sans encombre sa place de troisième. 

Désormais un autre enfant est au creux de moi.

Encore un nouvel abandon : laisser la place à ce nouveau petit être qui nous projette à nouveau dans la vie. Trouver un équilibre pour que ce quatrième ressente tout notre amour de parents, sans oublier celui qui nous manquera toujours. Fabuleuse vie où tout se vit si intensément, où les émotions doivent être accueillies et accompagnées avec tant de bienveillance, où l’on peut vivre un grand drame et le transformer, avec beaucoup de consolation, en la plus grande des joies ! 

Ce texte nous a été transmis par une fabuleuse maman, Claire-Marie.



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