J’ai toujours aimé ouvrir les tiroirs grinçants des maisons de famille dans lesquelles j’ai la chance de séjourner chaque été.
Je le confesse, c’est un vilain défaut. Pourtant, j’ai beau me dire que je connais leur contenu par cœur, je tombe toujours sur des pépites. Ainsi, l’autre jour, en fouinant dans mon ancienne chambre d’adolescente, je suis retombée sur une bouteille de parfum au design un peu rétro : « Parfum d’été ». Délicatement, j’ai ouvert la fiole pour humer la fragrance de mes années lycée.
C’est drôle, me suis-je dit, ça ne sent pas du tout comme ça, l’été !
Et puis j’ai remis la bouteille sur son étagère (à côté de tubes de crème dépilatoire vieux de dix ans) et suis passée à autre chose. À vrai dire, ce devait être la fin de la sieste des enfants.
« Ça ne sent pas du tout comme ça, l’été » :
toute la journée, cette phrase m’a trotté dans la tête. À tel point que j’en suis venue, le lendemain, à me demander : au fait, ça sent quoi, l’été ? Quelle odeur, quel parfum, permettraient de qualifier ce temps particulier, d’en restituer la spécificité, d’en capter les secrets ? Un parfum qui, tel une madeleine de Proust, ferait ressurgir d’un seul coup la plage, les glaces, le sable coincé dans les draps, les chaudes soirées au jardin ?
Je suis donc partie en repérage olfactif tout au long d’une journée d’été. Voilà le résultat !
Au réveil : le fumet de leur chambre gorgée d’humidité ; l’odeur indescriptible de leur petite nuque transpirante embrassée au saut du lit ; le parfum de lavande qui chatouille les narines dès que l’on ouvre les volets ;
Au petit-déjeuner : l’odeur du pain grillé et du thé ; le parfum du beurre salé qui a pris un léger coup de chaud (les premiers ont déjeuné avant 8 heures, les derniers – en gros, ceux qui n’ont pas d’enfants – après 10 heures) ;
En balade : l’odeur du fumier sentie depuis la piste cyclable ; le parfum des figuiers qui bordent la route et esquissent un tunnel au-dessus de nos têtes ;
Au déjeuner : l’odeur du melon un peu trop mûr et du jambon de pays ; le fumet de la tomme rapportée de la ferme ;
Au bord de l’eau : le parfum de la crème solaire étalée sur la peau déjà chaude ; l’odeur âcre des algues et de la marée ;
Au goûter : le délicieux fumet du gâteau aux mûres tout juste sorti du four ; l’odeur de la citronnade fraichement pressée ;
Sous la douche : l’agréable odeur – monoï et tiaré – de ce gel douche dépaysant (offert pour 3 paquets de lingettes) ; le parfum curieux du vieux ballon d’eau qui chauffe ;
Au dîner : le parfum du barbecue (senti dès la remontée de la plage dans tout le quartier) ; le nez de ce rosé qui n’est bon qu’en été (avec modération, après une chaude journée et accompagné du son des cigales) ;
Au coucher : l’odeur de leurs cheveux, mélange de savon et de soleil ; le parfum des murs de la maison après une longue journée de chaleur ; l’odeur des draps séchés sur le fil à linge de la terrasse ;
Après ce jeu de piste olfactif,
somme toute très subjectif, j’y ai associé mes compagnons de vacances.
Mon Fabuleux : « La citronnelle dont chacun s’asperge la nuque et les bras pour éviter de se livrer en pâture aux moustiques » ;
Mon ainé (7 ans) : « L’odeur de la barbe à papa quand on se promène au port après le dîner » ;
Ma belle-sœur : « L’huile sèche dont je m’enduis les jambes après une journée de soleil ».
De façon inattendue, ce petit jeu a offert à chacun la possibilité de mettre des mots sur ces odeurs qui font notre quotidien et dessinent les contours d’un univers bien souvent difficile à exprimer. Un univers un peu secret mais tellement essentiel : cet hiver, il me suffira de sentir un léger parfum de figue me titiller les narines pour me retrouver, en un clin d’œil, transportée dans le hamac qui a abrité mes siestes estivales.